USAGES DU
VERBE "FAIRE" EN FRANÇAIS AU CAMEROUN :
POLYSÉMIE
ET FACTITIVITÉ
Claude
Frey
Alliance Française de Tuléar-Madagascar
Aspects
linguistiques
1. Introduction
Le verbe FAIRE, dont nous avions précédemment décrit les usages dans Frey, 1992-1993, trouve aussi des emplois particuliers dans le français en usage au Cameroun, identiques ou différents des cas étudiés pour le Burundi. Nous nous appuierons partiellement sur ce précédent article auquel nous renverrons chaque fois que nécessaire.
Cet article reposait sur les constats suivants :
- faire ne peut pas toujours être contourné en FRFR[1], sauf en le remplaçant, lorsque c'est
possible, par un verbe de forme synthétique. Par exemple :
faire une fugue ---> pas d'autre verbe possible en forme périphrastique (analytique)
---> fuguer (forme synthétique).
- Il peut parfois être remplacé par un verbe hyponyme plus précis :
faire un discours ---> prononcer un discours
Mais le corpus frbu présentait des occurrences du verbe FAIRE inusitées ou impossibles en FRFR, telles que faire un accident ou faire un coup de fil. Ce sont ces types d'occurrences qui avaient fourni la base de notre étude, et nous pouvions proposer cette progression des constructions avec FAIRE, rappelées ci-après avec un exemple tiré du corpus FRCAM[2], ce qui d'ores et déjà semble indiquer sur ce point une identité entre FRCAM et FRBU[3], du moins en ce qui concerne la partie A du corpus (cf. ci-dessous, 2.) :
FRCAM |
FAIRE faire |
+ |
substantif
intensif une contribution |
|
FRFR |
verbe
extensif donner |
+ |
substantif
intensif une contribution |
forme
analytique |
FRFR |
verbe
intensif apporter |
+ |
substantif
intensif une contribution |
|
FRFR |
verbe
intensif contenant
le sémantisme du substantif correspondant contribuer |
+ |
Ø |
forme
synthétique |
Cela nous amenait à comparer les usages FRFR et FRBU, puis à tenter des explications sur les causes de ces différences de fonctionnement.
Si nous pensons aujourd'hui que certains points concernant le verbe FAIRE en FRBU pourraient être revus ou précisés, nous pensons cependant que le schéma général reste valable. Le présent article proposera donc de même, successivement, la présentation ordonnée du corpus camerounais suivi de la présentation schématique des types d'occurrences, puis des commentaires linguistiques sur le fonctionnement et les usages du verbe FAIRE en FRCAM, permettant la comparaison entre la variété camerounaise, la variété burundaise, et la variété française.
2. Le corpus
2.1. Présentation ordonnée du
corpus
Ce corpus est présenté en trois groupes ayant
chacun sa spécificité :
- Le
groupe A rassemble des énoncés dans
lesquels FAIRE remplace un verbe hyponyme tel avoir (A1), donner (A2), passer (A3), prendre (A4), être (A5).
Le groupe A rassemble des énoncés a priori comparables à ceux qui avaient été
présentés en FRBU.
- Le
groupe B rassemble des locutions
construites avec FAIRE qui sont inconnues en FRFR de même qu'en FRBU.
- Le
groupe C rassemble des énoncés
exprimant la factitivité, mais desquels le verbe FAIRE, exprimant normalement
la factitivité, est absent. Ces énoncés, absents de FRFR, n'existent pas non
plus en FRBU.
2.1.1. Groupe A : remplacement d'un verbe hyponyme par FAIRE |
A1 - AVOIR |
avoir |
A1-1- L'asso est là un client régulier, celui avec qui une femme fait régulièrement les rapports sexuels (d'apr. manuscrit mémoire étud.). |
avoir / obtenir |
A1-2- Au niveau du foot-ball tout se passe bien. Nous faisons de bons résultats. (R. Milla, La Nationale n° 5, p. 8). |
avoir / mettre / porter |
A1-3- Les élèves s'abstiendront de faire des
tenues fantaisistes. (étud. Massopkam M.H. Tawamba, mémoire Problématique de la communication dans la
pratique pédagogique, 1992-1993, p. 83). |
avoir recours[4] A1-4- Bernard Nanga fait également recours à
la figure nommée antanaclase. (étud. L. Ebah-Flavie, La redondance dans Les chauves-souris, de Bernard Nanga,
mémoire p. 66). |
A1-5- Il faut faire recours ici au dictionnaire médical. (copie étud. B2). |
avoir
un accident |
A1-6- Il a fait l'accident, c'est tout ce
qu'on sait. (étud.). |
A1-7- Il ressort que ce serait le même chauffeur
qui, il y a quelques années prit un autre car Hiace chargé à bloc pour faire
un autre accident et en fut l'unique survivant. (Rigobert Onambele, Le Jeune Enquêteur n° 27, 3-3-97, p.
