TEMPS ET PERSONNES EN DISCOURS INDIRECT :
LES LIMITES D’UN AFRICANISME
Anne Dagnac
Université de Nantes
Dans la vaste entreprise que constitue l’étude
des écarts présentés par diverses variétés
sociolectales et nationales du français en Afrique subsaharienne,
l’heure est aujourd’hui à la confrontation et à l’affinage
des résultats, en particulier dans le domaine morphosyntaxique.
Nous voudrions apporter ici notre contribution à cette description,
en revenant sur certains aspects d’un écart fréquemment mis
en évidence, pour des pays et des sociolectes variés : l’absence
de transfert des temps et des pronoms déictiques en discours indirect.
Nous nous appuyons sur un corpus de presse écrite nationale, issu
de deux pays voisins mais aux situations contrastées, la Côte
d’Ivoire et le Mali. Ce corpus présente, selon nous, l’intérêt
d’être assez homogène et de correspondre à la norme
acrolectale locale. Nous allons tenter de montrer comment l’écart
par rapport au français central, quoique réel, est plus limité
et plus précis qu’on ne le dit généralement.
1. Les données du problème
En français central, on dispose de deux stratégies
principales pour rapporter des propos antérieurs, le discours direct
et le discours indirect, généralement décrites de
la manière suivante.
Soient respectivement E0 et E1 l’énonciation
initiale et l’énonciation " rapportante ", S0 et S1 les situations
d’énonciation correspondantes :
en discours direct (DD) :
- l’énoncé initial est repris sans
subir de subordination syntaxique ; ceci lui permet de conserver ses formes
de phrase initiales ;
- les repères énonciatifs de E0 sont
fictivement maintenus, personnes et temps se définissent par rapport
à eux ;
en discours indirect (DI) :
- le contenu de l’énoncé initial subit
une subordination syntaxique ; les éventuelles modalités
de phrase sont prises en charge par le sémantisme du verbe introducteur1
;
- temps et personnes sont repérés
dans S1 et non plus dans S0.
Or, notre corpus présente plusieurs cas pour
lesquels l’énoncé cité prend place dans une subordonnée
de DI tandis que ses temps et personnes restent apparemment repérés
par rapport à S0 : en d’autres termes, les deux stratégies
de rapport semblent se "court-circuiter". Ce fait n’a rien d’unique : il
a été relevé par pratiquement toutes les études
antérieures portant sur des variétés orales ou des
copies d’élèves, pour des pays africains variés, et
plusieurs d’entre elles précisent que cette caractéristique
se retrouve dans les productions de locuteurs lettrés. Cet écart
est assez généralement justifié par des phénomènes
d’interférence avec les langues des substrats respectifs, soit que
les transformations y soient moins complexes qu’en français, soit
qu’elles présentent des structures de DI sans transfert, soit qu’elles
ne connaissent pas d’équivalent au DI ou encore qu’à côté
de structures parallèles au français elles disposent de possibilités
d’hybridation2. Notre
propos n’est pas de nous prononcer sur ces explications : d’une part nous
en serions bien incapable ; d’autre part ces écarts semblent panafricains,
ce qui obligerait à comparer l’ensemble des substrats ; enfin, il
nous semble que la validité des explications ne peut être
éprouvée qu’à partir d’une description plus précise
de l’écart, seule à même de repérer les points
d’action exacts de l’interférence.
Mais la notion d’écart appelle une question non
négligeable : pour identifier une particularité dans
un usage africain, faut-il comparer ce dernier à la norme académique
du français central ? Ou bien faut-il confronter cet usage africain
à des usages français équivalents ? C’est la seconde
voie que nous avons suivie, en étudiant parallèlement les
faits de DI dans notre corpus africain et dans la presse française.
Or, l’usage français observé n’est pas exactement conforme
aux mécanismes décrits plus haut, car il fait intervenir
deux facteurs non pris en compte par les descritpions des grammaires courantes
: d’une part, la possibilité d’hybrider, sous certaines conditions,
les deux stratégies de rapport ; d’autre part, le jeu, dans le transfert
ou non des temps, de paramètres énonciatifs.
2. Personnes et discours hybrides
2.1. En France
L’existence, dans la presse française, de "formes
hybrides de discours rapporté" a été mise en lumière
par F. Atlani (1981). Parmi celles-ci, elle décrit des énoncés
débutant par une complétive de DI, immédiatement suivis
d’une zone typographiquement identifiée (guillemets, italiques)
correspondant à du DD. Ainsi, à côté de (1)
et (2), on peut rencontrer (3) :
(1) Il déclare : "Paul est
venu" (DD).
(2) Il déclare que Paul est
venu (DI).
(3) Il déclare que "Paul est
venu" (DH).
