TEMPS ET PERSONNES EN DISCOURS INDIRECT : 
LES LIMITES D’UN AFRICANISME

Anne Dagnac
Université de Nantes


Dans la vaste entreprise que constitue l’étude des écarts présentés par diverses variétés sociolectales et nationales du français en Afrique subsaharienne, l’heure est aujourd’hui à la confrontation et à l’affinage des résultats, en particulier dans le domaine morphosyntaxique. Nous voudrions apporter ici notre contribution à cette description, en revenant sur certains aspects d’un écart fréquemment mis en évidence, pour des pays et des sociolectes variés : l’absence de transfert des temps et des pronoms déictiques en discours indirect. Nous nous appuyons sur un corpus de presse écrite nationale, issu de deux pays voisins mais aux situations contrastées, la Côte d’Ivoire et le Mali. Ce corpus présente, selon nous, l’intérêt d’être assez homogène et de correspondre à la norme acrolectale locale. Nous allons tenter de montrer comment l’écart par rapport au français central, quoique réel, est plus limité et plus précis qu’on ne le dit généralement.

1. Les données du problème
En français central, on dispose de deux stratégies principales pour rapporter des propos antérieurs, le discours direct et le discours indirect, généralement décrites de la manière suivante.

Soient respectivement E0 et E1 l’énonciation initiale et l’énonciation " rapportante ", S0 et S1 les situations d’énonciation correspondantes :
en discours direct (DD) :
- l’énoncé initial est repris sans subir de subordination syntaxique ; ceci lui permet de conserver ses formes de phrase initiales ;
- les repères énonciatifs de E0 sont fictivement maintenus, personnes et temps se définissent par rapport à eux ;
en discours indirect (DI) :
- le contenu de l’énoncé initial subit une subordination syntaxique ; les éventuelles modalités de phrase sont prises en charge par le sémantisme du verbe introducteur1
- temps et personnes sont repérés dans S1 et non plus dans S0.
 
Or, notre corpus présente plusieurs cas pour lesquels l’énoncé cité prend place dans une subordonnée de DI tandis que ses temps et personnes restent apparemment repérés par rapport à S0 : en d’autres termes, les deux stratégies de rapport semblent se "court-circuiter". Ce fait n’a rien d’unique : il a été relevé par pratiquement toutes les études antérieures portant sur des variétés orales ou des copies d’élèves, pour des pays africains variés, et plusieurs d’entre elles précisent que cette caractéristique se retrouve dans les productions de locuteurs lettrés. Cet écart est assez généralement justifié par des phénomènes d’interférence avec les langues des substrats respectifs, soit que les transformations y soient moins complexes qu’en français, soit qu’elles présentent des structures de DI sans transfert, soit qu’elles ne connaissent pas d’équivalent au DI ou encore qu’à côté de structures parallèles au français elles disposent de possibilités d’hybridation2. Notre propos n’est pas de nous prononcer sur ces explications : d’une part nous en serions bien incapable ; d’autre part ces écarts semblent panafricains, ce qui obligerait à comparer l’ensemble des substrats ; enfin, il nous semble que la validité des explications ne peut être éprouvée qu’à partir d’une description plus précise de l’écart, seule à même de repérer les points d’action exacts de l’interférence.

 
Mais la notion d’écart appelle une question non négligeable : pour identifier une particularité dans un usage africain, faut-il comparer ce dernier à la norme académique du français central ? Ou bien faut-il confronter cet usage africain à des usages français équivalents ? C’est la seconde voie que nous avons suivie, en étudiant parallèlement les faits de DI dans notre corpus africain et dans la presse française. Or, l’usage français observé n’est pas exactement conforme aux mécanismes décrits plus haut, car il fait intervenir deux facteurs non pris en compte par les descritpions des grammaires courantes : d’une part, la possibilité d’hybrider, sous certaines conditions, les deux stratégies de rapport ; d’autre part, le jeu, dans le transfert ou non des temps, de paramètres énonciatifs.

 

 
 
 
 
 

2. Personnes et discours hybrides
2.1. En France

L’existence, dans la presse française, de "formes hybrides de discours rapporté" a été mise en lumière par F. Atlani (1981). Parmi celles-ci, elle décrit des énoncés débutant par une complétive de DI, immédiatement suivis d’une zone typographiquement identifiée (guillemets, italiques) correspondant à du DD. Ainsi, à côté de (1) et (2), on peut rencontrer (3) :
(1) Il déclare : "Paul est venu" (DD).

(2) Il déclare que Paul est venu (DI).

(3) Il déclare que "Paul est venu" (DH).

Elle précise néanmoins que ce procédé n’est possible que lorsque le discours rapporté ne comporte pas de pronoms déictiques de 1re ou 2eme personne (shifters) et que les temps du discours initial sont compatibles avec la nouvelle situation d’énonciation. Dans le cas contraire, dit-elle, "le journaliste translate le terme et le place hors des guillemets ; par ce moyen, E affirme la vérité (logique) du discours rapporté, qu’il présente au lecteur comme "objectif"". 

 
Nous reviendrons sur l’emploi des temps. En ce qui concerne les personnes, il semble que la contrainte décrite par Atlani soit trop restrictive. En effet, un dépouillement de presse française montre que ce type de "discours hybride" est utilisé sans contrainte de personne, autrement dit qu’un énoncé rapporté d’abord sous forme de DI3 peut se poursuivre par une ouverture de guillemets à l’intérieur desquels les repères énonciatifs sont ceux de S0. C’est le cas pour (4) et (5):
(4) Bernard Henri Lévy a rendu un hommage particulièrement appuyé [à Valéry Giscard d’Estaing] en indiquant, sur TF1, que " si la ligne défendue par Jean-François Deniau et Valéry Giscard d’Estaing avait prévalu, notre liste n’existerait pas " (Monde, 29-30 /5/94, 7)4.

