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Table Ronde 

Question(s) de frontière(s) et frontière(s) en question(s).

Résumés, textes et documentation...


Résumé: Je vais essayer de montrer comment des matérialités – en l’occurrence des frontières génétiques – peuvent être sous la dépendance ou, du moins, sous l’influence de construits et d’évidences. Dans une première partie, je donnerai trois exemples de ce que j’ai appelé la « gestion » sociale des frontières biologiques, appellation tout à fait discutable : avant toute analyse, il est en effet préférable de parler, plus modestement, d’une emprise sociale sur ces frontières. Dans le premier exemple, j’évoquerai le cas bien connu de la tolérance au lactose, tolérance différenciée selon les populations considérées et qui, par ce fait même, permet de repérer entre celles-ci des frontières génétiques. Le deuxième exemple portera sur des corrélations observées entre frontières linguistiques et marqueurs génétiques. Enfin, le troisième exemple concernera la “gouvernance possible” (pour reprendre une expression de Jean-Luc Bonniol) par le social des évolutions et des “frontières” biologiques relatives à la pigmentation de la peau. Je précise, d’emblée, que tout au long de cette première partie, j’utiliserai le mot « frontière » dans un sens très lâche, pour désigner des ruptures qualitatives et/ou quantitatives dans des régularités  – ici : linguistiques, biologiques, phénotypiques - caractéristiques d’une population. Dans une seconde partie, je tenterai de dégager des exemples donnés quelques implications théoriques à partir d’un cadre interprétatif proposé par le biologiste Mark Pagel  et l’anthropologue évolutionnaire Ruth Mace  (2004). 


Robert Nicolaï : Des frontières et des normes, de l’ethnicité et du style. (texte de la communication)

Résumé: Lorsque j’ai tenté de rassembler mes idées afin de préparer l’argumentaire de cette table ronde, je suis parti d’un ensemble de banalités. Tout d’abord, du fait que les frontières sont des évidences : s’il peut être envisagé de les préciser ou de les imposer, s’il peut être utile, nécessaire, opportun de manifester à tel X ou à tel Y (individu ou collectivité) leur nature ou leur tracé, leur existence en tant que distinction significative est bien une évidence indépendamment des entités qu’elles délimitent / introduisent. Les frontières sont ainsi présentées comme un toujours-là, un déjà-connu dont on peut contester (versus attendre) la présence dans un espace donné, dont on peut mettre en cause la légitimité, mais cette mise en cause revient alors à déplacer leur tracé, à considérer autrement leur nature. Bref, à réorganiser le monde. Partant de là, leur considération est une nécessité de fait, une nécessité vécue, c'est-à-dire une évidence effectivement partagée par les acteurs  qui ont à faire avec.
Pour exemplifier cela, je vais me placer en regard de deux domaines : celui des élaborations ethniques qui connote traditionnellement des disciplines telles que l’anthropologie et la sociologie, et celui des élaborations langagières et stylistiques qui connote traditionnellement des disciplines telles que la linguistique, la pragmatique et la sociolinguistique. Bien évidemment, il faut s’attendre à ce que j’investisse davantage ce dernier domaine, mais ce sera à travers une reconsidération de ses frontières.