Elle précise néanmoins que ce procédé
n’est possible que lorsque le discours rapporté ne comporte pas
de pronoms déictiques de 1re ou 2eme personne (shifters) et que
les temps du discours initial sont compatibles avec la nouvelle situation
d’énonciation. Dans le cas contraire, dit-elle, "le journaliste
translate le terme et le place hors des guillemets ; par ce moyen, E affirme
la vérité (logique) du discours rapporté, qu’il présente
au lecteur comme "objectif"".
Nous reviendrons sur l’emploi des temps. En ce qui concerne
les personnes, il semble que la contrainte décrite par Atlani soit
trop restrictive. En effet, un dépouillement de presse française
montre que ce type de "discours hybride" est utilisé sans contrainte
de personne, autrement dit qu’un énoncé rapporté d’abord
sous forme de DI3 peut se
poursuivre par une ouverture de guillemets à l’intérieur
desquels les repères énonciatifs sont ceux de S0. C’est le
cas pour (4) et (5):
(4) Bernard Henri Lévy a rendu
un hommage particulièrement appuyé [à Valéry
Giscard d’Estaing]
en indiquant, sur TF1, que " si la ligne défendue
par Jean-François Deniau et Valéry Giscard d’Estaing avait
prévalu, notre
liste n’existerait pas " (Monde, 29-30
/5/94, 7)4.
(5) Pour sa part, Nidoish Nasseline,
président de la province des Iles, notait avec satisfaction,
à l’issue de la réunion, qu’" à la différence
des accords de Matignon, dont le processus avait été enclenché
depuis la métropole, cette fois-ci, c’est nous qui prenons
l’initiative " (Monde, 30/12/97).
Ce changement de stratégie peut d’ailleurs se
faire en cours de rapport, une partie de l’énoncé rapporté
étant paraphrasée en DI, l’autre citée en DD. Cela
est assez fréquent pour des énoncés secondaires (coordonnés
ou subordonnés) dont seul le contexte permet de savoir si le lien
avec le fragment précédent relève de l’énonciateur
initial ou du rapporteur, comme en (6) et (7) :
(6) Dominique Bazy, membre du comité
exécutif du Crédit Lyonnais, a estimé que la
banque risquait de récupérer moins des deux tiers de sa créance,
"
car nous sommes en concurrence avec d’autres créanciers,
notamment le fisc qui passe actuellement en premier dans les cas de recouvrement
des dettes ", a-t-il dit (Dép, 27/5/94, 2).
(7) Les anciens casques bleus (...)
ont adressé une lettre ouverte à Bernard Henri Lévy,
dans laquelle ils dénoncent " la surenchère médiatique
à propos de la guerre dans l’ex-Yougoslavie ", qui selon
euxelle (sic) " vient d’atteindre son point culminant avec votre
intention de créer une liste européenne pour la Bosnie" (Dép,
27/5/94, 2)5.
La seule contrainte effectivement respectée par
les journalistes est donc le signalement du changement de stratégie
par des repères typographiques qui indiquent l’ouverture d’une zone
énonciativement autonome.
2.2. Dans le corpus africain
Le repérage des personnes dans S0 chez nos journalistes
maliens et ivoiriens ne représente donc pas une particularité
par rapport à l’usage de leurs homologues français. En effet,
il s’effectue toujours à l’intérieur d’une zone typographiquement
délimitée, comme le montrent les exemples suivants :
(8) Certains avertissent que
"si les criminels ne sont pas interpellés, nous serons obligés
de faire la justice populaire". (m-ech 139)
(9) Sambou affirme que "la Cour
Maritale (sic !) aurait pu nous éviter la Cour d’Assisses"
et que s’il avait été "écouté que6
ce procès aurait pris une autre coloration". (m-ech220)
(10) Après maintes explications
sur les efforts entrepris, il dit être troublé, ne pas connaître
le responsable, et surtout "qu’en aucun cas, la solidarité
gouvernementale qui n’est que politique ne peut engager ma responsabilité
pénale". (m- ech 220)
(11) Le ministre des Affaires étrangères
du Cameroun, M. Ferdinand Oyono, pense que "Nous ne nous situons
pas dans une logique de succession des influences." (ci-fm 4/6 : 93)
(12) La déclaration du ministre
Coréen note que c’est un "acte de violation de la souveraineté
de notre République" (...) (m- aur 230)
D’autres cas se rapprochent de (6) et (7) :
(13) il affirme avoir encouragé
Djibril Diallo à tenir le coup car "si nous n’allons pas
à la démocratie et au multipartisme nous sommes foutus".