(5) Pour sa part, Nidoish Nasseline, président de la province des Iles, notait avec satisfaction, à l’issue de la réunion, qu’" à la différence des accords de Matignon, dont le processus avait été enclenché depuis la métropole, cette fois-ci, c’est nous qui prenons l’initiative " (Monde, 30/12/97).

Ce changement de stratégie peut d’ailleurs se faire en cours de rapport, une partie de l’énoncé rapporté étant paraphrasée en DI, l’autre citée en DD. Cela est assez fréquent pour des énoncés secondaires (coordonnés ou subordonnés) dont seul le contexte permet de savoir si le lien avec le fragment précédent relève de l’énonciateur initial ou du rapporteur, comme en (6) et (7) :
(6) Dominique Bazy, membre du comité exécutif du Crédit Lyonnais, a estimé que la banque risquait de récupérer moins des deux tiers de sa créance, " car nous sommes en concurrence avec d’autres créanciers, notamment le fisc qui passe actuellement en premier dans les cas de recouvrement des dettes ", a-t-il dit (Dép, 27/5/94, 2).

(7) Les anciens casques bleus (...) ont adressé une lettre ouverte à Bernard Henri Lévy, dans laquelle ils dénoncent " la surenchère médiatique à propos de la guerre dans l’ex-Yougoslavie ", qui selon euxelle (sic) " vient d’atteindre son point culminant avec votre intention de créer une liste européenne pour la Bosnie" (Dép, 27/5/94, 2)5.

La seule contrainte effectivement respectée par les journalistes est donc le signalement du changement de stratégie par des repères typographiques qui indiquent l’ouverture d’une zone énonciativement autonome.

 

 
 
 
 
 

2.2. Dans le corpus africain

Le repérage des personnes dans S0 chez nos journalistes maliens et ivoiriens ne représente donc pas une particularité par rapport à l’usage de leurs homologues français. En effet, il s’effectue toujours à l’intérieur d’une zone typographiquement délimitée, comme le montrent les exemples suivants :
(8) Certains avertissent que "si les criminels ne sont pas interpellés, nous serons obligés de faire la justice populaire". (m-ech 139)

(9) Sambou affirme que "la Cour Maritale (sic !) aurait pu nous éviter la Cour d’Assisses" et que s’il avait été "écouté que6 ce procès aurait pris une autre coloration". (m-ech220)

(10) Après maintes explications sur les efforts entrepris, il dit être troublé, ne pas connaître le responsable, et surtout "qu’en aucun cas, la solidarité gouvernementale qui n’est que politique ne peut engager ma responsabilité pénale". (m- ech 220)

(11) Le ministre des Affaires étrangères du Cameroun, M. Ferdinand Oyono, pense que "Nous ne nous situons pas dans une logique de succession des influences." (ci-fm 4/6 : 93)

(12) La déclaration du ministre Coréen note que c’est un "acte de violation de la souveraineté de notre République" (...) (m- aur 230)

D’autres cas se rapprochent de (6) et (7) : (13) il affirme avoir encouragé Djibril Diallo à tenir le coup car "si nous n’allons pas à la démocratie et au multipartisme nous sommes foutus". (m-ech220)

(14) Le responsable du syndicat s’est étonné (...) de ce qu’il a estimé être une volte face du PDG "qui nous a annoncé qu’il était avec nous même s’il a refusé de participer à l’AG du 8 juillet". (m-ess12518)

Dans le corpus français comme dans le corpus africain, il s’agit donc à chaque fois non d’une absence transfert des déictiques dans S1 mais d’un changement conscient de stratégie de rapport, typographiquement marqué : le rapporteur remanie le discours qu’il rapporte mais tient à donner un effet de fidélité, notamment dans l’exposé des causes d’un jugement. Sur ce point et pour cette variété, s’il peut s’agir d’un écart par rapport à la norme académique, cela n’en est plus un par rapport aux usages apparentés en France.
Quant aux autres usages, plusieurs hypothèses se dessinent. Les exemples donnés par les autres études relèvent en général de sociolectes différents (basilectaux ou mésolectaux), et ne donnent aucune marque paralinguistique, en particulier dans les copies d’élèves en cours d’apprentissage : il peut donc s’agir réellement d’une absence de transfert (et non d’un choix conscient de stratégie), et l’on pourrait avoir là un trait de partage entre plusieurs variétés sociales de français en Afrique7.
Pour ce qui est des usages oraux, qu’il faudrait en outre différencier par sociolectes, il faudrait vérifier si un intonème ne joue pas le rôle de démarcateur endossé à l’écrit par les guillemets, auquel cas la possibilité d’avoir à l’oral un discours hybridé ne serait pas exclue. Il faudrait vérifier ce point à la fois pour les variétés orales africaines et pour le français central. On pourrait ainsi avoir : 1) intonème en France et en Afrique : pas d’écart africain, pas de distinction oral / écrit, 2) pas d’intonème en France ni en Afrique : pas d’écart africain, même distinction oral/écrit, 3) intonème en France et pas en Afrique : écart africain dans la distinction oral/ écrit, etc8.

