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USAGES DU VERBE "FAIRE" EN FRANÇAIS AU CAMEROUN :

POLYSÉMIE ET FACTITIVITÉ

 

Claude Frey

Alliance Française de Tuléar-Madagascar

 

 

Aspects linguistiques

1. Introduction

Le verbe FAIRE, dont nous avions précédemment décrit les usages dans Frey, 1992-1993, trouve aussi des emplois particuliers dans le français en usage au Cameroun, identiques ou différents des cas étudiés pour le Burundi. Nous nous appuierons partiellement sur ce précédent article auquel nous renverrons chaque fois que nécessaire.

Cet article reposait sur les constats suivants : 

- faire ne peut pas toujours être contourné en FRFR[1], sauf en le remplaçant, lorsque c'est

possible, par un verbe de forme synthétique. Par exemple :

faire une fugue  --->  pas d'autre verbe possible en forme périphrastique (analytique)

 --->  fuguer (forme synthétique).     

- Il peut parfois être remplacé par un verbe hyponyme plus précis :

faire un discours  ---> prononcer un discours

Mais le corpus frbu présentait des occurrences du verbe FAIRE inusitées ou impossibles en FRFR, telles que faire un accident ou faire un coup de fil. Ce sont ces types d'occurrences qui avaient fourni la base de notre étude, et nous pouvions proposer cette progression des constructions avec FAIRE, rappelées ci-après avec un exemple tiré du corpus FRCAM[2], ce qui d'ores et déjà semble indiquer sur ce point une identité entre FRCAM et FRBU[3], du moins en ce qui concerne la partie A du corpus (cf. ci-dessous, 2.) :

FRCAM

FAIRE

faire

+

substantif intensif

une contribution

 

FRFR

verbe extensif

donner

+

substantif intensif

une contribution

forme analytique

FRFR

verbe intensif

apporter

+

substantif intensif

une contribution

 

 

FRFR

verbe intensif

contenant le sémantisme du substantif correspondant

contribuer

 

+

 

Ø

 

forme synthétique

            Cela nous amenait à comparer les usages FRFR et FRBU, puis à tenter des explications sur les causes de ces différences de fonctionnement.

            Si nous pensons aujourd'hui que certains points concernant le verbe FAIRE en FRBU pourraient être revus ou précisés, nous pensons cependant que le schéma général reste valable. Le présent article proposera donc de même, successivement, la présentation ordonnée du corpus camerounais suivi de la présentation schématique des types d'occurrences, puis des commentaires linguistiques sur le fonctionnement et les usages du verbe FAIRE en FRCAM, permettant la comparaison entre la variété camerounaise, la variété burundaise, et la variété française.

2. Le corpus

2.1. Présentation ordonnée du corpus

Ce corpus est présenté en trois groupes ayant chacun sa spécificité :

-  Le groupe A rassemble des énoncés dans lesquels FAIRE remplace un verbe hyponyme tel avoir (A1), donner (A2), passer (A3), prendre (A4), être (A5). Le groupe A rassemble des énoncés a priori comparables à ceux qui avaient été présentés en FRBU.

-  Le groupe B rassemble des locutions construites avec FAIRE qui sont inconnues en FRFR de même qu'en FRBU.

-  Le groupe C rassemble des énoncés exprimant la factitivité, mais desquels le verbe FAIRE, exprimant normalement la factitivité, est absent. Ces énoncés, absents de FRFR, n'existent pas non plus en FRBU.

2.1.1. Groupe A : remplacement d'un verbe hyponyme par FAIRE

A1 - AVOIR
avoir
A1-1- L'asso est là un client régulier, celui avec qui une femme fait  régulièrement  les rapports  sexuels (d'apr. manuscrit mémoire étud.).
avoir / obtenir
A1-2- Au niveau du foot-ball tout se passe bien. Nous faisons de bons résultats. (R. Milla, La Nationale n° 5, p. 8).
avoir / mettre / porter

A1-3- Les élèves s'abstiendront de faire des tenues fantaisistes. (étud. Massopkam M.H. Tawamba, mémoire Problématique de la communication dans la pratique pédagogique, 1992-1993, p. 83).

avoir recours[4]

A1-4- Bernard Nanga fait également recours à la figure nommée antanaclase. (étud. L. Ebah-Flavie, La redondance dans Les chauves-souris, de Bernard Nanga, mémoire p. 66).

A1-5- Il faut faire recours ici au dictionnaire médical. (copie étud. B2).

avoir un accident

A1-6- Il a fait l'accident, c'est tout ce qu'on sait. (étud.).

A1-7- Il ressort que ce serait le même chauffeur qui, il y a quelques années prit un autre car Hiace chargé à bloc pour faire un autre accident et en fut l'unique survivant. (Rigobert Onambele, Le Jeune Enquêteur n° 27, 3-3-97, p. 8).

avoir un enfant

A1-8- Une même femme faisait parfois seize à dix-huit gosses, sans qu'il y ait un seul décès. (Afric-Nature n° 11, 6/7-95, p. 2).

avoir une maladie

A1-9- D'autres malades font des diarrhées permanentes. (Multi-Sat TV n° 5, 10-95, p. 10).

