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À PROPOS DE LA CRÉATION DES NOMS DE PERSONNES : CONTRIBUTION À LA FORMATION DES MOTS EN FRANÇAIS AFRICAIN

 

Christian Schmitt

Université de Bonn

 

 

 

                Comme l'espagnol et le portugais extra-européens, le français hors d'Europe auquel Suzanne Lafage a dédié la plupart de ses activités scientifiques, a connu des évolutions indépendantes et spéciales, soit à partir du contact oral entre coloniaux et indigènes dans les comptoirs français d'outre-mer ou dans les troupes coloniales françaises, soit par le biais de l'enseignement dispensé intégralement en français, excluant et proscrivant, comme c'était aussi le cas dans les régions alloglottes de France, tout recours aux langues africaines, même les plus importantes et les plus répandues, conformément à l'arrêté du 1er mai 1924 (Journal Officiel de l'A.O.F., 319), et traitant ainsi les élèves africains comme de jeunes
francophones de naissance. Il n'est donc pas étonnant qu'il existe un grand nombre de variétés de français extra-hexagonaux qui dépendent de nombreux paramètres différents et qu'en fin de compte le français d'Afrique "se présente en réalité comme un continuum dont un des pôles est la langue très pure de nombreux écrivains ou intellectuels africains et dont l'autre se perd souvent dans la zone indécise où l'on a peine à distinguer ce qui est la réalisation approximative des structures françaises de ce qui ressortit aux langues du substrat" (Manessy 1978,93), d'où le bien-fondé de la distinction de deux types de variétés africaines, le français des élites d'un côté, et le français des non-lettrés de l'autre, établie par Suzanne Lafage (1990, 775s.) qui, en même temps, a souligné combien les dérivations afrofrançaises se distinguaient des formations hexagonales qui ne connaissent p. ex. ni les suffixations maraboutage, maraboutal, marabouter, maraboutisme (< marabout, 1575, PRob

31994, 1349a "pieux ermite, saint de l'islam"), pédéger "diriger une société" ou compéter "participer à une compétition" ni les mots composés homme-caméléon "hypocrite", chérie-coco "petite amie" ou je-le-connais "intellectuel pédant", etc. (Lafage

 1990, 778s.), pourtant tous des dérivés virtuels du français contemporain. Après la publication de l'IFA (Inventaire des particularités lexicales du français en Afrique noire), cet écart entre la formation des mots hexagonale et la formation africaine peut être mieux décrit pour une grande partie des pays africains francophones, d'autant plus que cet ouvrage précieux permet l'accès à un grand nombre de traits "dotés d'une relative stabilité, d'une fréquence élevée, d'une dispersion assez grande et qui n'étaient pas ressentis comme des fautes ni comme des singularités par des locuteurs possédant une bonne maîtrise du français" (Bal 1983, XX) et comble les nombreuses déficiences du dictionnaire de Larousse (1982).

                Dans une contribution limitée à 24000 signes espaces compris il est quasi impossible d'élaborer une vue exhaustive des différents procédés morphologiques. Nous aurions non seulement à traiter les 1446 formations de l'IFA, leurs aspects sémantiques et structuraux mais aussi les huit catégories sur lesquelles se répartissent les différentes formations de l'IFA :

 

Particularités lexématiques

changement de la catégorie grammaticale

dérivation régressive

dérivation suffixale ou préfixale

composition

abréviation

croise-ment de mots

redoublement

changement  phonétique

2,9 %

0,8 %

33,7 %

57 %

4,4 %

0,2 %

0,3 %

0,7%

ex.: cravaté "qui porte une cravate"

ex.: coule couloir "prostituée"

ex.: campusard/e "qui vit sur le campus"

intertribal "qui concerne plusieurs tribus"

ex.: chapelle-école "chapelle qui sert à la fois d'école"

ex.: B.P. (< bon pour crédit)

ex.: cadonner, cadeau  X donner, "donner un cadeau"

ex.: cinq-cinq "très bien"

ex.: bagasse "porteur de bagage": confusion de [Z] et [s]