8). |
avoir
un enfant |
A1-8- Une même femme faisait parfois seize à
dix-huit gosses, sans qu'il y ait un seul décès. (Afric-Nature n° 11, 6/7-95, p. 2). |
avoir
une maladie |
A1-9- D'autres malades font des diarrhées
permanentes. (Multi-Sat TV
n° 5, 10-95, p. 10). |
A1-10- Un nouveau médecin a pris
l'initiative d'annoncer à la patiente qu'elle faisait le SIDA. (Multi-Sat TV n° 5, 10-95, p. 4). |
A1-11- Hein ! Zibi, tu ne criais pas
mon nom de la même manière quand tu faisais cette grossesse. (Gervais Mendo
Ze, Boule de chagrins, ABC, Paris,
1988, p. 121). |
A2
- DONNER |
A2-1- Avec les contributions que les gens
ont faites de toutes parts, je crois que le comité [...] a de quoi faire une
Constitution normale. (A. Dzongang, La
Nouvelle Expression n° 75, p. 8). |
A2-2- Mon affaire là ça avance doucement,
mais je dois faire le matabiche à gauche à droite. (lycéen). |
35- Il n'a pas hésité à faire un coup de
patte d'âne à ses collègues parlementaires. (La Nouvelle Expression n° 75, p. 8). |
donner
/ émettre |
A2-3- [...] tu crois que ça change quoi
quand le monde entier fait des protestations verbales comme ça [...]. (Takala
et Muyenga, Le Messager n° 557,
4-11-96, p. 3). |
A2-4- Est-ce que je peux faire un coup de
fil de chez toi, sur Mbalmayo ? (prof. univ.). |
donner
/ rendre |
A2-5- Ils allaient, sans doute, nous faire
la route terriblement difficile, malgré les propositions alléchantes qu'ils
avaient fait semblant d'avancer au début des négociations. (Francis Bebey, Le fils d'Agatha Moudio, p. 80). |
A3
- PASSER du temps |
A3-1- Si tout va bien, je peux faire dix ans
sans aller voir le ministre de la jeunesse et des sports. (Roger Milla, La Nationale n° 5, p. 8). |
A3-2- Il a fait deux jours sans venir au
travail. (inc.). |
A4
- PRENDRE |
A4-1- Le recteur a annulé la décision qui
était déjà faite. (prof. univ.). |
A5
- ÊTRE |
être
en |
A5-1- C'est la triste réalité que j'ai dû
vivre en classe quand je faisais 3ème. (Multi Sat TV n° 23, 3-97, p. 47)[5]. |
être
à |
A5-2- J’ai déjà fait Douala. (occurrence
tirée de Tabi Manga, 1990, p. 94). |
A6
- DIVERS |
A6-1- Je voulais féliciter les élèves pour
l'organisation qu'ils ont faite. (Mbella Mbappé, Ministre de l'Education
Nationale, CRTV, Informations du
18-7-1994, 20h.30 locales). |
A6-2- Et le gouvernement nigérien fera une
solution pour vous. (Meisli Garba, Position,
1961, p. 76). |
2.1.2. Groupe B : locutions
construites avec FAIRE |
B-1- [Il est question du] juge E., à qui on fait reproche d'avoir commis une faute lourde professionnelle. (C. Biake Difana, La Nouvelle Expression n° 75, p. 6). |
B-2- Ceux qui font la paresse sont des
chercheurs d'argent et non des chercheurs d'emploi. (Dikalo n° 167, 8-5-1995, p. 3). |
B-3- Elle a une autre allure depuis qu'elle
fait la taille. (inc.). |
B-4- Vous achetez le couteau suisse
là ? - Non merci - Et un tire-bouchon ? - Non plus merci ! -
Vous ne voulez pas me faire la recette alors ? (vendeur à la sauvette). |
B-5- On connaît vos histoires, ça fait deux
jours que vous faites le boucan ! (chef de service, S.O.A.E.M. Douala). |
B-6- [...] j'ai décidé de faire la propreté
dans toute la ville afin que cette fête puisse se passer dans de très bonnes
conditions. (Le Devoir n° 3,
11-3-1996, p. 4). |
B-7- Quand tu n'as pas ton permis, tu peux
faire du clando si tu as un ami policier. (Gardien Crédit Lyonnais). |
B-8- Non, non, c'est pas avec celle-là que
son fils fait les affaires. (prof. univ.). |
B-9- Pourquoi tu fais la jalousie comme ça,
je ne comprends pas ! (vendeuse pressing). |
B-10- Tu sais, ce receveur municipal de
Ngambe est un brave type qui ne dort pas au premier banc comme ceux qui font
la délation sur lui. (Takala et Muyenga, Le
Messager n° 408, 9-1-1995, p. 3). |
B-11- On n'apprend pas le kung fu pour faire
la bagarre, pour attaquer les gens... (Edouard Kingue, Gazette n° 467, 29-5/4-6-1983, p. 10). |
B-12- J'ai demandé à Monsieur N. de me faire
tenir ces descriptifs au plus tôt. (prof. univ.)[6]. |
B-13- Je vais essayer d'avoir les
renseignements et je repasse vous voir. - D'accord, faites bien. (technicien
atelier C.S.P.S., Yaoundé). |
2.1.3. Groupe C : expression de la factitivité |
C1.
Élimination du semi-auxiliaire FAIRE |
C1-1- Alors Messieurs, vous n'avez pas
fini ? Vous nous perdez le temps ! (prof. univ.)[7]. |
C1-2- Aussi retrouvons-nous cette impression
de musique lorsque Nanga rime deux syllabes avec une forte intention
stylistique. (étud. L. Ebah-Flavie, La
redondance dans Les Chauves-souris de Bernard Nanga mémoire p.