A1-10- Un nouveau médecin a pris l'initiative d'annoncer à la patiente qu'elle faisait le SIDA. (Multi-Sat TV n° 5, 10-95, p. 4).

A1-11- Hein ! Zibi, tu ne criais pas mon nom de la même manière quand tu faisais cette grossesse. (Gervais Mendo Ze, Boule de chagrins, ABC, Paris, 1988, p. 121).

A2 - DONNER

A2-1- Avec les contributions que les gens ont faites de toutes parts, je crois que le comité [...] a de quoi faire une Constitution normale. (A. Dzongang, La Nouvelle Expression n° 75, p. 8).

A2-2- Mon affaire là ça avance doucement, mais je dois faire le matabiche à gauche à droite. (lycéen).

35- Il n'a pas hésité à faire un coup de patte d'âne à ses collègues parlementaires. (La Nouvelle Expression n° 75, p. 8).

donner / émettre

A2-3- [...] tu crois que ça change quoi quand le monde entier fait des protestations verbales comme ça [...]. (Takala et Muyenga, Le Messager n° 557, 4-11-96, p. 3).

A2-4- Est-ce que je peux faire un coup de fil de chez toi, sur Mbalmayo ? (prof. univ.).

donner / rendre

A2-5- Ils allaient, sans doute, nous faire la route terriblement difficile, malgré les propositions alléchantes qu'ils avaient fait semblant d'avancer au début des négociations. (Francis Bebey, Le fils d'Agatha Moudio, p. 80).

A3 - PASSER du temps

A3-1- Si tout va bien, je peux faire dix ans sans aller voir le ministre de la jeunesse et des sports. (Roger Milla, La Nationale n° 5, p. 8).

A3-2- Il a fait deux jours sans venir au travail. (inc.).

A4 - PRENDRE

A4-1- Le recteur a annulé la décision qui était déjà faite. (prof. univ.).

A5 - ÊTRE

être en

A5-1- C'est la triste réalité que j'ai dû vivre en classe quand je faisais 3ème. (Multi Sat TV n° 23, 3-97, p. 47)[5].

être à

A5-2- J’ai déjà fait Douala. (occurrence tirée de Tabi Manga, 1990, p. 94).

A6 - DIVERS

A6-1- Je voulais féliciter les élèves pour l'organisation qu'ils ont faite. (Mbella Mbappé, Ministre de l'Education Nationale, CRTV, Informations du 18-7-1994, 20h.30 locales).

A6-2- Et le gouvernement nigérien fera une solution pour vous. (Meisli Garba, Position, 1961, p. 76).

2.1.2. Groupe B : locutions construites avec FAIRE

B-1- [Il est question du] juge E., à qui on fait reproche d'avoir commis une faute lourde professionnelle. (C. Biake Difana, La Nouvelle Expression n° 75, p. 6).

B-2- Ceux qui font la paresse sont des chercheurs d'argent et non des chercheurs d'emploi. (Dikalo n° 167, 8-5-1995, p. 3).

B-3- Elle a une autre allure depuis qu'elle fait la taille. (inc.).

B-4- Vous achetez le couteau suisse là ? - Non merci - Et un tire-bouchon ? - Non plus merci ! - Vous ne voulez pas me faire la recette alors ? (vendeur à la sauvette).

B-5- On connaît vos histoires, ça fait deux jours que vous faites le boucan ! (chef de service, S.O.A.E.M. Douala).

B-6- [...] j'ai décidé de faire la propreté dans toute la ville afin que cette fête puisse se passer dans de très bonnes conditions. (Le Devoir n° 3, 11-3-1996, p. 4).

B-7- Quand tu n'as pas ton permis, tu peux faire du clando si tu as un ami policier. (Gardien Crédit Lyonnais).

B-8- Non, non, c'est pas avec celle-là que son fils fait les affaires. (prof. univ.).

B-9- Pourquoi tu fais la jalousie comme ça, je ne comprends pas ! (vendeuse pressing).

B-10- Tu sais, ce receveur municipal de Ngambe est un brave type qui ne dort pas au premier banc comme ceux qui font la délation sur lui. (Takala et Muyenga, Le Messager n° 408, 9-1-1995, p. 3).

B-11- On n'apprend pas le kung fu pour faire la bagarre, pour attaquer les gens... (Edouard Kingue, Gazette n° 467, 29-5/4-6-1983, p. 10).

B-12- J'ai demandé à Monsieur N. de me faire tenir ces descriptifs au plus tôt. (prof. univ.)[6].

B-13- Je vais essayer d'avoir les renseignements et je repasse vous voir. - D'accord, faites bien. (technicien atelier C.S.P.S., Yaoundé).

2.1.3. Groupe C : expression de la factitivité

C1. Élimination du semi-auxiliaire FAIRE

C1-1- Alors Messieurs, vous n'avez pas fini ? Vous nous perdez le temps ! (prof. univ.)[7].

C1-2- Aussi retrouvons-nous cette impression de musique lorsque Nanga rime deux syllabes avec une forte intention stylistique. (étud. L. Ebah-Flavie, La redondance dans Les Chauves-souris de Bernard Nanga mémoire p. 114).