L'objet de la communication sera de questionner les frontières linguistiques telles qu'elles sont représentées dans les discours des acteurs, locuteurs et linguistes. L'exposé s'attachera à dégager les concepts clés définissant les frontières dans l'espace communicatif : la mobilité (du locuteur) et le répertoire (du sujet). Nous illustrerons notre réflexion à partir de témoignages métadiscursifs sur les frontières vécues et perçues dans l'espace communicatif abidjanais.
A l'orgine se trouve le constat que les linguistes sont des locuteurs plus égaux que les autres. Comme leur travail consiste à observer, à décrire, à catégoriser, des usages linguistiques (ce qu'on a en outre parfois tendance à confondre avec l'explication ), on accorde quelque crédit à leurs discours. Or, ils n'observent que ce qu'ils voient, et leur observation est donc conditionnée par les limites fixées à leur propre mobilité ; ils ne décrivent que ce qui est structurable à partir de leur propre répertoire.  Les catégorisations qui résultent de ces étapes de conceptualisation ne sont que la part immergée de l'iceberg…
Comme le souligne R.Nicolaï ici-même, la frontière est un outil de saisie : si la frontière elle-même se présente sous forme de ligne de démarcation entre deux objets mentaux, il ne peut y avoir de continuum entre espaces – or, c'est là un concept majeur de la description des situations linguistiques dotées d'une hétérogénéité marquée. Par ailleurs, si l'identification d'une frontière constitue un acte, la frontière possède un caractère conjoncturel. En ce sens, une frontière historique résulte de la superposition d'objets semblables (et de leurs démarcations). Pour clore ce parcours exploratoire, nous nous interrogerons sur les atouts pour l'appréhension des frontières linguistiques par les différents types de données d'étude : les enquêtes sociolinguistiques quantitatives et qualitatives, les corpus de discours non standards, et les tests de perception.



(Documentation en rapport avec le thème: Doc1, Doc2, Doc3, Doc4, Doc5, Doc6)

Les modes langagières comme créatrices de frontières
Gilles Siouffi

Dans cette intervention, je me propose de prendre pour base, pour aborder la question des frontières dans les usages et dans les représentations, le travail que j’ai engagé autour des « modes langagières », et qui sera inauguré par un colloque à Montpellier les 11-13 juin 2008. Si on fait l’hypothèse que les phénomènes de « modes langagières » reposent sur un double processus, qui va dans deux sens contraires, de mimétisme et de distinction, on peut déduire que leur rôle est éventuellement important dans les moments où des usages se séparent. Je me propose particulièrement d’essayer de réfléchir sur la notion de « distinction », qu’on connaît bien par sa référence bourdieusienne, mais qu’on pourrait approfondir sur le terrain linguistique, en essayant de mesurer comment des individus ou des groupes cherchent par le langage à se distinguer, c’est-à-dire à innover dans un sens qui crée un écart. La question de la variation stylistique et de ses motivations est alors incontournable. On pourra chercher à aborder la distinction dans plusieurs sens, mobilisant certaines oppositions établies par la sociolinguistique, mais aussi en s’interrogeant sur le phénomène de l’accommodation, en l’occurrence la présupposition de la manière dont va être perçu l’écart. Mon travail étant avant tout ancré en histoire de la langue, j’essayerai d’envisager quelques moments historiques où ces phénomènes ont été pensés, éventuellement décrits.


Résumé : Ni les frontières naturelles, ni les frontières conventionnelles ne sont  homogènes ou simples :
* du point de vue empirique :  fonctions des limites, des bornes (barrières, bouées, poteaux, murs, etc.), des démarcations, des lisières, des confins ; 
* du point de vue juridique : le juridique (conventions, accords, institutions ……. ) comme expression de réalités politiques et stratégiques ;
* du point de vue linguistique : que signifierait une véritable discontinuité ? à partir de quand une opposition est-elle significative ?
* du point de vue langagier, les « frontières » sont sociales tant dans l’emploi du terme que  dans leurs représentations

Résumé : Certes, l'une ne va pas sans l'autre, mais, selon le point de vue où l'on se place, soit la frontière, soit la mixité sera diabolisée ou divinisée. Cette perspective peut être utile dans  l'analyse  des entretiens, pour comprendre le positionnement des interviewé-e-s par rapport à cette problématique. Quelques extraits d'entretien illusdtreront le propos.
Question annexe : combien de fois et dans quels sens le terme de frontières est-il intervenu dans mes propres écrits sur la mixité? Quelles sont les autres expressions qui débouchent - peut-être à mion insu - sur le même effet de séparation?