114). |
C1-3- Quand je ferai un plat de Douala, je
te goûterai. (vendeuse). |
C1-4- Je vais essayer de ressortir les choix
et les motivations de mon sujet. (copie étud. LMF4, 21-10-1996)[8]. |
C1-5- Ils ont réussi l'exploit de coïncider
le défilé terrestre avec le défilé aérien. (présentateur CRTV, commentaire
défilé 20 mai 1993). |
C1-6- On est venu pour les déguerpir de la
chambre. (prof. univ.). |
C1-7- Attention à celui-là, il a déjà coulé
le sang ! (voyou). |
C1-8- L'hôte, à son invité : Viens, je
vais te visiter la maison. (secrétaire). |
C1-9- Il a pris des dispositions pour
fructifier les nouvelles décisions administratives. (présentateur CRTV,
Journal de 22h., 28-4-1993). |
C1-10- Ils veulent tous se filmer[9] avec le maître ! (lycéen). |
C1-11- Donc en toute logique celui qui coule
plus de sueur apportera plus de pain à la famille [...]. (Dr Shanda Tonme, Galaxie n° 129, 14-3-1995, p. 6). |
C1-12- Cet accident finalement, c'est la
goutte qui a débordé le vase. (pharmacien). |
C1-13- Il reste à souligner que cette
affaire de faux timbres est la goutte d'eau qui vient de déborder le vase. (Perspectives Hebdo n° 116,
17/23-2-1997, p. 3). |
C1-14- Nous au moins, nous savons fructifier
notre argent. (prof. univ.). |
C1-15- Ils contestent, mais dès qu'on leur
miroite un peu d'argent, ils ferment leur clapet. (prof. univ.). |
C1-16- Même Abdoulaye Babale à Paris,
quelques mois auparavant leur miroitait le Cameroun comme un El dorado.
(Betrand Toko, L'Expression n° 88,
4-2-1997, p. 16). |
C1-17- Le locuteur émet aussi des gestes
l'aidant à parvenir son message. (copie étud. B2, 2-96). |
C1-18- J'ai peur d'oublier. - Non, non, je
te penserai. (enseignant). |
C1-19- Mardi prochain tu me penseras aux
affiches là. (enseignant). |
C1-20- L'absence de compréhension entre les
individus peut les opposer, voire même les affronter. (copie étud. LMF2). |
C1-21- Sous ce dernier rapport en effet, ce
qui nous penche vers une sous-catégorisation du surnaturel, c'est le refus du
narrateur [...]. (prof. univ., Fosso, Ecritures
V, p. 23). |
C1-22- On ne peut succéder à n'importe quel
mot à l'autre, au risque de ne pouvoir obtenir une cohérence de sens. (copie
étud. B2). |
C1-23- La place du mot peut varier son sens
et sa classe grammaticale. (prof. univ.). |
C1-24- On précédera le nom de l'auteur d'une
parenthèse. (prof. univ.). |
C1-25- Il ne reste plus que le cours, qu'il
faut essayer d'avancer. (prof. univ.). |
C1-26- Cette compétence particulière vient
diverger les langues. (copie étud. LMF3, 6-95). |
C2.
Ajout du semi-auxiliaire FAIRE |
C2-1- Elles lui ont, chaque fois, permis de
faire augmenter l'information tout en restant dans les mêmes isotopies.
(copie étud.). |
C2-2- Les enfants auront du mal de se faire
comprendre entre eux car ayant chacun une langue maternelle différente.
(copie étud., LMF2). |
C2-3- Les Noirs pourront ainsi faire
répercuter la nouvelle, qui se répand comme une traînée de poudre, de village
en village. (étud. Léopold Patrick Essi Andang, La coordination dans le "Vieux Nègre et la Médaille" :
le coordonnant ET, mémoire, 1993-1994, p. 86). |
C2-4- Dans un cours d'hygiène à l'école
primaire, l'instituteur pourra dire aux enfants : Vous devez vous faire
brosser les dents après avoir mangé. (copie étud. B2). |
2.2. Présentation synoptique des
types d'occurrences
L'ensemble de ce corpus nous permet d'élaborer dans les tableaux 1, 2, et 3 ci-après les dispositions lectales schématiques de chaque groupe, dans lesquelles nous admettrons que le lecte A inclut les formes FRFR généralement considérées comme les formes de référence (dont il est nécessaire parfois de relever la relative fragilité), le lecte B les formes en usage au Cameroun, et le lecte C les formes synthétiques lorsqu'elles existent.
Nous voudrions rappeler que ces formes ne sont pas incompatibles dans le discours d'un même locuteur : si le locuteur camerounais utilise le lecte B, il peut tout aussi bien utiliser les lectes A et C. Par contre, et en dehors de quelques exceptions, un locuteur français n'utilisera habituellement pas le lecte B.
Cette présentation devrait déjà faire apparaître des particularités de fonctionnement dans les différents lectes en usage en FRCAM et en FRFR.