C1-3- Quand je ferai un plat de Douala, je te goûterai. (vendeuse).

C1-4- Je vais essayer de ressortir les choix et les motivations de mon sujet. (copie étud. LMF4, 21-10-1996)[8].

C1-5- Ils ont réussi l'exploit de coïncider le défilé terrestre avec le défilé aérien. (présentateur CRTV, commentaire défilé 20 mai 1993).

C1-6- On est venu pour les déguerpir de la chambre. (prof. univ.).

C1-7- Attention à celui-là, il a déjà coulé le sang ! (voyou).

C1-8- L'hôte, à son invité : Viens, je vais te visiter la maison. (secrétaire).

C1-9- Il a pris des dispositions pour fructifier les nouvelles décisions administratives. (présentateur CRTV, Journal de 22h., 28-4-1993).

C1-10- Ils veulent tous se filmer[9] avec le maître ! (lycéen).

C1-11- Donc en toute logique celui qui coule plus de sueur apportera plus de pain à la famille [...]. (Dr Shanda Tonme, Galaxie n° 129, 14-3-1995, p. 6).

C1-12- Cet accident finalement, c'est la goutte qui a débordé le vase. (pharmacien).

C1-13- Il reste à souligner que cette affaire de faux timbres est la goutte d'eau qui vient de déborder le vase. (Perspectives Hebdo n° 116, 17/23-2-1997, p. 3).

C1-14- Nous au moins, nous savons fructifier notre argent. (prof. univ.).

C1-15- Ils contestent, mais dès qu'on leur miroite un peu d'argent, ils ferment leur clapet. (prof. univ.).

C1-16- Même Abdoulaye Babale à Paris, quelques mois auparavant leur miroitait le Cameroun comme un El dorado. (Betrand Toko, L'Expression n° 88, 4-2-1997, p. 16).

C1-17- Le locuteur émet aussi des gestes l'aidant à parvenir son message. (copie étud. B2, 2-96).

C1-18- J'ai peur d'oublier. - Non, non, je te penserai. (enseignant).

C1-19- Mardi prochain tu me penseras aux affiches là. (enseignant).

C1-20- L'absence de compréhension entre les individus peut les opposer, voire même les affronter. (copie étud. LMF2).

C1-21- Sous ce dernier rapport en effet, ce qui nous penche vers une sous-catégorisation du surnaturel, c'est le refus du narrateur [...]. (prof. univ., Fosso, Ecritures V, p. 23).

C1-22- On ne peut succéder à n'importe quel mot à l'autre, au risque de ne pouvoir obtenir une cohérence de sens. (copie étud. B2).

C1-23- La place du mot peut varier son sens et sa classe grammaticale. (prof. univ.).

C1-24- On précédera le nom de l'auteur d'une parenthèse. (prof. univ.).

C1-25- Il ne reste plus que le cours, qu'il faut essayer d'avancer. (prof. univ.).

C1-26- Cette compétence particulière vient diverger les langues. (copie étud. LMF3, 6-95).

C2. Ajout du semi-auxiliaire FAIRE

C2-1- Elles lui ont, chaque fois, permis de faire augmenter l'information tout en restant dans les mêmes isotopies. (copie étud.).

C2-2- Les enfants auront du mal de se faire comprendre entre eux car ayant chacun une langue maternelle différente. (copie étud., LMF2).

C2-3- Les Noirs pourront ainsi faire répercuter la nouvelle, qui se répand comme une traînée de poudre, de village en village. (étud. Léopold Patrick Essi Andang, La coordination dans le "Vieux Nègre et la Médaille" : le coordonnant ET, mémoire, 1993-1994, p. 86).

C2-4- Dans un cours d'hygiène à l'école primaire, l'instituteur pourra dire aux enfants : Vous devez vous faire brosser les dents après avoir mangé. (copie étud. B2).

 2.2. Présentation synoptique des types d'occurrences

L'ensemble de ce corpus nous permet d'élaborer dans les tableaux 1, 2, et 3 ci-après les dispositions lectales schématiques de chaque groupe, dans lesquelles nous admettrons que le lecte A inclut les formes FRFR généralement considérées comme les formes de référence (dont il est nécessaire parfois de relever la relative fragilité), le lecte B les formes en usage au Cameroun, et le lecte C les formes synthétiques lorsqu'elles existent.

Nous voudrions rappeler que ces formes ne sont pas incompatibles dans le discours d'un même locuteur : si le locuteur camerounais utilise le lecte B, il peut tout aussi bien utiliser les lectes A et C. Par contre, et en dehors de quelques exceptions, un locuteur français n'utilisera habituellement pas le lecte B.

Cette présentation devrait déjà faire apparaître des particularités de fonctionnement dans les différents lectes en usage en FRCAM et en FRFR.