 

 
 
 
 
 

3. Transfert des temps et stratégies énonciatives
3.1. La "concordance des temps"

Les études antérieures s’appuient sur une approche traditionnelle du comportement des temps en discours indirect, qui veut que, dans un discours indirect introduit par un verbe passé9, s’effectue par servitude grammaticale une concordance automatique des temps, exception faite des énoncés de "vérité générale" du type Galilée disait que la terre tourne autour du soleil. Cette approche est celle que l’on retrouve, à quelques nuances près, dans la plupart des manuels et grammaires courants (y compris Grevisse, 1993), cf. :
Si le verbe introducteur est au passé, le DI est à l’imparfait pour rendre le présent du DD, plus-que parfait pour les passés, conditionnel pour les futurs. Cependant, la concordance peut ne pas se faire pour le présent de vérité générale [...] (Perret, 1994 : 106).
C’est par rapport à ce type de constatations qu’est identifiée la particularité du "non-transfert" des temps. Or, il semble qu’il faille en fait modifier la perspective : le maintien ou non du temps initial dans la subordonnée ne dépend pas d’une vérité a priori qui serait inhérente à l’énoncé rapporté (et d’ailleurs souvent difficile à évaluer), mais de l’intention et du point de vue de l’énonciateur rapportant : c’est lui qui choisit de laisser par exemple les propos au présent s’il veut les présenter comme valides à t1, ce qui a pour conséquence de diriger l’éclairage sur le contenu de l’assertion. En revanche, si la validité de l’assertion au moment où il la rapporte ne l’intéresse pas, ou s’il la dément, le transfert au passé aura bien lieu. Dans le cas du transfert au passé, selon Curat (1991 : 219) :
[Cette idée regardante] a pour effet que le procès représenté ne dit plus, du point de vue de L [= le rapporteur] une vérité sur le monde actuel, mais une vérité sur le monde tel que le conçoit l’agent de cette déclaration. Or, pour le locuteur L, cette conception du monde par un autre n’est d’aucune nécessité liée au monde actuel. On peut rattacher cette approche de celle de Port-Royal, que rappelle Le Goffic (1993 : 257) : [...] dans un énoncé comme : Tous les philosophes nous assurent que les choses pesantes tombent d’elles-mêmes en bas (...)

il n’est pas possible de savoir au compte de qui doit être portée l’affirmation les choses pesantes tombent d’elles-mêmes en bas. Ce peut être au compte

- du locuteur (sujet de l’énonciation) ; dans ce cas Tous les philosophes nous assurent… n’est qu’une "proposition incidente" (c’est à dire une proposition subordonnée), rattachée comme une modalité à la "proposition principale" qu’est alors la proposition en que,

- des philosophes (sujet de l’énoncé) : le locuteur peut alors très bien exprimer un désaccord [...]. Dans ce cas, tous les philosophes nous assurent… est la "proposition principale" (incluant la proposition en que en tant qu’une partie de son prédicat).

Dans le cas d’un verbe introducteur au passé, le maintien d’un présent ou d’un futur correspondrait à la première interprétation, le transfert au passé ou au conditionnel à la seconde. En l’absence de transfert, on focalise l’attention sur le contenu de l’énoncé cité, en transférant non.

 

 
 
 
 
 

3.2. Validité de l’énoncé à t1

Si l’on adopte cette perspective, les deux facteurs suivants entrent en fait en jeu dans la "non-concordance" des temps :

1) la possibilité "matérielle", "objective", de valider l’énoncé à t1 : "il pleut" "Paul tousse" ou même "Paul dort" ont une durée de validité inférieure à "le climat se déterriore" ou "Paul est en vacances". C’est, à notre sens, la contrainte indiquée par Atlani à propos du discours hybride : la compatibilité des temps avec le nouveau repère, contrainte tout aussi valable, si ce n’est plus, pour le discours indirect non hybridé. En fait, dans le cas du discours hybride, la non-concordance des temps est une absence de transfert des repères de S0 dans ceux de S1, la zone entre guillemets indiquant ce changement de repérage au sein de l’énoncé. Dans le discours indirect, il s’agit d’un transfert, mais qui passe inaperçu parce qu’il n’affecte pas la forme prise par le verbe. L’énonciateur choisit de revalider le contenu de l’énoncé pour t1, alors que la concordance des temps lui permettrait de passer sous silence la validation (selon l’expression de Curat, il la présenterait alors comme "d’aucune nécessité liée au monde actuel").
2) le statut que E1 lui accorde : estime-t-il que c’est l’information principale ?10
Comment se comportent les énoncés de nos deux corpus de ce point de vue ? Nous distinguerons les énoncés maintenus au présent et au futur d’une part, à un temps du passé de l’autre.

 

 
 
 
 
 

3.2.1. Énoncé maintenu au présent ou au futur
3.2.1.1. Des exemples convergents

Nous considérerons le présent comme un temps "à noyau déictique" : il s’ancre dans t0 et peut couvrir une étendue plus où moins large autour de t0, son extension maximale étant atteinte dans les énoncés génériques. En ce qui concerne le premier facteur évoqué ci-dessus, le contenu de l’énoncé initial peut donc être techniquement validable à t1, dans la mesure où l’étendue que couvre le présent autour de t0 peut englober t1. 
Quant au futur, dont nous n’envisageons ici que la valeur temporelle, il présente un procès (p) comme à venir à t0 ; ce procès peut être toujours à venir à t1 (t0<t1<p), et le maintien d’un futur reste donc logiquement possible. Si en revanche l’avenir pour lequel il était prédit est antérieur à t1 (t0<p<t1), il ne peut plus être théoriquement maintenu au futur ; si le cas des temps est parallèle à celui des personnes, seul un discours hybride pourrait en théorie permettre son maintien au futur, puisque les guillemets ouvrent une zone énonciativement dépendante de S0. Mais nous n’avons rencontré cette possibilité dans aucun de nos deux corpus.
Les occurrences de maintien de ces temps dans notre corpus français et dans une partie du corpus africain correspondent clairement à ce cas de figure : on peut les analyser non comme une absence de transfert mais comme un "transfert invisible". Pour le présent, rien ne semble distinguer (15), (16), (17), exemples français, de (18), (19), (20) et (21), exemples maliens et ivoiriens :
(15) Le Ministre du buget, Nicolas Sarkozy, a rappelé que ce projet est indispensable pour "la transparence des finances communales" (Monde 29-30/5/94).