2.2.1. Groupe A : Tableau 1[10]
lecte B |
lecte A |
lecte C[11] |
FRCAM |
|
FRFR |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
un rapport sexuel |
|
copuler |
|
|
|
|
obtenir |
|
un résultat |
|
Ø |
|
|
|
|
|
|
un / l'accident |
|
Ø |
|
|
|
|
|
|
Ø recours |
|
recourir à |
|
|
|
|
porter |
|
une tenue |
|
s'habiller |
|
|
AVOIR |
|
|
|
18 gosses un enfant |
|
Ø Ø |
|
|
|
|
contracter |
|
un zona/un cancer une diarrhée le sida la maladie |
|
Ø FRCAM diarrher Ø être malade |
|
|
|
|
contracter ? |
|
une grossesse |
|
être enceinte FRCAM être grosse |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
apporter |
|
une contribution |
|
contribuer |
|
|
|
|
|
|
le matabiche |
|
soudoyer FRBU matabicher |
FAIRE |
|
DONNER |
|
|
|
un coup de patte |
|
Ø |
|
|
|
|
passer |
|
un coup de fil |
|
téléphoner |
|
|
|
|
rendre |
|
difficile |
|
Ø |
|
|
|
|
émettre |
|
une protestation |
|
protester |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
PRENDRE |
|
prendre |
|
une décision |
|
décider |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
PASSER |
|
|
|
dix ans deux jours |
|
Ø |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
ÊTRE |
|
être en, suivre être à, séjourner |
|
(la) 3ème à Douala |
|
Ø |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
trouver, proposer |
|
une solution |
|
solutionner[12] |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
? |
|
une organisation |
|
organiser |
hypéronymie |
|
|
|
|
|
|
|
hyponymie |
extensivité maximum |
|
|
|
|
|
|
|
intensivité maximum |
2.2.2. Groupe
B : Tableau 2
lecte
B |
|
lecte
A |
lecte
C |
|
|||||||||||
FRCAM |
|
FRFR |
|||||||||||||
FAIRE |
+ |
art.
déf. |
+ |
subst.
[abstr.] |
|
AUX.+groupe
adj. prép. ou
nom. |
|
VERBE |
|||||||
faire |
|
la |
|
paresse |
|
être |
|
paresseux |
|
paresser |
|||||
faire |
|
la |
|
taille |
|
être |
|
au régime |
|
Ø |
|||||
|
|
|
|
|
|
faire |
|
fine taille |
|
|
|||||
faire |
|
la |
|
recette |
|
Ø |
|
|
|
acheter |
|||||
faire |
|
le |
|
boucan |
|
Ø |
|
|
|
rouspéter |
|||||
faire |
|
la |
|
propreté |
|
rendre |
|
propre |
|
nettoyer |
|||||
faire |
|
du |
|
clando |
|
exploiter |
|
un taxi clandestin |
|
Ø |
|||||
faire |
|
les |
|
affaires |
|
faire |
|
l'amour |
|
coucher (avec) |
|||||
faire |
|
la |
|
jalousie |
|
être |
|
jaloux |
|
jalouser |
|||||
faire |
|
la |
|
délation |
|
Ø |
|
|
|
dénoncer |
|||||
faire |
|
la |
|
bagarre |
|
Ø |
|
|
|
se bagarrer |
|||||
analytique |
|
analytique |
|
synthétique |
|||||||||||
2.2.3. Groupe
C : Tableau 3
lecte
B |
|
lecte
A |
|
|||||||||
FRCAM |
|
FRFR |
|
|||||||||
Verbe |
C.O.D. |
(C.O.I.) |
|
FAIRE |
Verbe |
C.O.D. |
(C.O.I.) |
|||||
perdre |
le temps |
à qqn |
|
faire |
perdre |
le temps |
à qqn |
|||||
goûter |
un plat |
à qqn |
|
faire |
goûter |
un plat |
à qqn |
|||||
visiter |
la maison |
à qqn |
|
faire |
visiter |
la maison |
à qqn |
|||||
miroiter |
de l'argent |
à qqn |
|
faire |
miroiter |
de l'argent |
à qqn |
|||||
penser |
qqch |
à qqn |
|
faire |
penser |
qqch |
à qqn |
|||||
rimer |
deux syllabes |
|
|
faire |
rimer |
deux syllabes |
|
|||||
ressortir |
une motivation |
|
|
faire |
ressortir |
une motivation |
|
|||||
coïncider |
le défilé et qqch |
|
|
faire |
coïncider |
le défilé et qqch |
|
|||||
déguerpir |
qqn |
|
|
faire |
déguerpir |
qqn |
|
|||||
couler |
le sang/la sueur |
|
|
faire |
couler |
le sang/la sueur |
|
|||||
fructifier |
les décisions |
|
|
faire |
fructifier |
les décisions |
|
|||||
filmer |
qqn |
|
|
faire |
filmer |
qqn |
|
|||||
déborder |
le vase |
|
|
faire |
déborder |
le vase |
|
|||||
alterner |
des mots |
|
|
faire |
alterner |
des mots |
|
|||||
parvenir |
un message |
|
|
faire |
parvenir |
un message |
|
|||||
affronter |
deux personnes |
|
|
faire |
affronter |
deux personnes |
|
|||||
pencher |
qqn |
|
|
faire |
pencher |
qqn |
|
|||||
succéder |
un mot à ... |
|
|
faire |
succéder |
un mot à ... |
|
|||||
varier |
le sens d'un mot |
|
|
faire |
varier |
le sens d'un mot |
|
|||||
précéder |
un nom |
|
|
faire |
précéder |
un nom |
|
|||||
avancer |
un cours |
|
|
faire |
avancer |
un cours |
|
|||||
diverger |
les langues |
|
|
faire |
diverger |
les langues |
|
|||||
synthétique |
|
analytique |
|
|||||||||
3. Observations linguistiques
Les principes d'économie linguistique (simplicité, régularité, rendement, selon la terminologie de Berrendonner et al., 1983) que nous avancions dans l'article précédent, nous semblent rester valables. La laxité sémantique et syntagmatique de FAIRE lui permettent en effet d'intégrer facilement de nombreux sèmes contextuellement afférents et de nombreuses constructions syntaxiques (cf. Frey, 1992-1993, 240-241). Ce sont d'ailleurs des principes généraux qui restent valables dans toutes les variétés de langue y compris pour le français de référence, quel qu’il soit.