2.2.1. Groupe A : Tableau 1[10]

lecte B

lecte A

 lecte C[11]

 

 

FRCAM

 

 

 

FRFR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

un rapport sexuel

 

copuler

 

 

 

 

obtenir

 

un résultat

 

Ø

 

 

 

 

 

 

un / l'accident

 

Ø

 

 

 

 

 

 

Ø recours

 

recourir à

 

 

 

 

porter

 

une tenue

 

s'habiller

 

 

AVOIR

 

 

 

18 gosses

un enfant

 

Ø

Ø

 

 

 

 

contracter

 

un zona/un cancer

une diarrhée

le sida

la maladie

 

Ø

FRCAM diarrher

Ø

être malade

 

 

 

 

contracter ?

 

une grossesse

 

être enceinte

FRCAM être grosse

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

apporter

 

une contribution

 

contribuer

 

 

 

 

 

 

le matabiche

 

soudoyer

FRBU matabicher

FAIRE

 

DONNER

 

 

 

un coup de patte

 

Ø

 

 

 

 

passer

 

un coup de fil

 

téléphoner

 

 

 

 

rendre

 

difficile

 

Ø

 

 

 

 

émettre

 

une protestation

 

protester

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PRENDRE

 

prendre

 

une décision

 

décider

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PASSER

 

 

 

dix ans

deux jours

 

Ø

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ÊTRE

 

 

être en, suivre

être à, séjourner

 

 

(la) 3ème

à Douala

 

Ø

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

trouver, proposer

 

une solution

 

solutionner[12]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

?

 

une organisation

 

organiser

hypéronymie

 

 

 

 

 

 

 

hyponymie

extensivité maximum

 

 

 

 

 

 

 

intensivité

maximum

2.2.2. Groupe B : Tableau 2

lecte B

 

lecte A

 lecte C

 

FRCAM

 

FRFR

FAIRE

+

art. déf.

+

subst. [abstr.]

 

AUX.+groupe adj. prép.

ou nom.

 

 VERBE 

faire

 

la

 

paresse

 

être

 

paresseux

 

paresser

faire

 

la

 

taille

 

être

 

au régime

 

Ø

 

 

 

 

 

 

faire

 

fine taille

 

 

faire

 

la

 

recette

 

Ø

 

 

 

acheter

faire

 

le

 

boucan

 

Ø

 

 

 

rouspéter

faire

 

la

 

propreté

 

rendre

 

propre

 

nettoyer

faire

 

du

 

clando

 

exploiter

 

un taxi clandestin

 

Ø

faire

 

les

 

affaires

 

faire

 

l'amour

 

coucher (avec)

faire

 

la

 

jalousie

 

être

 

jaloux

 

jalouser

faire

 

la

 

délation

 

Ø

 

 

 

dénoncer

faire

 

la

 

bagarre

 

Ø

 

 

 

se bagarrer

analytique

 

analytique

 

synthétique

2.2.3. Groupe C : Tableau 3

lecte B

 

lecte A

 

FRCAM

 

FRFR 

 

Verbe

C.O.D.

(C.O.I.)

 

FAIRE

Verbe

C.O.D.

(C.O.I.)

perdre

le temps

à qqn

 

faire

perdre

le temps

à qqn

goûter

un plat

à qqn

 

faire

goûter

un plat

à qqn

visiter

la maison

à qqn

 

faire

visiter

la maison

à qqn

miroiter

de l'argent

à qqn

 

faire

miroiter

de l'argent

à qqn

penser

qqch

à qqn

 

faire

penser

qqch

à qqn

rimer

deux syllabes

 

 

faire

rimer

deux syllabes

 

ressortir

une motivation

 

 

faire

ressortir

une motivation

 

coïncider

le défilé et qqch

 

 

faire

coïncider

le défilé et qqch

 

déguerpir

qqn

 

 

faire

déguerpir

qqn

 

couler

le sang/la sueur

 

 

faire

couler

le sang/la sueur

 

fructifier

les décisions

 

 

faire

fructifier

les décisions

 

filmer

qqn

 

 

faire

filmer

qqn

 

déborder

le vase

 

 

faire

déborder

le vase

 

alterner

des mots

 

 

faire

alterner

des mots

 

parvenir

un message

 

 

faire

parvenir

un message

 

affronter

deux personnes

 

 

faire

affronter

deux personnes

 

pencher

qqn

 

 

faire

pencher

qqn

 

succéder

un mot à ...

 

 

faire

succéder

un mot à ...

 

varier

le sens d'un mot

 

 

faire

varier

le sens d'un mot

 

précéder

un nom

 

 

faire

précéder

un nom

 

avancer

un cours

 

 

faire

avancer

un cours

 

diverger

les langues

 

 

faire

diverger

les langues

 

synthétique

 

 analytique

 

3. Observations linguistiques

3.1. Économie linguistique et analyticité

Les principes d'économie linguistique (simplicité, régularité, rendement, selon la terminologie de Berrendonner et al., 1983) que nous avancions dans l'article précédent, nous semblent rester valables. La laxité sémantique et syntagmatique de FAIRE lui permettent en effet d'intégrer facilement de nombreux sèmes contextuellement afférents et de nombreuses constructions syntaxiques (cf. Frey, 1992-1993, 240-241). Ce sont d'ailleurs des principes généraux qui restent valables dans toutes les variétés de langue y compris pour le français de référence, quel qu’il soit.

