LE PARLER BILINGUE DES BURUNDAIS FRANCOPHONES
:
PRATlQUES ET REPRÉSENTATIONS
Résumé de thèse
Jacques Hatungimana
Université Catholique de Louvain
Au Burundi, la coexistence du kirundi et de la langue
française dans le quotidien des gens instruits,c'est-à-dire
scolarisés, n'est pas seulement d'ordre institutionnel : elle est
constitutive de l'identité et de la personnalité des locuteurs.
En présence de personnes dont il croit partager le répertoire
linguistique,le locuteur burundais s'exprimera tantôt en kirundi,
tantôt en langue française, tantôt en mobilisant les
deux codes. C'est cette troisième possibilité qui porte le
nom de parler bilingue.
Les enquêtesde terrain qui sous-tendent
la présente recherche partent de l'hypothèse selon laquelle
le parler bilingue, sous la dénomination courante de code switching,serait
une des formes typologiques du françaisd'Afrique.Trois questions
orientent le débat. D'abord, le parler bilingue des Burundais francophones
ressortit-il à la simple alternance de codes ou participe-t-il
surtout d'un mélangede codes où s'opère une
forte kirundisation du lexique français ? Ensuite, le parler bilingue
des Burundais francophones procède-t-il d'une simple dialectalisationou,
déjà, d'une certaine créolisation ?En d'autres
termes, s'agit-il d'une ordinaire émergence d'un français
régional ou alors d'une évolution originale ? Enfin, le Burundais
francophone, qui se sert du parler bilingue, se réclame-t-il d'une
appartenance à la communauté francophone tout entière
ou simplement de l'appartenance à une communauté bilingue,
celle des kirundiphones scolarisés ?
Il s'agit donc d'une recherche sur les représentations
et les pratiques linguistiques. Résolument orientée vers
une linguistique de la parole, la démarche s'inspire de plusieurs
courants : l'approche structurale, l'approche fonctionnelle, l'approche
conversationnelle et l'approche psycholinguistique. Après avoir
souligné les problèmes théoriques posés par
la définition et l'analyse des énoncés bilingues,
en particulier celui de la détermination des unités et des
niveaux d'analyse, l'étude tente de circonscrire les conditions
sociolinguistiques qui président à l'émergence du
parler bilingue des Burundais francophones. Ensuite vient une analyse d'extraits
de corpus, basée sur les notions d'empruntet d'hybridation,
qui
elles-mêmes se définissent par rapport à la
langue
de basedes énoncés dits bilingues. Par leur caractère
marqué ou non, les emprunts permettent de distinguer l'alternance
et le mélange de codes, mais la question reste de savoir si l'hybridation
aboutit effectivement à la créolisation de la langue française.
Enfin, l'étude se clôture par une description des façons
dont les Burundais francophones perçoivent leur bilingualitéet
gèrent leur polyglossie :attitudes envers le français,
envers le kirundi et envers le parler bilingue, compte tenu de l'idée
que les locuteurs se font de la texture de cette nouvelle (variété
de) langue.
|