(16) M. Schwartzenberg, tête de liste, interrogé par Paul Amar sur A2, a répondu qu’il faut cesser de reculer devant la force et la duplicité des serbes (Monde 29-30/5/94).

(17) Dominique Baudis a expliqué qu’à Toulouse les employés communaux ne travaillent que 35 heures alors qu’à Conflans Michel Rocard applique encore les 39 heures (Libé 4051).

(18) [Ces commissions] ayant trouvé sans aucune réserve que ce projet de loi tient en compte et encourage la recherche [...] ont donné un avis favorable (m- ech220).

(19) Une situation presque prévisible aux yeux d’un "spécialiste" de l’Algérie qui affirmait, il n’y a pas longtemps, qu’il y a quatre logiques qui s’affrontent en Algérie (m-ech137).

(20) Nous avons toujours dit qu’on ne peut pas tout résoudre en une fois (m-ech221).

(21) Hier soir je disais à mes patrons que j’ai peur que des gens demain ne se suicident parce que le monde s’effondre à leurs pieds (ci- pat exp 1-7/9/92).

Il en est de même pour les exemples français et africains au futur suivants :
(22) Dans un communiqué, le Fonds [FMI] a indiqué que 389 millions de dollars seront immédiatement disponibles pour compenser la baisse des recettes d’exportation (Monde, 29-30/5/94).

(23) Le général Delic a également déclaré que le territoire de la Fédération croato-musulmane aura "la taille dessinée sur le champ de bataille" (Monde, 29-30/5/94).

(24) Jean Paul Huchon, proche conseiller de Michel Rocard, a déclaré, hier, que le prochain Bureau national du PS pourra examiner la demande de plusieurs personnalités socialistes [...] (Dép 27/5/94).

(25) Pour les crimes de sang, le Premier ministre a rassuré l’AEEM que les assassins seront poursuivis (m-ech139).

(26) À ce sujet, M. Konaré a révélé que le gouvernement s’attellera à trouver avec les partenaires sociaux les solutions qui s’imposent (m-ech220).

(27) Au nom de la Commission nationale pour l’Unesco, M. Drigba Vincent a annoncé que dans les années à venir l’alphabétisation sera une des priorités de l’institution qu’il représente (ci-fm8741).

Dans tous ces exemples, l’énoncé rapporté constitue l’information principale, le locuteur initial n’apparaissant généralement que comme une "autorité compétente", garant du sérieux de l’assertion : ce qui semble primer c’est moins que le ministre du budget, le maire de Toulouse, les commissions d’enquête, le FMI, le général Delic, M. Huchon ou le premier ministre du Mali se soient exprimés, que le contenu de ce qu’ils ont exprimé et dont ils ne sont que la caution : "ce projet est indispensable", "les employés communaux ne travaillent que 35 heures", "ce projet de loi tient en compte et encourage la recherche", "389 millions de dollars seront disponibles", etc. Dans le cas d’un énoncé au futur, ce phénomène nous paraît amplifié par le "pari" que constitue toute assertion d’un énoncé au futur (or, le FMI a le pouvoir de débloquer la somme, le général de juger de stratégie, le conseiller de Michel Rocard de peser sur les actions du PS, le premier ministre de définir la politique du gouvernement, etc.).

 

 
 
 
 
 

3.2.1.2. Particularités du corpus africain

À côté de ces exemples, notre corpus africain présente des particularités par rapport au corpus français : on rencontre des énoncés maintenus au présent alors qu’ils ne sont plus techniquement validables à t1, ou au futur alors qu’ils ne sont plus à venir à t1. Ainsi, pour le présent, on a (28) et (29) :
(28) J’attendais donc à la gare de trains d’éventuels clients. C’est là-bas qu’une femme est venue me trouver pour me demander d’aller transporter ses bagages. J’ai dit qu’il faut qu’on aille voir avant de juger le prix. Et nous sommes partis. (ci-5/28804, interview)

(29) Et effectivement quand ces personnes de bonne foi m’ont expliqué, je me suis dit qu’il y a de quoi prendre la plume (être leur porte-plume) pour passer le message (m- ech 139)

(29) pend place au milieu d’un article où le journaliste expose les raisons qui l’ont initialement poussé à écrire. Ce maintien d’un présent "périmé" à t1 peut même aller jusqu’à poser des problèmes de chronologie avec le maintien d’adverbiaux déictiques, comme en (30), puisque l’on ne sait pas si le présent est repéré par rapport à t0 ou à t1 : à partir de quel repère calculer la référence de "depuis 20 jours" ?
(30) en réponse au fleuve d’éloges qui l’inonda, Houphouët déclara à la face du monde qu’il est alité depuis vingt jours (ci-nh143).
De même, un certain nombre d’exemples paraissent déviants dans la mesure où, à t1, le futur n’est plus pertinent, le contexte l’atteste, comme ici :
(31) À la Conférence nationale il a été clairement dit que les crimes de sang seront jugés pendant la période de transition (m-ech139).
L’article est daté du 24 janvier, soit deux mois avant la fin d’une transition qui en a déjà passé dix ; le futur énoncé lors de la Conférence nationale, qui a inauguré la transition, était un pur futur ; "pendant la transition" contient, le 24 janvier, une forte part de passé, au point que les Maliens doutent de la réalisation de la promesse. Le maintien du futur est donc un engagement du locuteur, à laquelle fait écho la suite de l’énoncé : "nous ferons tout pour qu’ils soient jugés pendant la transition". L’exemple suivant, lui, a clairement dépassé la limite. Il est tiré d’un "rappel historique" des faits :
(32) Ainsi, les professeurs ont rassuré les élèves que s’ils ne font pas des TP, eux, ne dispenseront aucun cours théorique (m-ech 137).
Daté du 17 janvier 1992, l’article se conclut par : "Et les cours ont été arrêtés le 2 décembre". A t1 (17 janvier) un futur pour une menace mise à exécution le 2 décembre n’a donc plus de justification.11