Cependant ces principes se répercutent largement sur la création de locutions en FRCAM (cf. groupe B), ce qui n'était guère le cas en FRBU[13], et se combinent avec le principe d'analyticité. Nombre de locutions analytiques sont en effet générées par la formule syntaxique

FAIRE + déf. + subst. [abstr.]

dans laquelle le substantif spécifique, désignant toujours un référent abstrait, ajouté au verbe générique FAIRE, attribue un sémantisme précis à la locution (cf. 2.2.2. Groupe B : Tableau 2).

On ajoutera à cette liste de locutions deux autres séquences stables et fréquentes au Cameroun, mais qui n'entrent pas dans le schéma proposé :

- faire tenir, signifiant "transmettre (une lettre, une information)"

- faire bien, qui ne se trouve que sous la forme d'adresse "faites bien", formule de souhait équivalant plus ou moins à FRFR bonne journée, bon travail, bon courage.

Mais surtout on notera, sur un plan général, la présence systématique de l'article défini, qui est un indice de lexicalisation, tout comme son remplacement par l'article Ø, pour lequel notre corpus n'offre que le seul exemple de faire reproche :

FAIRE + art. Ø + subst. [abstr.]

faire reproche

La présence ou l’absence d’article, ou le type d’article qui apparaît, n’est pas sans intérêt explicatif. Nous tenterons une explication supplémentaire en 3.1.3. ci-dessous.

Par ailleurs, les illustrations du groupe C montrent que, contrairement à ce que nous avions observé jusqu'à présent, le passage FRFR Æ FRCAM ne se réduit pas à une transformation univoque synthétique Æ analytique : en effet, la factitivité, qui s'exprime souvent sur le modèle analytique en FRFR, s'exprime assez régulièrement sous une forme synthétique en FRCAM, le sème [factitif] étant inclus dans le sémème du verbe auxilié par FAIRE en FRFR (cf. ci-dessous).

3.2. Resémantisation et lexicalisation

3.2.1. Les explications concernant les occurrences du groupe A sont les mêmes que celles concernant le cas du FRBU : il s'agit essentiellement d'une extension sémique du verbe FAIRE qui renvoie aux mêmes phénomènes dans les deux variétés de français. De même, la condition [abstr.], qui était une condition régulière en FRBU, conserve une valeur permanente en FRCAM dans les cas que nous étudions : elle attribue au verbe FAIRE un sème afférent [abstrait] qui rapproche ce verbe de l'auxiliarité, alors qu'un substantif désignant un référent concret conférerait à ce même verbe un sème afférent [concret] qui le rapprocherait du sémantisme de "fabriquer" (cf. Frey, 1992-1993, p. 235). Nous ne revenons donc pas sur ces deux points et renvoyons le lecteur au précédent article pour plus d'informations.

3.2.2. En ce qui concerne les locutions (groupe B), la particularité tient autant et même quelquefois plus au substantif ou au groupe substantival qui suit le verbe FAIRE qu'à une resémantisation de ce verbe lui-même. Cependant, l'emploi même de FAIRE dans ces locutions relève des potentialités de ce verbe, qui autorise de plus nombreuses collocations que ses hyponymes, et différentes en FRCAM et en FRFR. De ce point de vue, une observation s’impose en ce qui concerne le jeu de l'article défini et de l'article indéfini :

- pour les occurrences du groupe A, proches de celles que nous connaissons en FRBU, nous retrouvons la formule

FAIRE + art. ind. + subst. [abstr.][14]

- pour les locutions du groupe B, qui semblent spécifiques au FRCAM (du moins si nous nous en tenons aux trois variétés que nous étudions ici) la formule est

FAIRE + art. déf. + subst. [abstr.]

Si nous retenons l’idée que l’article défini est l’indice d’une lexicalisation en cours, sinon d’une lexicalisation dûment attestée, cette opposition formelle marque bien selon nous une relative indépendance de FAIRE dans les occurrences du groupe A avec une resémantisation intrinsèque de ce verbe telle que nous l’observons dans le Tableau 1 ou dans celui concernant le FRBU (Frey, 1992-1993, 231-232) : FAIRE est dans ces cas le substitut d'un verbe hyponyme.

Dans le groupe B par contre, FAIRE est intégré de façon non autonome dans une séquence lexicalisée stable ou, pour reprendre les termes de Pottier (1974, p. 325), pris dans un mouvement de lexicalisation correspondant au passage d'une syntaxe libre à des relations plus intimes entre les éléments, et de plus en plus figés en compétence. On voit mal en effet quel verbe pourrait remplacer FAIRE dans ces locutions qui chacune constitue une entité stable et fréquemment attestée dans le discours camerounais.

La fréquence d’occurrence de ces locutions atteste bien leur existence et leur emploi endogène au Cameroun. Pourtant, "le fait qu'un groupe de mots soit ou non lexicalisé n'est pas toujours incontestable, l'unité complexe n'a rien dans son aspect formel qui la distingue du syntagme libre, les critères [de détermination des lexies selon Pottier] ne sont pas toujours convergents et peuvent laisser la place à diverses interprétations" (Picoche 1992, p. 16). En effet, toutes les locutions ne sont pas acceptées au même degré par les jurys, comme le montrera la deuxième partie de cette étude, dans une prochaine publication. Mais certaines, comme faire le boucan, faire la propreté, faire la délation, font suffisamment l'objet d'un consensus pour être intégrées à une norme endogène camerounaise.