Cependant ces principes se répercutent largement sur la création de locutions en FRCAM (cf. groupe B), ce qui n'était guère le cas en FRBU[13], et se combinent avec le principe d'analyticité. Nombre de locutions analytiques sont en effet générées par la formule syntaxique
FAIRE + déf. + subst. [abstr.]
dans laquelle le substantif spécifique, désignant toujours un référent abstrait, ajouté au verbe générique FAIRE, attribue un sémantisme précis à la locution (cf. 2.2.2. Groupe B : Tableau 2).
On ajoutera à cette liste de locutions deux autres séquences stables et fréquentes au Cameroun, mais qui n'entrent pas dans le schéma proposé :
- faire tenir, signifiant "transmettre (une lettre, une
information)"
- faire bien, qui ne se trouve que sous la forme d'adresse
"faites bien", formule de souhait équivalant plus ou moins à FRFR bonne journée, bon travail, bon courage.
Mais surtout on notera, sur un plan général, la présence systématique de l'article défini, qui est un indice de lexicalisation, tout comme son remplacement par l'article Ø, pour lequel notre corpus n'offre que le seul exemple de faire reproche :
FAIRE + art. Ø + subst. [abstr.]
faire
reproche
La présence ou l’absence d’article, ou le type d’article qui apparaît, n’est pas sans intérêt explicatif. Nous tenterons une explication supplémentaire en 3.1.3. ci-dessous.
Par ailleurs, les illustrations du groupe C montrent que, contrairement à ce que nous avions observé jusqu'à présent, le passage FRFR Æ FRCAM ne se réduit pas à une transformation univoque synthétique Æ analytique : en effet, la factitivité, qui s'exprime souvent sur le modèle analytique en FRFR, s'exprime assez régulièrement sous une forme synthétique en FRCAM, le sème [factitif] étant inclus dans le sémème du verbe auxilié par FAIRE en FRFR (cf. ci-dessous).
3.2. Resémantisation et
lexicalisation
3.2.1. Les explications concernant les occurrences du groupe A sont les mêmes que celles concernant le cas du FRBU : il s'agit essentiellement d'une extension sémique du verbe FAIRE qui renvoie aux mêmes phénomènes dans les deux variétés de français. De même, la condition [abstr.], qui était une condition régulière en FRBU, conserve une valeur permanente en FRCAM dans les cas que nous étudions : elle attribue au verbe FAIRE un sème afférent [abstrait] qui rapproche ce verbe de l'auxiliarité, alors qu'un substantif désignant un référent concret conférerait à ce même verbe un sème afférent [concret] qui le rapprocherait du sémantisme de "fabriquer" (cf. Frey, 1992-1993, p. 235). Nous ne revenons donc pas sur ces deux points et renvoyons le lecteur au précédent article pour plus d'informations.
3.2.2. En ce qui concerne les locutions (groupe B), la particularité tient autant et même quelquefois plus au substantif ou au groupe substantival qui suit le verbe FAIRE qu'à une resémantisation de ce verbe lui-même. Cependant, l'emploi même de FAIRE dans ces locutions relève des potentialités de ce verbe, qui autorise de plus nombreuses collocations que ses hyponymes, et différentes en FRCAM et en FRFR. De ce point de vue, une observation s’impose en ce qui concerne le jeu de l'article défini et de l'article indéfini :
- pour les occurrences du groupe A, proches de celles que nous connaissons en FRBU, nous retrouvons la formule
FAIRE + art. ind. + subst. [abstr.][14]
- pour les locutions du groupe B, qui semblent spécifiques au FRCAM (du moins si nous nous en tenons aux trois variétés que nous étudions ici) la formule est
FAIRE + art. déf. + subst. [abstr.]
Si nous retenons l’idée que l’article défini est l’indice d’une lexicalisation en cours, sinon d’une lexicalisation dûment attestée, cette opposition formelle marque bien selon nous une relative indépendance de FAIRE dans les occurrences du groupe A avec une resémantisation intrinsèque de ce verbe telle que nous l’observons dans le Tableau 1 ou dans celui concernant le FRBU (Frey, 1992-1993, 231-232) : FAIRE est dans ces cas le substitut d'un verbe hyponyme.
Dans le groupe B par contre, FAIRE est intégré de façon non autonome dans une séquence lexicalisée stable ou, pour reprendre les termes de Pottier (1974, p. 325), pris dans un mouvement de lexicalisation correspondant au passage d'une syntaxe libre à des relations plus intimes entre les éléments, et de plus en plus figés en compétence. On voit mal en effet quel verbe pourrait remplacer FAIRE dans ces locutions qui chacune constitue une entité stable et fréquemment attestée dans le discours camerounais.