 
De fait, tout se passe comme si, dans le corpus africain, la non- concordance des temps n’était plus seulement un transfert invisible dans S1 mais bien une absence de transfert, les temps restant repérés dans S012 On peut émettre l’hypothèse d’une fausse interprétation des phénomènes en jeu dans le modèle français, facilitée par les cas de non-transfert que représentent les occurrences de discours hybridé au moins en ce qui concerne les personnes.

 

 
 
 
 
 

3.2.2. Énoncé initial au passé
 

Le cas d’un énoncé initial à un temps du passé se démarque des précédents en ce que, si le procès est passé à t0, il l’est a fortiori à t1 : le maintien du temps ne pose donc pas les problèmes référentiels évoqués ci-dessus, la seule difficulté étant que, si le verbe introducteur est au même temps, l’antériorité des faits évoqués sur l’acte de rapport est gommée. Seuls se démarquent les énoncés au passé composé. En effet, ce temps indique que le procès est accompli tout en gardant, par ses implications ou ses conséquences, un intérêt pour t0. S’il est maintenu, il indique que le procès garde un intérêt pour t1, ce qui contribue à souligner que l’information principale n’est pas l’acte de rapport mais le contenu rapporté. C’est ce qui se passe aussi bien dans l’exemple français (33) qu’en (34), (35) et (36) où les deux segments de l’énoncé peuvent être considérés dans leur incidence sur t1 :
(33) Le commandant en chef de l’armée bosniaque [...] a affirmé dans un entretien à l’hebdomadaire Liljan que ses forces ont "créé les conditions réelles pour libérer plusieurs villes" de Bosnie (Monde 29-30/5/94)13.

(34) En définitive, tous les trois n’ont pas fait de difficulté pour reconnaître qu’ils ont bouffé Kalemun Augustin (ci-ivsoir 26/4/94).

(35) On s’est interrogé sur les raisons pour lesquelles les forces de l’ordre n’ont pas interdit la marche du 18 février quand elles ont vu que certains manifestants étaient armés (ci-ivsoir 24/2/92).

(36) S’agissant des prochaines élections de la C.A.F., notre interlocuteur nous a informé que pour la zone B, la nôtre, trois candidatures sont parvenues au siège de la C.A.F. (ci-fm8740).

Ces usages s’expliquent par la primauté du contenu rapporté et par la permanence de l’incidence du fait rapporté sur t1. Ainsi, en (34) la culpabilité intéresse plus le journaliste que son aveu ; en (35), la question, qui subsiste, prime sur le fait d’avoir été posée ; en (36), c’est le nombre de réponses parvenues à ce jour qui constitue l’information, comme en (33) l’état des forces sur le terrain.
Le maintien semble néanmoins moins naturel lorsque dans l’énoncé initial il sert à spécifier la cause d’un événement présenté comme contemporain de l’énonciation. En effet, dans l’énoncé rapporté, les temps sont nivelés donc cause et conséquence se retrouvent dépouillées de leur antériorité. C’est le cas dans les exemples français (37) et en (38), où l’événement au passé composé est présenté comme la cause du procés dont le jugement vient d’être rendu (37) ou est en cours (38) :
(37) À Nice, par contre, le parquet a estimé que Me Vergès est allé trop loin en accusant de "racisme" un magistrat (Dép 27/5/94).

(38) Je lui est (sic) bien expliqué pourquoi j’ai dû déposer plainte, et Domingo a reconnu ses torts en s’excusant (Libé 4041).

Pour (37) on peut avancer l’hypothèse que la justice ayant été rendue, "jurisprudence fait loi" :  "aller trop loin" n’est pas retenu comme la cause, événementielle, du procès et de la décision, mais comme une constatation sur le présent, assertable puisque la justice a statué. De même, en (38) on peut estimer que ce que le locuteur met en avant, c’est moins la chronologie de la procédure que son absence de malveillance, comme si celle-ci le justifiait non seulement à l’époque mais encore au moment de l’énonciation.

 
Des exemples vraiment déroutants, dans la mesure où l’incidence du procès sur t1 semble problématique, se retrouvent dans les corpus français et africains :
(39) Vendredi matin, une centaine de personnes ont empoigné le téléphone interne - qui fonctionne encore - pour s’assurer que parents et amis ont bien rejoint la foule déjà massée dans le grand hall (Libé 4051).
Dans cet article d’un envoyé spécial au Rwanda, non seulement la chronologie disparaît, mais l’assertion au passé composé est dépassée, ce temps n’est plus valide à t1, le procès ne semble avoir sur t1 aucune incidence puisque entre le moment des faits et la rédaction de l’article, tous les protagonistes ont été évacués dans un autre site, comme l’indique le début de l’article. De même, dans les exemples ivoiriens suivants, on voit mal quel est l’intérêt des faits rapportés pour t1, d’autant qu’en (41), l’idée ayant été rejetée - et c’est l’information majeure de l’article - elle n’a plus d’actualité à t1 :
(40) Le chef du village d’Ebilassokro, dans sa contribution au débat, a rappelé qu’en 1986, le préfet d’Abengourou est venu avec le sous-préfet dire aux populations de rester en place (ci-nh143)