 

3.2.3. Les occurrences du groupe C, concernant la factitivité, sont autant d'exemples de resémantisation verbale synthétisant à l'intérieur d'un même sémème un sens spécifique (celui du verbe) et un sens factitif, par généralisation des règles FRFR. Cette resémantisation se fait autant par le biais syntaxique que sur le terrain sémantique pur.

Trois cas ressortent en effet sur le plan syntaxique :

1°. L'agent d'un verbe intransitif devient l'objet direct d'un verbe devenu transitif. Ce cas, signalé par Grévisse (1988, p. 436, § 276 a), s'étend à de nombreux verbes en FRCAM :

FRFR

les motivations ressortent

deux syllabes riment

le sang coule

nous penchons vers...  

etc.

Soit en formule :

agent + verbe intransitif

------>

------>

------>

------>

------>

 

 

------>

FRCAM

je ressors les motivations

Nanga rime deux syllabes

il coule le sang

le refus du narrateur nous penche vers...

 

 

sujet + verbe transitif + C.O.D.

 2°. Le sujet d'un verbe transitif devient l'objet indirect d'un verbe à double transitivité 

FRFR

tu goûteras le plat

tu vas visiter la maison

Soit en formule :

agent + verbe intransitif + C.O.D.

------>

------>

------>

 

------>

FRCAM

je te goûterai le plat

je vais te visiter la maison

 

sujet + C.O.I + verbe transitif + C.O.D.

3°. Les verbes pronominaux :

FRFR

Ils veulent qu'on les filme

Ils s'affrontent [en raison de...]  .

------>

------>

------>

FRCAM

ils veulent se filmer

l'absence de compréhension les affrontent

Il n'est pas possible pour ce dernier cas de produire une formule, dans la mesure où nous ne disposons pour l'instant dans notre corpus que des deux occurrences ci-dessus, qui de surcroît semblent s'appuyer sur des logiques différentes.

De même, sur le plan sémantique, une transformation s'impose à certains verbes exprimant la factitivité : des verbes tels que ressortir (fréquent à l'écrit), perdre le temps (fréquent à l'oral) ou pencher (hapax tiré d'une revue scientifique et s'intégrant dans le schéma général) ne comportent pas dans leur sémantisme initial le sème [factitif]. Ce ne sont donc pas des verbes intrinsèquement factitifs, comme le sont des verbes tels que tuer (= "faire mourir"), par exemple. Mais ils peuvent devenir momentanément factitifs en FRCAM, certains de leurs emplois dans les occurrences de notre corpus leur attribuant le sème [factitif] par afférence contextuelle :

 

RESSORTIR : paraître avec relief, être saillant (Définition NPRob.[15]).

Illustration d'un emploi FRCAM :

Je vais essayer de ressortir les choix et les motivations de mon sujet.

Analyse sémique dans le contexte FRCAM :

verbe FRFR

 

emploi FRCAM

RESSORTIR

+

contexte : JE (fais qqch)

sèmes inhérents (Si)

+

sème afférent (Sa)

Si 1 : paraître

Si 1' : être

Si 2 : avec relief

Si 2' : saillant

+

Sa : être cause que

verbe (non factitif)

+

factitivité

=> emploi FRCAM ressortir = faire paraître avec relief, faire être saillant.

PERDRE : être privé, provisoirement ou définitivement, de la possession ou de la disposition de qqch. (Définition NPRob.).

=> perdre son temps : être privé provisoirement de la disposition de son temps

Illustration d'un emploi FRCAM :

Alors Messieurs, vous n'avez pas fini ? Vous nous perdez le temps !

Analyse sémique dans le contexte FRCAM :

verbe FRFR

+

emploi FRCAM

PERDRE

+

contexte : VOUS (faites qqch)

sèmes inhérents (Si)

+

sème afférent (Sa)

Si 1 : être privé

Si 2 : de la possession de qqch

+

Sa : être cause que

verbe (non factitif)

+

factitivité

=> emploi FRCAM perdre (le temps) = faire que qqn soit privé provisoirement de la disposition de son temps.

PENCHER : être porté, avoir une tendance à choisir, à préférer qqch, qqn. (Définition NPRob.).

Illustration d'un emploi FRCAM :

[...] ce qui nous penche vers une sous-catégorisation du surnaturel, c'est le refus du narrateur [...].