 

Il en résulte qu'une limitation à un seul aspect s'impose. Étant donnée la haute productivité des procédés suffixaux, nous avons choisi la formation de noms d'agents par dérivation. Une telle analyse devrait montrer quels sont les éléments morphématiques productifs et dans quelle mesure le locuteur africain se sert des possibilités du système virtuel du français d'Afrique ; nous traiterons d'abord les dérivés dénominaux :

(1) -ain : morphème servant à former des noms ethniques

L'IFA ne nous indique qu'un seul dérivé : belgicain n.m., f., péj. (< Belgique), formation analogue à Amérique/américain. Ce mot dérivé évite une anomalie du français telle que Belgique/belge (1528) due à la relatinisation du XVIe siècle et contribue ainsi au progrès de l'analogie (cf. Saussure 1922, 211ss. ; Guilbert 1975, 48).

(2) -aire : morphème servant à désigner des personnes et leur activité

collinaire "habitant des collines"

hamacaire "porteur de hamac"

promotionnaire "condisciple, camarade de promotion"

régionnaire "catéchiste responsable des catéchistes d'une région"

Toutes ces dérivations sont conformes à la morphologie française et pourraient, par conséquent, figurer dans tout dictionnaire de la langue française.

(3) -ard/‑arde : suffixe servant à désigner une personne à partir de ses traits particuliers

campusard/e "étudiant/e qui habite le domaine universitaire ou campus"

chiquard "individu porteur de chiques"

maîtrisard "titulaire d'un diplôme de maîtrise"

maquisard "tenancière de maquis ; prostituée fréquentant les bars"

pistard "chauffeur habitué à la conduite sur piste"

On note une forte convergence avec les dérivés français ; Rabelais n'aurait certainement pas hésité à créer l'une ou l'autre de ces formations.

(4) -éen/ne : suffixe servant à former des noms ethniques

goréen "nom donné aux élèves de l'École William Ponty, située sur l'île de Gorée"

groupéen "élève du Groupe Scolaire Central"

À l'exception de lycéen (Haensch/Lallemand/Rietkötter 1972) ce suffixe ne se trouve que dans les mots ethniques. Bien que marginalisé dans le système de la langue, lycéen a pu devenir le modèle dominant pour le domaine de l'école.

(5) -esse : suffixe servant à désigner une personne de sexe féminin"

boyesse "bonne à tout faire"

— toubabesse "toute femme ayant la peau blanche"

Ce suffixe ne montre qu'une faible productivité, les dérivés possèdent souvent un sens négatif.

(6) -ette : suffixe plurivalent servant à désigner des personnes ou des choses"

gossette "petite amie"

L'IFA ne connaît que deux dérivés : gossette et bananette "boisson (...).

(7) -eur/‑euse : suffixe servant à créer des noms d'agents

bilaneur "personne qui raconte des histoires"

billeteur "agent administratif qui est chargé du billetage"

caïmanteur "bûcheur ; élève qui travaille beaucoup"

chanvreur "fumeur de chanvre indien"

couloirdeuse "prostituée qui fréquente les couloirs (...)"

féticheur "responsable du culte"

féticheuse "prêtresse chargée du culte d'un fétiche particulier"

gongonneur "crieur public"

grigriseur "individu capable de fabriquer des gris-gris"

javeur/se "danseur, danseuse"

jazzeur "dandy"

jocoleur "étudiant qui a l'habitude de préparer lui-même ses repas dans sa chambre"

khumeur "joueur de khum (jeu des cartes avec mises)"

palabreur "personne qui se complaît dans des discussions"

pisteur "personne qui dirige la marche d'approche au cours d'une chasse"

pousse-pousseur (ou pousseur) "conducteur de pousse-pousse"

tamtameur "joueur de tam-tam"

tip(p)oyeur "porteur de tipoy (chaise à porteur)"

troubleur "agitateur, perturbateur"

Le morphème -eur/-ateur ayant dominé la formation des noms d'agents depuis les premiers textes en langue française, le grand nombre de formations ne peut pas surprendre. Depuis le XXe siècle ‑eur est menacé par le grécisme -iste (Schmitt 1996 ; 1996a) cette tendance commence à se manifester même en français africain où nous avons fétichiste à côté de féticheur et jocoliste à côté de jocoleur. Reste encore une formation difficile à expliquer : sourgueux "employé agricole" qu'on peut considérer ou comme dérivé à l'aide du suffixe -eux ou, mieux encore, comme le résultat de la chute du [-R] final, phénomène phonétique populaire largement répandu en France au XIXe siècle.