La fréquence d’occurrence de ces locutions atteste bien leur existence et leur emploi endogène au Cameroun. Pourtant, "le fait qu'un groupe de mots soit ou non lexicalisé n'est pas toujours incontestable, l'unité complexe n'a rien dans son aspect formel qui la distingue du syntagme libre, les critères [de détermination des lexies selon Pottier] ne sont pas toujours convergents et peuvent laisser la place à diverses interprétations" (Picoche 1992, p. 16). En effet, toutes les locutions ne sont pas acceptées au même degré par les jurys, comme le montrera la deuxième partie de cette étude, dans une prochaine publication. Mais certaines, comme faire le boucan, faire la propreté, faire la délation, font suffisamment l'objet d'un consensus pour être intégrées à une norme endogène camerounaise.
3.2.3. Les occurrences du groupe C, concernant la factitivité, sont autant d'exemples de resémantisation verbale synthétisant à l'intérieur d'un même sémème un sens spécifique (celui du verbe) et un sens factitif, par généralisation des règles FRFR. Cette resémantisation se fait autant par le biais syntaxique que sur le terrain sémantique pur.
Trois cas ressortent en effet sur le plan syntaxique :
1°. L'agent d'un verbe intransitif devient l'objet direct d'un verbe devenu transitif. Ce cas, signalé par Grévisse (1988, p. 436, § 276 a), s'étend à de nombreux verbes en FRCAM :
FRFR les motivations ressortent deux syllabes riment le sang coule nous penchons vers... etc. Soit en formule : agent + verbe intransitif |
------> ------> ------> ------> ------>
------> |
FRCAM je ressors les motivations Nanga rime deux syllabes il coule le sang le refus du narrateur nous penche vers...
sujet + verbe transitif + C.O.D. |
2°. Le sujet d'un verbe transitif devient l'objet indirect d'un verbe à double transitivité
FRFR tu goûteras le plat tu vas visiter la maison Soit en formule : agent + verbe intransitif + C.O.D. |
------> ------> ------>
------> |
FRCAM je te goûterai le plat je vais te visiter la maison
sujet + C.O.I + verbe transitif + C.O.D. |
3°. Les verbes pronominaux :
FRFR Ils veulent qu'on les filme Ils s'affrontent [en raison de...] . |
------> ------> ------> |
FRCAM ils veulent se filmer l'absence de compréhension les affrontent |
Il n'est pas possible pour ce dernier cas de produire une formule, dans la mesure où nous ne disposons pour l'instant dans notre corpus que des deux occurrences ci-dessus, qui de surcroît semblent s'appuyer sur des logiques différentes.
De même, sur le plan sémantique, une transformation s'impose à certains verbes exprimant la factitivité : des verbes tels que ressortir (fréquent à l'écrit), perdre le temps (fréquent à l'oral) ou pencher (hapax tiré d'une revue scientifique et s'intégrant dans le schéma général) ne comportent pas dans leur sémantisme initial le sème [factitif]. Ce ne sont donc pas des verbes intrinsèquement factitifs, comme le sont des verbes tels que tuer (= "faire mourir"), par exemple. Mais ils peuvent devenir momentanément factitifs en FRCAM, certains de leurs emplois dans les occurrences de notre corpus leur attribuant le sème [factitif] par afférence contextuelle :
RESSORTIR : paraître avec relief, être saillant (Définition NPRob.[15]).
Illustration d'un emploi FRCAM :
Je vais essayer de ressortir les choix et les
motivations de mon sujet.
Analyse sémique dans le contexte FRCAM :
verbe FRFR |
|
emploi FRCAM |
|
RESSORTIR |
+ |
contexte :
JE (fais qqch) |
|
sèmes inhérents (Si) |
+ |
sème afférent (Sa) |
|
Si
1 : paraître Si
1' : être |
Si
2 : avec relief Si
2' : saillant |
+ |
Sa :
être cause que |
verbe (non factitif) |
+ |
factitivité |
=> emploi FRCAM ressortir = faire paraître avec relief, faire être saillant.
PERDRE : être privé, provisoirement ou définitivement, de la possession ou de la disposition de qqch. (Définition NPRob.).
=> perdre son temps : être privé provisoirement de la disposition de son temps
Illustration d'un emploi FRCAM :
Alors
Messieurs, vous n'avez pas fini ? Vous nous perdez le temps !
Analyse sémique dans le contexte FRCAM :
verbe
FRFR |
+ |
emploi
FRCAM |
|
PERDRE |
+ |
contexte : VOUS (faites qqch) |
|
sèmes
inhérents (Si) |
+ |
sème
afférent (Sa) |
|
Si 1 : être privé |
Si 2 : de la possession de qqch |
+ |
Sa : être cause que |
verbe (non factitif) |
+ |
factitivité |
=> emploi FRCAM perdre (le temps) = faire que qqn soit privé provisoirement de la disposition de son temps.
PENCHER : être porté, avoir une tendance à choisir, à préférer qqch, qqn. (Définition NPRob.).
Illustration d'un emploi FRCAM :
[...] ce qui nous penche vers une sous-catégorisation du surnaturel, c'est le refus du narrateur [...].