Analyse sémique dans le contexte FRCAM :

FRFR

 

emploi FRCAM

PENCHER

+

contexte : LE REFUS DU NARRATEUR (fait qqch)

sèmes inhérents (Si)

+

sème afférent (Sa)

Si 1 : être porté

Si 1' : avoir une tendance

Si 2 : choisir qqch, qqn

Si 2' : préférer qqch, qqn

+

Sa : être cause que

verbe (non factitif)

+

factitivité

=> emploi FRCAM pencher = faire que qqn soit porté, ait une tendance à choisir, à préférer qqch, qqn

 

Il nous semble inutile de répéter la démonstration, dans la mesure où l'ensemble des illustrations de notre corpus entre dans ce schéma. Ajoutons toutefois que le contexte peut être plus vaste que le simple sujet mentionné dans nos tableaux ci-dessus, et englober la situation globale de communication, souvent vectrice de compréhension. Ce contexte produit le sens désiré par le locuteur, et compris par le récepteur, du moins par celui qui a reçu l'éducation linguistique ad hoc : la connaissance de la règle grammaticale particulière, la perception de cette resémantisation et l'interprétation du contexte (toutes trois intuitives en situation de communication normale) permettent de désambiguïser des énoncés qui seraient analysés différemment en FRFR :

 

forme FRCAM

sens FRFR

VS

sens FRCAM

goûte-moi ce jus

" 'tu' goûtes (compl. d'intérêt)"

VS

" 'je' goûte" (factitivité)

il faut avancer le cours

"programmer plus tôt"

VS

"progresser"

visiter la maison

"je visite ta maison"

VS

"je te guide"

ils veulent se filmer

"ils se filment entre eux"

VS

"qpn les filme"

 

Elles permettent aussi tout simplement de comprendre l'énoncé dans certains cas :

 

forme FRCAM

sens FRFR

VS

sens FRCAM

je te penserai :

?

VS

"je te ferai penser"

il a coulé le sang :

?

VS

"il a fait couler le sang"

 

Mais il faut remarquer que c'est la même logique qui préside à la compréhension de certains factitifs en FRFR tels que démarrer ou sortir au lieu de faire démarrer ou faire sortir dans ces deux exemples récents parmi les nombreux cités par Grévisse (1988, p. 437, § 276a 2° et p. 438, § 276a 6°), suffisamment courants pour que le locuteur moyen ne soit pas perturbé par leur forme, et qui de surcroît mettent en évidence les potentialités factitives de certains verbes :

C'est sur cette splendide remarque [...] que José Cabanis démarre son court récit (B. Pivot, dans Le Figaro litt., 6 mai 1968).

Pour sortir la France de l'abîme (De Gaulle, Mém. de Guerre, t. I, p. 342).

Ou parmi ces exemples plus anciens, dans lesquels mourir était factitif (Grévisse, 1988, p. 417, § 272, Hist.) :

Vous m'avez mort par le veu que vos avez fet (Queste del Graal, p. 17).

Il aimeroit miex que li Sarrazin les eussent tous mors (Joinville, § 302).

Concernant le verbe FAIRE en FRCAM, il nous semble donc possible de conclure avec le même schéma général que celui qui nous avions proposé pour le FRBU :

français

potentialités de FAIRE en FRFR

--->

généralisation

 

FAIRE

 

 

 

 

--->

en

langues camerounaises

interférences verbes en langues locales

 

--->

 

généralisation

 

 

FRCAM

 

De même concernant la factitivité :

 

français

potentialités factitives des verbes en FRFR

--->

généralisation

 

FACTITIVITE

 

 

 

 

--->

en

langues camerounaises

interférences de la transformation factitive

 

--->

 

généralisation

 

 

FRCAM

 

4. Conclusion

Il ressort assez nettement des identités dans les usages du verbe FAIRE en FRCAM et en FRBU, que nous signalions d'ailleurs en partie dès l'introduction. Le cas le plus flagrant reste celui du groupe A du corpus présenté, dont il suffit de comparer le synoptique qui le concerne et celui qui avait été élaboré pour le FRBU.

La description et l'étude linguistique des usages du verbe FAIRE en FRCAM montre pour ce cas que le principe de la relation hypéronymique (FAIRE) / hyponymique (verbe plus précis), dû au sémantisme inhérent au verbe FAIRE dont la description reste stable dans notre français de référence, se retrouve en FRCAM. Ce principe génère des identités entre les deux variétés de français que nous avons étudiées.

Pourtant il ressort des différences aussi, celles-là mêmes qui nous autorisent à parler de variétés de français. Ceci est mis en évidence par les groupes B et C du présent corpus : il y avait peu de locutions construites avec FAIRE en FRBU, exceptées faire contact et faire recours (dont les occurrences sont toutefois très nombreuses), alors qu'elles sont nombreuses et bien attestées en FRCAM, obéissant aux mêmes critères d'analyticité. De même, on aura constaté la grande fréquence de verbes en emploi factitif dans le discours FRCAM, ce que l'on ne trouvait pas en FRBU, à quelques exceptions près que nous avons ici même signalé en note infrapaginale. Mais l'expression de la factitivité, qui s'exprime souvent sans le semi-auxiliaire FAIRE en FRCAM, est au contraire une opération de synthèse : l'auxiliaire disparaît et le sème [factitif] est intégré dans le sémème du verbe plein.

Des différences donc, mais semble-t-il, surtout des différences de surface, car les grands principes, s'ils sont plus ou moins largement appliqués dans les différentes variétés de langue, sont semblables dans les deux variétés que nous avons étudiées, et sans aucun doute dans d'autres variétés : pour s'en convaincre, il suffit de consulter la rubrique FAIRE dans l'Inventaire des particularités lexicales du français en Afrique noire (1983).