(8) -ien/-ienne : suffixe servant à former des noms de personnes

cafopien "élève d'un centre d'animation et de formation pédagogique"

grioticien "spécialiste de la griotique (théâtre africain moderne)"

La productivité de ce suffixe reste assez limitée ; elle dépend, en général, de la consonne ou voyelle finales des bases respectives.

(9) -ier/-ière : suffixe polyvalent servant à désigner des arbres, des récipients et des acteurs

chamelier "élève qui lance des chameaux (fautes de langue)"

dibitier "tenancier d'une dibiterie"

dolotière "femme qui fabrique et vend le dolo (boisson alcoolisée)"

gargotier/-ère "tenancier (‑ère) d'une gargote (petit restaurant)"

goalier "gardien de but"

goumier "soldat supplétif (appartenant aux forces levées dans les tribus nomades)"

grigritier "faiseur de gris-gris (petit objet magique)"

maisonnier/-ère "chef de la famille élargie ; logeur, logeuse"

malaf(o)utier "tireur de malaf(o)u (vin de palme)"

moukandier "auteur d'une moukande (lettre ouverte)"

pinassier "conducteur de pinasse (embarcation à moteur)"

popotier "chef de popote (petit réchaud de tôle)"

saisonnier/-ère "travailleur migrant ; bonne"

tablier "vendeur des rues non ambulant"

tam-tamier "joueur de tam-tam"

tchapalottière "femme qui prépare et qui vend du tchapalo (bière de mil)"

tontinier/-ère "personne qui organise ou dirige une tontine (caisse commune)"

La productivité de ce suffixe en français africain correspond à celle qu'il possède en français hexagonal ; elle n'est pas entravée par sa polysémie.

(10) -ique : suffixe désignant une personne atteinte d'une maladie

pianique "malade atteint du pian (affection cutanée)"

sicklémanique "personne atteinte de sicklémanie (anémie héréditaire)"

Comme en français européen (cf. sidatique, asthmatique etc.) l'utilisation de ce suffixe se limite plus ou moins au domaine médical.

(11) -iste : suffixe servant à désigner des personnes exerçant une activité, une profession

ambiste "personne qui utilise des produits pour s'éclaircir le teint"

balafoniste "joueur de balafon (instrument de musique à percussion)"

cladiste "partisan d'une méthode audiovisuelle ; membre du CLAD"

clairon(n)iste "joueur de clairon"

coriste (koraïste, koratiste) "joueur de cora (instrument de musique)"

droguiste "guérisseur préparant des médicaments traditionnels"

facquiste "titulaire d'une bourse F.A.C."

fédiste "étudiant qui bénéficie d'une bourse F.E.D."

harriste "fidèle de la religion appelée harrisme"

humaniste "personne qui suit des cours en humanités"

indurubuliste "personne profitant d'une situation troublée pour se mettre en avant"

jocoliste (jocoleur) "étudiant qui se prépare lui-même ses repas dans sa chambre"

khalamiste "joueur de khalam (instrument de musique)"

kitawaliste "adepte du kitawala (secte religieuse)"

koraïste (coriste, koratiste) "joueur de cora"

koratiste (coriste, koraïste) "joueur de cora"

lumumbiste "partisan de Lumumba et de sa doctrine politique"

mayeliste/mayeriste "personne hypocrite, machiavélique"

motariste "motocycliste de l'armée ou de la police ; motard"

muléliste "partisan de Mulele, de son action de rébellion"

pépiste "consommateur de pep (narcotique local)"

salongiste "personne qui participe au salongo (travail collectif)"

sawabiste "membre du parti politique sawaba"

senghoriste "partisan du président Senghor"

senoussiste "membre de la confrérie de la Senoussia"

tradition(n)aliste "griot en tant que dépositaire des traditions historiques"

trompiste "joueur de trompe"

Le grand nombre de dérivés montre sans équivoque que ‑iste, suffixe d'origine savante, a également acquis une place importante dans la formation de mots africaine où il est devenu un rival sérieux des morphèmes héréditaires et traditionnels.