(41) Le ministre de la Santé a rappelé toutefois que le gouvernement a déjà envisagé le retour au budget général de tous les EPN non rentables, mais que ce n’est pas le cas des EPN sanitaires (ci-fm8740)

Ici, si des écarts existent, ils semblent donc autant concerner la presse française que la presse malienne et ivoirienne14.
3.3. Validation et prise en charge
Nous venons de voir que le maintien des temps initiaux constitue une revalidation de l’énoncé à t1, ce qui contribue à en faire, énonciativement, la principale. Il semblerait normal que cette validation s’accompagne de la prise en charge de son contenu par E1 : si l’énonciateur est en désaccord ostensible avec le locuteur dont il rapporte les propos, il est probable que ce qui l’intéresse est moins de redonner et de revalider le contenu des propos que d’exprimer son désaccord ; le focus devrait donc moins être sur le propos que sur l’acte de rapport, et le transfert devrait s’accomplir. Cf. :
(42) Galilée a dit que la terre tourne autour du soleil.

(43)  ?? Les anciens ont soutenu que la terre est plate.

Mais il est difficile de vérifier ce fait dans notre corpus français : les journalistes évitant les marques de leur subjectivité préfèrent des verbes introducteurs neutres15. En revanche, ce qui est théoriquement paradoxal, dans le corpus africain, on trouve des cas de maintien du présent et au passé composé alors que le rapporteur affiche un désaccord avec le locuteur initial (nous mettons en italiques les indices de non-adhésion du rapporteur à l’énoncé rapporté) :
(44) ils ont tous claironné qu’il n’est pas question pour eux d’assumer une quelconque responsabilité pénale d’actes qu’ils n’ont pas commis (m-ech220).

(45) Son origine [du virus du zona] est très mal connue. On a même dit qu’il est apparenté au virus de la varicelle (m-ech220).

(46) Donc, je tiens à le signaler et parce que particulièrement un organe ou des organes de presse ont dit que la partie civile a dit qu’elle n’intervenait plus jusqu’ici à ce que ses propres témoins arrivent. Ce n’est pas du tout cela. (m-ech 220, avocat de la partie civile)16.

(47) La semaine dernière, on s’en souvient, les choses sont allées trop loin lorsque les avocats de la défense ont insinué que les morts ne sont pas morts (m-ech 220).

(48) Par ailleurs, quand ils nous ont dit qu’ils ont mis plus de deux heures pour retrouver le corps, alors que l’enfant était métis (mulâtre) et habillé d’un tee-shirt blanc, nous nous sommes demandé pourquoi tant d’heures. (ci-nh145).

3.4. Hétérogénéité
Enfin, on remarque une pratique frappante : le traitement différent apporté soit à la principale et aux subordonnées de l’énoncé initial, soit à diverses subordonnées de discours rapporté pour lesquelles les prédications ne semblent pourtant pas présenter des degrés différents de validité au moment de l’énonciation seconde. Tout se passe comme si chaque subordonnée faisait l’objet d’un traitement indépendant. Respectivement, les exemples (49), (50) et (51), (52), (53) l’illustrent. En (49) et (50), alors que les subordonnées de rang 1 voient leurs temps transférés, celles de rang 2 et 3, qui dépendent d’elles, sont validées pour t1 :
(49) Elles m’ont expliqué {qu’elles étaient en proie à une déprime sans nom [depuis qu’elles ont appris (que GMT se porte très bien et a retrouvé le sourire)]} (m-ech 142).

(50) D’ailleurs, il a fait savoir {qu’il se présenterait aux prochaines élections présidentielles (si cela l’intéresse)}. (ci- nh138).

En (51), (52), (53) et (54), on a une série de subordonnées de DI qui ne relèvent pas toutes de la même stratégie :
(51) Tout est parti du jour où la commission [...] a rendu son rapport. La commission a conclu[qu’elle n’a pas eu la preuve qu’il y ait eu des morts] mais par contre [il y avait eu des cas de "torture" et de "viol"] et [que le responsable était le chef d’état major de l’armée] (ci- ivsoir 24/2/92).

(52) La semaine dernière Duakon est venue chez moi et m’a demandé ce que j’utilisais pour être attirante. J’ai répondu simplement [que je n’avais pas de médicament mais c’est parceque je suis belle]. Depuis la fâcheuse réponse elle ne nous adresse plus la parole [...] (ci-ivsoir 31/3/92).

(53) On a entendu çà et là des hauts fonctionnaires, des personnalités politiques et gouvernementales jurant, la main droite sur le coeur, [que tout était fin prêt] ; [que rien n’a été laissé au hasard] ; [que les échéances fixées seront respectées vaille que vaille] (m-ech143).

(54) En janvier, le 16, il a informé son collègue de l’administration territoriale [que c’est le moment* d’une confrontation intellectuelle] et [qu’il fallait s’interdire la dissolution des associations] (m-ech220) [* l’article est daté du 16 décembre, soit 11 mois plus tard…].

Ce fonctionnement, ainsi que le maintien du temps avec non-prise en charge de l’énoncé par le rapporteur ou même en cas de non pertinence du temps à t1, suggère que le maintien ou non des temps pourrait ne constituer qu’une variante formelle, sans différence d’interprétation notable. La frontière entre discours indirect et discours hybride semble ainsi s’estomper, le traitement des repères personnels étant le point de partage essentiel, du moins pour cette variété.