Ces principes sont complémentaires et relèvent de plusieurs ordres. L'interférence d'abord, car il est difficilement évitable qu'il n'apparaisse à des degrés divers un certain nombre de "résidus adstratiques" lorsque deux langues se côtoient, comme c'est le cas dans les pays francophones ; le principe d'économie ensuite, qui réalise avec des variations locales l'équilibre entre analyticité et synthèse ; la resémantisation des éléments lexicaux, en fonction de besoins ou d'habitudes ; enfin, la généralisation de structures lexicales et morphosyntaxique existant en FRFR et qui consacrent une unité de langue derrière une variété de d'usages.

Nous n'avons pas la place ici, ni pour développer cet aspect, ni pour aborder la question sous un autre angle, important, l'angle sociolinguistique. Celui-ci apporte également de nombreuses informations et permet des comparaisons intéressantes entre les différentes variétés de français, y compris le français de référence.

Cette question fera l'objet d'un article ultérieur.

 

 

Bibliographie

 

BERRENDONNER Alain, LE GUERN Michel, PUECH Gérard (1983). Principes de grammaire polylectale, Lyon : P.U.L.

EQUIPE IFA (1983). Inventaire des particularités lexicales du français en Afrique noire, Paris : AUPELF-ACCT.

FREY Claude (1992-1993). "L'extension polysémique du verbe FAIRE en français du Burundi", BOFCAN, 9, pp. 225-249.

FREY Claude (1996). Le français au Burundi, lexicographie et culture, Vanves : EDICEF-AUPELF.

FREY Claude (1997). "Corpus et information", dans FREY Claude et LATIN Danièle, Le corpus lexicographique, Louvain : Duculot/AUPELF-UREF, pp. 247-263.

GRÉVISSE Maurice (1988) 12ème éd. 1993. Le Bon Usage, Louvain-la-Neuve : Duculot.

PICOCHE Jacqueline (1992) 1ère éd. 1977. Précis de lexicologie française, Paris : Nathan.

POTTIER Bernard (1974). Linguistique générale, théorie et description, Paris : Klincksieck.

TABI MANGA Jean (1990). "Variation lexicale du français au Cameroun", dans CLAS André et OUOBA Benoît, Visages du français, Variétés lexicales de l’espace francophone, Paris : AUPELF - John Libbey Eurotext, pp. 91-95.

 



[1] FRFR : variété de français en usage en France, servant de point de comparaison.

[2] FRCAM : variété de français en usage au Cameroun.

[3] FRBU : variété de français en usage au Burundi.

[4] Nous ne donnons ici que deux illustrations de faire recours, mais cette locution est extrêmement fréquente, de même que faire tenir (groupe B du corpus) et, dans l'expression de la factitivité, perdre le temps (à qqn) et ressortir au lieu de faire perdre le temps et de faire ressortir (voir plus bas, groupe C).

[5] Tabi Manga (1990, p. 94) mentionne ce type d’occurrence en lui accordant une valeur générale : faire la classe de : "être en classe de" : ex. : "Alima fait la classe de troisième A".

[6] Cf. note 4.

[7] Cf. note 4.

[8] Cf. note 4.

[9] FRCAM filmer = FRFR photographier.

[10] En ce qui concerne le groupe A, l'intérêt de l'opposition ADL / PROL ne nous semble pas aussi évident en FRCAM qu'en FRBU, bien que ces deux sens notionnels existent aussi en FRCAM. Mais ADL et PROL généraient selon nous des règles d'emploi du verbe FAIRE en FRBU qui justifiaient que l'on fasse la différence. De telles règles d'emploi ne nous semblent pas pertinentes en FRCAM où la structure est simplifiée par rapport au FRBU et se présente toujours sous la forme :

 

(C.O.I.)

sujet + FAIRE + C.O.D. +

 

 

(complément circonstanciel)

La parenthèse indique dans ce schéma l'apparition éventuelle d'un complément d'objet direct ou d'un complément circonstanciel.

[11] Dans la colonne "lecte C", le signe Ø signifie qu'il n'y a pas de glose (employant un verbe à forte tendance hyponyme) pour le contexte présenté dans le corpus. Par exemple, faire deux jours = passer deux jours = séjourner deux jours. Mais si "passer" (hyponymie faible) est possible, "séjourner" (hyponymie forte) est impossible dans les deux exemples du corpus : "Si tout va bien, je peux faire dix ans sans aller voir le ministre de la jeunesse et des sports." (R. Milla, La Nationale n° 5, p. 8), et "Il a fait deux jours sans venir au travail" (inc.).

[12] Solutionner figure dans le Nouveau Petit Robert avec la mention "emploi critiqué".

[13] Le FRBU connaît cependant quelques locutions de ce type : faire un coup d'état ; qu'est-ce que tu m'as fait ? et ça fait longtemps, recensées dans Frey 1996, p. 100-101.

[14] Dans Frey 1992-1993, p. 225, il faut lire "nous ne considérerons que les expressions avec FAIRE susceptibles de recevoir la forme FAIRE + article défini + substantif" au lieu de "nous ne considérerons pas les expressions..."

[15] Nouveau Petit Robert.