(12) -ois/-oise : suffixe servant à former des noms ethniques

fleuvois "natif ou habitant de la région du fleuve"

En français hexagonal, ‑ois n'est pas très productif ; il n'est donc pas étonnant que le dictionnaire de l'Equipe IFA ne retienne qu'un seul exemple.

(13) -man : élément suffixal servant à désigner des personnes de sexe masculin

boukiman "commerçant qui pratique le bouki (en wolof : "hyène")"

chaïman "vendeur de thé en plein air"

djigboman "guérisseur traditionnel ayant recours à la magie"

rastaman "adepte d'un mouvement d'origine jamaïcaine (...)"

sirouman "chauffeur de taxi"

taximan "chauffeur de taxi ; en particulier des taxis urbains"

théman "vendeur de thé en plein air, souvent ambulant"

zazouman "zazou ; amateur du jazz"

S'il est vrai qu'en France on a essayé d'éliminer cet élément suffixal (Baldinger 1990, 779-797) d'origine anglaise (cf. cableman remplacé officiellement par câbliste et caméraman par cadreur, etc.), en Afrique occidentale, domaine de la rencontre des grandes langues européennes, il a pourtant pu garder sa vitalité intégrale : ici des mots africains, anglais et français peuvent figurer comme bases.

               

                Les dérivations déverbales restent moins nombreuses que les dénominales et se limitent à un petit nombre de suffixes : -ard ne connaît qu'un seul exemple, cartouchard/e "étudiant/e qui risque de ne plus pouvoir redoubler" (< cartoucher "épuiser les quatre sessions d'examen autorisées"), comme d'ailleurs aussi ‑ère qui a contribué à la formation de lavadère/lavataire "domestique chargé des travaux de lessive et de repassage de linge (<laver "nettoyer avec un liquide") et ‑ier (coursier "coureur cycliste", de courser "faire la course"). Même la productivité de ‑iste reste bien marginale, étant donné que copiste "élève qui copie ou triche" peut s'expliquer à partir du verbe copier ou du nom copie. On peut donc soutenir la thèse que les noms de personne déverbaux afrofrançais se font à l'aide du suffixe -eur/-euse :

alphabétiseur "personne chargée de l'alphabétisation des adultes"

ambianceur "personne qui met de l'ambiance"

beloteur "joueur de belote"

bigreur "grand buveur, amateur de boissons alcoolisées"

bisseur/‑euse "redoublant ; qui recommence une année d'études"

botteur "travailleur intellectuel"

boumeur, boomeur "personne qui participe souvent à des surprise-parties"

bourreur "personne qui raconte des histoires, blagueur, menteur"

brosseur/-euse "étudiant/e qui manque volontairement les cours"

cafouilleur "personne qui crée une situation confuse dans le but d'en tirer profit"

cailleur "personne portée à l'amour physique ; baiseur"

choqueur "séducteur"

circonciseur "homme qui est spécialement chargé de pratiquer la circoncision"

cokseur "rabatteur chargé d'attirer les clients"

corrigeateur "élève qui triche en copiant sur son voisin, copieur"

courseur "coureur cycliste"

cuveur "alcoolique, ivrogne"

dégageur "fêtard"

déguerpisseur "personne chargée de faire évacuer les quartiers destinés à d'autres constructions"

démarcheur "personne qui procède à des démarches administratives pour le compte d'un autre"

démerdeur "débrouillard"

déplaceur "voleur (euphémisme)"

descendeur "noceur ; personne qui a l'habitude de quitter le travail"