Analyse sémique dans le contexte FRCAM :
FRFR |
|
emploi
FRCAM |
|
PENCHER |
+ |
contexte : LE REFUS DU NARRATEUR (fait qqch) |
|
sèmes
inhérents (Si) |
+ |
sème
afférent (Sa) |
|
Si 1 : être porté Si 1' : avoir une tendance |
Si 2 : choisir qqch, qqn Si 2' : préférer qqch, qqn |
+ |
Sa : être cause que |
verbe (non factitif) |
+ |
factitivité |
|
=> emploi FRCAM pencher = faire que qqn soit porté, ait une tendance à choisir, à préférer qqch, qqn
Il nous semble inutile de répéter la démonstration, dans la mesure où l'ensemble des illustrations de notre corpus entre dans ce schéma. Ajoutons toutefois que le contexte peut être plus vaste que le simple sujet mentionné dans nos tableaux ci-dessus, et englober la situation globale de communication, souvent vectrice de compréhension. Ce contexte produit le sens désiré par le locuteur, et compris par le récepteur, du moins par celui qui a reçu l'éducation linguistique ad hoc : la connaissance de la règle grammaticale particulière, la perception de cette resémantisation et l'interprétation du contexte (toutes trois intuitives en situation de communication normale) permettent de désambiguïser des énoncés qui seraient analysés différemment en FRFR :
forme FRCAM |
sens FRFR |
VS |
sens FRCAM |
goûte-moi ce jus |
" 'tu' goûtes (compl. d'intérêt)" |
VS |
" 'je' goûte"
(factitivité) |
il faut avancer le cours |
"programmer plus
tôt" |
VS |
"progresser" |
visiter la maison |
"je visite ta
maison" |
VS |
"je te guide" |
ils veulent se filmer |
"ils se filment entre
eux" |
VS |
"qpn les filme" |
Elles permettent aussi tout simplement de comprendre l'énoncé dans certains cas :
forme FRCAM |
sens FRFR |
VS |
sens FRCAM |
je te penserai : |
? |
VS |
"je te ferai
penser" |
il a coulé le sang : |
? |
VS |
"il a fait couler le
sang" |
Mais il faut remarquer que c'est la même logique qui préside à la compréhension de certains factitifs en FRFR tels que démarrer ou sortir au lieu de faire démarrer ou faire sortir dans ces deux exemples récents parmi les nombreux cités par Grévisse (1988, p. 437, § 276a 2° et p. 438, § 276a 6°), suffisamment courants pour que le locuteur moyen ne soit pas perturbé par leur forme, et qui de surcroît mettent en évidence les potentialités factitives de certains verbes :
C'est sur cette splendide remarque [...] que
José Cabanis démarre son court récit
(B. Pivot, dans Le Figaro litt., 6
mai 1968).
Pour sortir
la France de l'abîme (De Gaulle, Mém. de
Guerre, t. I, p. 342).
Ou parmi ces exemples plus anciens, dans lesquels mourir était factitif (Grévisse, 1988, p. 417, § 272, Hist.) :
Vous m'avez mort par le veu que vos avez fet (Queste del Graal, p. 17).
Il aimeroit miex que li Sarrazin les eussent
tous mors (Joinville, § 302).
Concernant le verbe FAIRE en FRCAM, il nous semble donc possible de conclure avec le même schéma général que celui qui nous avions proposé pour le FRBU :
français |
potentialités de
FAIRE en
FRFR |
---> |
généralisation |
|
FAIRE |
|
|
|
|
---> |
en |
langues camerounaises |
interférences verbes en
langues locales |
---> |
généralisation |
|
FRCAM |
De même
concernant la factitivité :
français |
potentialités factitives des
verbes en FRFR |
---> |
généralisation |
|
FACTITIVITE |
|
|
|
|
---> |
en |
langues camerounaises |
interférences de la
transformation factitive |
---> |
généralisation |
|
FRCAM |
4. Conclusion
Il ressort assez nettement des identités dans les usages du verbe FAIRE en FRCAM et en FRBU, que nous signalions d'ailleurs en partie dès l'introduction. Le cas le plus flagrant reste celui du groupe A du corpus présenté, dont il suffit de comparer le synoptique qui le concerne et celui qui avait été élaboré pour le FRBU.
La description et l'étude linguistique des usages du verbe FAIRE en FRCAM montre pour ce cas que le principe de la relation hypéronymique (FAIRE) / hyponymique (verbe plus précis), dû au sémantisme inhérent au verbe FAIRE dont la description reste stable dans notre français de référence, se retrouve en FRCAM. Ce principe génère des identités entre les deux variétés de français que nous avons étudiées.
Pourtant il ressort des différences aussi, celles-là mêmes qui nous autorisent à parler de variétés de français. Ceci est mis en évidence par les groupes B et C du présent corpus : il y avait peu de locutions construites avec FAIRE en FRBU, exceptées faire contact et faire recours (dont les occurrences sont toutefois très nombreuses), alors qu'elles sont nombreuses et bien attestées en FRCAM, obéissant aux mêmes critères d'analyticité. De même, on aura constaté la grande fréquence de verbes en emploi factitif dans le discours FRCAM, ce que l'on ne trouvait pas en FRBU, à quelques exceptions près que nous avons ici même signalé en note infrapaginale. Mais l'expression de la factitivité, qui s'exprime souvent sans le semi-auxiliaire FAIRE en FRCAM, est au contraire une opération de synthèse : l'auxiliaire disparaît et le sème [factitif] est intégré dans le sémème du verbe plein.
Des différences donc, mais semble-t-il, surtout des différences de surface, car les grands principes, s'ils sont plus ou moins largement appliqués dans les différentes variétés de langue, sont semblables dans les deux variétés que nous avons étudiées, et sans aucun doute dans d'autres variétés : pour s'en convaincre, il suffit de consulter la rubrique FAIRE dans l'Inventaire des particularités lexicales du français en Afrique noire (1983).