 

 
 
 
 
 

4. Conclusion provisoire

Si l’on compare des usages apparentés en français central et dans les deux pays qui nous intéressent, on s’aperçoit que la nature des écarts s’infléchit. Certes, le discours indirect présente des particularités dans notre corpus malien et ivoirien. Mais, d’une part, il faut distinguer entre personnes et temps ; d’autre part, l’absence de concordance des temps ne constitue qu’un écart partiel.
En ce qui concerne les personnes, le maintien d’un repérage dans S0 ne s’effectue en effet que dans le cadre du discours hybride, ce qui est conforme à la pratique centrale. Nous avons suggéré comment ce fait peut, selon nous, servir de point de départ à une comparaison des sociolectes et des pratiques orales et écrites.
En ce qui concerne les temps, ce n’est pas l’absence de concordance des temps qui constitue en soi un écart, mais les latitudes d’application qui lui sont données. En français central, et pour un énoncé maintenu au présent ou au futur, elle se cantonne aux cas où le contenu de l’énoncé est toujours assertable à t1 ; elle correspond donc à un transfert effectif dans S1 mais masqué, " invisible " ; en outre, cette possibilité ne semble exploitée qu’en l’absence d’indices de non-adhésion du rapporteur avec le contenu de ce qu’il rapporte. En revanche, dans notre corpus africain, en dehors de nombreux cas " canoniques ", on rencontre cette possibilité pour des énoncés qui ne sont plus valides à t1 et qui donc correspondent à un maintien du repérage dans S0. Les raisons de cet écart restent à approfondir, mais l’on peut faire l’hypothèse que, à côté d’éventuels faits d’interférence avec le substrat, l’ambiguïté des énoncés à " transfert masqué " sert au moins de catalyseur, et ce d’autant plus que les énoncés au passé composé, du fait sans doute de leur double perspective (accompli avec ancrage dans t0), semblent avoir déjà franchi en français central la frontière entre les deux stratégies.

 

 
 




Bibliographie

ATLANI Françoise (1981). Approche linguistique du fonctionnement discursif : un exemple, la presse écrite, Paris VII, Thèse dirigée par A. Culioli.
CURAT Henri (1991). Morphologie verbale et référence temporelle en français, Genève : Droz.
DAGNAC Anne (1996). Français d’Afrique, norme, variation : le cas de la presse écrite en Côte d’Ivoire et au Mali, Toulouse, Thèse (N.R.) dirigée par X. Ravier.
GREVISSE M., GOOSE A. (1993). Le Bon Usage, Paris/Louvain : Duculot (13ème édition).
LE GOFFIC Pierre (1993). Grammaire de la phrase française, Paris : Hachette Université.
PERRET Michèle (1994). L’Énonciation en grammaire du texte, Paris : Nathan Université.
PRIGNITZ Gisèle (1996). Aspects lexicaux, morphosyntaxiques et stylistiques du français parlé au Burkina Faso (période 1980-1996), Paris III, Thèse (N.R.) dirigée par S. Lafage et M.A. Morel.
VETTERS Carl (1996). Temps, aspect, narration, Amsterdam : Rodopi.

Journaux du corpus

Outre les journaux africains, ont été utilisés des articles de Libertitres, un mensuel français éditant une sélection de la presse africaine, qui a malheureusement interrompu sa parution.

Côte d’ivoire :
Le Nouvel Horizon : n° 143 (11/06/1993), n° 144 (18/06/1993), n° 145 (25/06/1993). Fraternité Matin : n° 5.419 (11/11/1982), n° 8.740 (25/11/1993), n° 8.741 (26/11/1993), n° 8.742 (27-28/11/1993). Ivoire Dimanche : n° 978 (5/11/1989).

Ainsi que les articles ivoiriens parus dans Libertitres n° 10 (03/1992), n° 11 (04/1992) , n° 12 (05/1992),  n° 15 (09/1992),  n° 16 (10/1992), n° 23 (05/1993), n° 24 (06/1993) et tirés de :
Ivoir’Soir (14/2/1992), (31/3/1992), (13 et 28/7/1992), (5/8/1992), (30/8/1992), (3/9/1992), (19/8/1992), (17/8/1992), (26/8/1992), (2/9/1992), (8/4/1993), (19/4/1993), (23-25/4/1993), (26/4/1993), (25/5/1993), (18/5/1993) ;
Fraternité Matin (1-2/8/1992), (9/7/1992), (14/7/1992), (26/8/1992), (4/6/1993) ; 
Notre Temps (10/3/1992) ; La Voie (18/7/1992) ; Le Patriote Express (7/09/1992) ; La Nouvelle Presse (13/5/1993).

Mali :
Les Échos : n° 133 (3/01/1992), n° 137 (17/01/1992), n° 138 (21/01/1992), n° 139 (24/01/1992), n° 142 (3/02/1992), n° 143 (7/02/1992), n° 144 (10/02/1992), n° 145 (14/02/1992), n° 219 (14/12/1992), n° 220 (16/12/1992), n° 221 (18/12/1992). Aurore : n° 209 (03/06/1993). L’Essor n° 12519 (23/7/93), n° 12517 (21/7/93). Le Nouvel Horizon n° 136 (23/4/93).

Ainsi que les articles maliens parus dans Libertitres n° 9 (02/1992), n° 11 (04/1992), n° 15 (09/1992) , n° 16 (10/1992), n° 24 (06/1993) et tirés de L’Essor (19/12/1991), (13/3/1992), (10/9/1992) ; Jamana (12/91-02/1992) ; Cauris Hebdo (18-24/7/92) ; Les Échos (7/8/92), (14/8/1992), (13/5/1993) ; Le Républicain (12/5/1993).