détourneur "personne qui a l'art de séduire les femmes des autres"

djibseur "guérisseur traditionnel ayant recours à la magie"

exciseuse "femme âgée qui pratique l'excision sur les filles"

importateur "personne qui fait de l'importation (amène une femme)"

lingeuse "personne qui lave et repasse le linge des étudiants"

provoqueur/-euse "provocateur, querelleur ; provocatrice, querelleuse"

rafleur "voleur"

rampeur "flagorneur"

raseur "coiffeur installé sur la voie publique"

tourneur "fêtard, noceur"

tresseuse "coiffeuse spécialisée dans le tressage des cheveux"

vibreur "fêtard, noceur"

Ces formations font souvent partie du niveau populaire ou appartiennent aux argots de plusieurs groupes professionnels.

               

                Les dérivés déadjectivaux ne représentent qu'une quantité négligeable : à partir de chiche on a formé chichard "personne qui répugne à la dépense" ; fondamentaliste "élève de l'école fondamentale" et instrumentaliste "instrumentiste" s'expliquent respectivement à partir des adjectifs fondamental et instrumental. Comme en français hexagonal, la dérivation déadjectivale représente, somme toute, un procédé plutôt périphérique du système linguistique.

               

                Une comparaison avec la formation des mots en français hexagonal nous montre qu'il n'y a pratiquement pas de différence qualitative ou quantitative avec la formation des mots en français africain (fr.af.) ; pour les suffixes décrits nous donnons le résultat d'une analyse portant sur le dictionnaire historique le plus important du français, le DDM :

 

suffixe

10e

11e

12e

13e

14e

15e

16e

17e

18e

19e

20e

siècle

fr.af

sans dat.

-ain/e

0

1

13

7

6

5

5

1

0

2

0

 

1

 

-aire

0

0

6

11

41

21

70

39

64

99

24

 

4

 

-ard/e

0

2

5

5

12

8

23

16

9

48

13

nom-

7

nom-

-éen/ne

0

0

0

0

0

0

2

0

2

7

1

bre

2

bre

-esse

0

2

26

11

6

3

11

7

4

11

1

total

2

total

-ette

0

2

37

47

40

14

32

18

20

49

20

de

2

de

-eur/se

1

7

104

154

133

102

268

136

148

321

137

déri-

54

déri-

-ien/ne

1

0

7

5

17

4

9

8

20

49

20

va-

2

va-

-ier/ère

2

14

115

142

77

40

122

110

114

118

23

tions

19

tions

-ique

0

0

5

24

50

28

111

47

113

302

85

DDM

2

IFA

-iste

0

0

1

2

3

3

40

44

67

204

111

 

29

 

-ois

0

1

1

0

0

1

0

2

0

0

0

 

1

 

 

Cependant, ces chiffres ne possèdent qu'une valeur relative, étant donné que le DDM n'inclut pas, par exemple, les noms géographiques souvent formés à l'aide du suffixe ‑ois/e, qu'il est, en principe, impératif de respecter les différenciations sémantiques primaires et secondaires spécialement dans les suffixes de noms d'agent et d'instrument (Dubois 1962,40ss.), distinction difficile voire impossible à prendre en considération à partir d'un dictionnaire historique qui ne donne que des informations globales, et que finalement, la productivité morphologique et lexicale du XXe siècle est encore peu reflétée par les dictionnaires historiques.

                Le tableau montre néanmoins que la formation de noms d'agent rend bien les problèmes de déficience ou d'appauvrissement tels qu'ils ont été décrits par Dauzat (1937) et Camproux (1951), qui ont certainement accordé trop d'importance à une tendance latente. Le français africain, variété plus libre et plus indépendante des pressions normatives que les variétés européennes standardisées, uniformisées et conformées à un idéal historique, fait bel et bien partie du français universel auquel il contribue substantiellement par une utilisation à la fois plus libérale des possibilités du système linguistique et plus constructive en ce qui concerne l'activation des structures internes, en accord avec la tradition et le génie de la langue française.

 

 

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