Ces principes sont complémentaires et relèvent de plusieurs ordres. L'interférence d'abord, car il est difficilement évitable qu'il n'apparaisse à des degrés divers un certain nombre de "résidus adstratiques" lorsque deux langues se côtoient, comme c'est le cas dans les pays francophones ; le principe d'économie ensuite, qui réalise avec des variations locales l'équilibre entre analyticité et synthèse ; la resémantisation des éléments lexicaux, en fonction de besoins ou d'habitudes ; enfin, la généralisation de structures lexicales et morphosyntaxique existant en FRFR et qui consacrent une unité de langue derrière une variété de d'usages.
Nous n'avons pas la place ici, ni pour développer cet aspect, ni pour aborder la question sous un autre angle, important, l'angle sociolinguistique. Celui-ci apporte également de nombreuses informations et permet des comparaisons intéressantes entre les différentes variétés de français, y compris le français de référence.
Cette question fera l'objet d'un article ultérieur.
Bibliographie
BERRENDONNER Alain, LE GUERN
Michel, PUECH Gérard (1983). Principes de
grammaire polylectale, Lyon : P.U.L.
EQUIPE IFA (1983). Inventaire des particularités lexicales du français en Afrique noire, Paris : AUPELF-ACCT.
FREY Claude (1992-1993).
"L'extension polysémique du verbe FAIRE en français du Burundi", BOFCAN, 9, pp. 225-249.
FREY Claude (1996). Le français au Burundi, lexicographie et
culture, Vanves : EDICEF-AUPELF.
FREY Claude (1997).
"Corpus et information", dans FREY Claude et LATIN Danièle, Le corpus lexicographique,
Louvain : Duculot/AUPELF-UREF, pp. 247-263.
GRÉVISSE Maurice (1988)
12ème éd. 1993. Le Bon Usage,
Louvain-la-Neuve : Duculot.
PICOCHE Jacqueline (1992)
1ère éd. 1977. Précis de lexicologie
française, Paris : Nathan.
POTTIER Bernard (1974). Linguistique générale, théorie et
description, Paris : Klincksieck.
TABI MANGA Jean (1990).
"Variation lexicale du français au Cameroun", dans CLAS André et
OUOBA Benoît, Visages du français,
Variétés lexicales de l’espace francophone, Paris : AUPELF - John
Libbey Eurotext, pp. 91-95.
[1] FRFR : variété de français en usage en France,
servant de point de comparaison.
[2] FRCAM : variété de français en usage au Cameroun.
[3] FRBU : variété de français en usage au Burundi.
[4] Nous ne donnons ici que deux illustrations de faire recours, mais cette locution est
extrêmement fréquente, de même que faire
tenir (groupe B du corpus) et, dans l'expression de la factitivité, perdre le temps (à qqn) et ressortir au lieu de faire perdre le temps et de faire ressortir (voir plus bas, groupe
C).
[5] Tabi Manga (1990, p. 94) mentionne ce type
d’occurrence en lui accordant une valeur générale : faire la classe de : "être en classe de" :
ex. : "Alima fait la classe de
troisième A".
[6] Cf. note 4.
[7] Cf. note 4.
[8] Cf. note 4.
[9] FRCAM filmer = FRFR photographier.
[10] En ce qui concerne le groupe A, l'intérêt de
l'opposition ADL / PROL ne nous semble pas aussi évident en FRCAM qu'en FRBU,
bien que ces deux sens notionnels existent aussi en FRCAM. Mais ADL et PROL
généraient selon nous des règles d'emploi du verbe FAIRE en FRBU qui
justifiaient que l'on fasse la différence. De telles règles d'emploi ne nous
semblent pas pertinentes en FRCAM où la structure est simplifiée par rapport au
FRBU et se présente toujours sous la forme :
|
(C.O.I.) |
sujet + FAIRE + C.O.D. + |
|
|
(complément circonstanciel) |
La parenthèse indique dans ce schéma l'apparition éventuelle d'un complément d'objet
direct ou d'un complément circonstanciel.
[11] Dans la colonne "lecte C", le signe Ø
signifie qu'il n'y a pas de glose (employant un verbe à forte tendance
hyponyme) pour le contexte présenté dans le corpus. Par exemple, faire deux
jours = passer deux jours = séjourner deux jours. Mais si "passer"
(hyponymie faible) est possible, "séjourner" (hyponymie forte) est
impossible dans les deux exemples du corpus : "Si tout va bien, je
peux faire dix ans sans aller voir le ministre de la jeunesse et des
sports." (R. Milla, La Nationale
n° 5, p. 8), et "Il a fait deux jours sans venir au travail" (inc.).
[12] Solutionner
figure dans le Nouveau Petit Robert
avec la mention "emploi critiqué".
[13] Le FRBU connaît cependant quelques locutions de ce
type : faire un coup d'état ;
qu'est-ce que tu m'as fait ? et ça fait longtemps, recensées dans Frey
1996, p. 100-101.
[14] Dans Frey 1992-1993, p. 225, il faut lire "nous
ne considérerons que les expressions
avec FAIRE susceptibles de recevoir la forme FAIRE + article défini +
substantif" au lieu de "nous ne considérerons pas les expressions..."
[15] Nouveau Petit
Robert.