France :
La Dépêche du Midi : n° 16.679 (27/5/1994), n° 16.966 (10/03/1995), n° 17.113 (6/08/1995). Libération : n° 4051 (28/5/1994), n° 4303 (20/03/1995), n° 4422 (7/08/1995). Le Monde : (29-30/5/1994), n° 15.538 (10/01/1995)


1Nous ne nous intéressons pas ici à ce phénomène. Sur l’interrogation indirecte, voir Dagnac (1996 : 292-297)
2Pour le détail des études antérieures, voir Dagnac (96 : 290-291). Les explications ne vont pas d’ailleurs parfois sans quelque contradiction : pour le Congo, les analyses de Champion (1974) et de Makouta Mboukou (1973), tout en alléguant toutes deux l’interférence, y décèlent des faits opposés.
3Il peut d’ailleurs s’agir de DI proprement dit (Verbe introducteur régissant une subordonnée, conjonctive ou infinitive) ou d’un procédé intermédiaire entre discours narrativisé et DI, l’ilôt de DD s’insérant alors généralement dans un constituant qu’il glose et développe.
4Dans les exemples, c’est nous qui soulignons. Les références aux journaux se lisent : titre abrégé, date ou numéro d’édition, page ; " m- " signifie Mali, " ci - " Côte d’Ivoire.
5Dans ces deux derniers exemples, la fluidité des procédés mis en œuvre dans le processus de réécriture apparaît dans les va-et-vient entre stratégies : pour (6), ouverture au DI (a estimé que) avec passage du lien causal (relevant de l’énoncé initial) au DD donc hybridation, puis apparition d’une incise de DD, le tout s’accompagnant d’un certain flottement typographique. Pour (7), la coquille suggère que la relative relève de la réécriture du journaliste à partir de : selon eux " elle vient… ", il s’oriente alors vers un autre type d’hybridation (" selon eux "), avant de changer de stratégie pour citer en DD la fin de la phrase.
6Nous ne nous pencherons pas ici sur ce phénomène de double subordination, qui n’est pas isolé.
7Le seul cas apparemment déviant trouvé dans notre corpus émane d’un collaborateur occasionnel au journal, qui ressortit de toute évidence d’un sociolecte différent :

Ces erreurs, ajoute-t-il, si elles étaient décelées (...), nous nous ferons le devoir et la bonne foi d’attirer l’attention de nos dirigeants sur leurs conséquences. Et d’ajouter que nous avons foi à la nouvelle formule de démocratie même si des balbutiements et des velléités actuelles font qu’elle tarde cette démocratie à être totale et parfaite. (m-aur 230) Le discours est celui d’un responsable de la jeunesse CNID, et le "nous" employé ailleurs dans l’article, au DD, peut se gloser pas " nous, membres du CNID". Il n’est pas exclu que le rapporteur, bien qu’il ne se présente absolument pas comme tel, soit membre de cette organisation et s’approprie le "nous" : le "nous = je0 + vous0" de l’orateur deviendrait sous sa plume un "nous = je1 + eux", auquel cas il y aurait bien transfert, quoiqu’il passe inaperçu. L’hypothèse qu’il soit un "nous, maliens", en revanche, est rendue très peu probable par le contexte, relativement obscur, il est vrai. L’exemple est discutable, et trop isolé pour permettre autre chose qu’une hypothèse, mais il y a peut-être là une piste à creuser.
8Les remarques de Prignitz (1996 : 291 et 342-344) sur que (+ pause) pourraient aller dans ce sens, mais ne sont pas suffisamment centrées sur ce qui nous intéresse pour que nous puissions en tirer des conclusions.
9Un verbe introducteur au présent ne pose pas de problème de transfert, puisqu’il feint une coïncidence de t0 et de t1. Dans la presse, un verbe introducteur au futur est une sorte d’énallage ; nous n’étudierons pas ici ce cas particulier d’ailleurs très peu représenté dans nos corpus.
10La neutralité des verbes introducteurs, l’écrasante majorité des passés composés, et l’alternance quasi-systématique de ces structures avec des propos rapportés en DD semblent aller dans ce sens.
11Il n’est peut-être pas accidentel que cet exemple, particulièrement frappant, ait pour verbe introducteur "rassurer que" : nous avons mis en doute ailleurs (Dagnac 1996 : 270-289) la nature syntaxique de la subordination en que dans ce type de constructions. Ce point mériterait une étude plus approfondie.
12Si ce phénomène dépassait le cadre des deux pays que nous étudions, on en aurait un indice net avec cet exemple burkinabè, dans un journal daté du 16 juin :
Le camarade Adama Drabo a fait comprendre qu’aujourd’hui 5 juin est un grand jour pour les militants du Passoré (Sidwaya 30848, 2)
13L’exclusion de l’auxiliaire des guillemets nous paraît d’ailleurs paradoxale : l’énoncé initial nous paraît difficile au présent et seul le passé composé semble probable ; elle se comprendrait donc, justement, en cas de transfert au plus-que-parfait. Cela pourrait être un signe que le journaliste est conscient du transfert qu’il effectue malgré l’apparente similarité des temps.
14En se situant dans une perspective différente de la nôtre, celle de Vetters (1996 : 57-75), on pourrait dire que dans le corpus français, présent et futur ont des emplois exclusivement absolus-relatifs alors que dans le corpus africain ils ont des emplois relatifs (sens étroit) ; le passé composé, lui, aurait des emplois relatifs (sens étroit) dans les deux corpus.
15D’autant que le discours hybride leur permet de laisser la responsabilité de la validation à t0 au locuteur initial.
16Sans compter ici l’effacement de la chronologie des débats…