(m-ech220)
(14) Le responsable du syndicat s’est
étonné (...) de ce qu’il a estimé être
une volte face du PDG "qui nous a annoncé qu’il était
avec nous même s’il a refusé de participer à l’AG du
8 juillet". (m-ess12518)
Dans le corpus français comme dans le corpus
africain, il s’agit donc à chaque fois non d’une absence transfert
des déictiques dans S1 mais d’un changement conscient de stratégie
de rapport, typographiquement marqué : le rapporteur remanie le
discours qu’il rapporte mais tient à donner un effet de fidélité,
notamment dans l’exposé des causes d’un jugement. Sur ce point et
pour cette variété, s’il peut s’agir d’un écart par
rapport à la norme académique, cela n’en est plus un par
rapport aux usages apparentés en France.
Quant aux autres usages, plusieurs hypothèses
se dessinent. Les exemples donnés par les autres études relèvent
en général de sociolectes différents (basilectaux
ou mésolectaux), et ne donnent aucune marque paralinguistique, en
particulier dans les copies d’élèves en cours d’apprentissage
: il peut donc s’agir réellement d’une absence de transfert (et
non d’un choix conscient de stratégie), et l’on pourrait avoir là
un trait de partage entre plusieurs variétés sociales de
français en Afrique7.
Pour ce qui est des usages oraux, qu’il faudrait en
outre différencier par sociolectes, il faudrait vérifier
si un intonème ne joue pas le rôle de démarcateur endossé
à l’écrit par les guillemets, auquel cas la possibilité
d’avoir à l’oral un discours hybridé ne serait pas exclue.
Il faudrait vérifier ce point à la fois pour les variétés
orales africaines et pour le français central. On pourrait ainsi
avoir : 1) intonème en France et en Afrique : pas d’écart
africain, pas de distinction oral / écrit, 2) pas d’intonème
en France ni en Afrique : pas d’écart africain, même distinction
oral/écrit, 3) intonème en France et pas en Afrique : écart
africain dans la distinction oral/ écrit, etc8.
3. Transfert des temps et stratégies
énonciatives
3.1. La "concordance des temps"
Les études antérieures s’appuient sur
une approche traditionnelle du comportement des temps en discours indirect,
qui veut que, dans un discours indirect introduit par un verbe passé9,
s’effectue par servitude grammaticale une concordance automatique des temps,
exception faite des énoncés de "vérité générale"
du type Galilée disait que la terre tourne autour du soleil.
Cette approche est celle que l’on retrouve, à quelques nuances près,
dans la plupart des manuels et grammaires courants (y compris Grevisse,
1993), cf. :
Si le verbe introducteur est au passé,
le DI est à l’imparfait pour rendre le présent du DD, plus-que
parfait pour les passés, conditionnel pour les futurs. Cependant,
la concordance peut ne pas se faire pour le présent de vérité
générale [...] (Perret, 1994 : 106).
C’est par rapport à ce type de constatations
qu’est identifiée la particularité du "non-transfert" des
temps. Or, il semble qu’il faille en fait modifier la perspective : le
maintien ou non du temps initial dans la subordonnée ne dépend
pas d’une vérité a priori qui serait inhérente à
l’énoncé rapporté (et d’ailleurs souvent difficile
à évaluer), mais de l’intention et du point de vue de l’énonciateur
rapportant : c’est lui qui choisit de laisser par exemple les propos au
présent s’il veut les présenter comme valides à t1,
ce qui a pour conséquence de diriger l’éclairage sur le contenu
de l’assertion. En revanche, si la validité de l’assertion au moment
où il la rapporte ne l’intéresse pas, ou s’il la dément,
le transfert au passé aura bien lieu. Dans le cas du transfert au
passé, selon Curat (1991 : 219) :
[Cette idée regardante] a
pour effet que le procès représenté ne dit plus, du
point de vue de L [= le rapporteur] une vérité sur le monde
actuel, mais une vérité sur le monde tel que le conçoit
l’agent de cette déclaration. Or, pour le locuteur L, cette conception
du monde par un autre n’est d’aucune nécessité liée
au monde actuel.
On peut rattacher cette approche de celle de Port-Royal,
que rappelle Le Goffic (1993 : 257) :
[...] dans un énoncé
comme : Tous les philosophes nous assurent que les choses pesantes tombent
d’elles-mêmes en bas (...)
il n’est pas possible de savoir au
compte de qui doit être portée l’affirmation les choses pesantes
tombent d’elles-mêmes en bas. Ce peut être au compte
- du locuteur (sujet de l’énonciation)
; dans ce cas Tous les philosophes nous assurent… n’est qu’une "proposition
incidente" (c’est à dire une proposition subordonnée), rattachée
comme une modalité à la "proposition principale" qu’est alors
la proposition en que,
- des philosophes (sujet de l’énoncé)
: le locuteur peut alors très bien exprimer un désaccord
[...]. Dans ce cas, tous les philosophes nous assurent… est la "proposition
principale" (incluant la proposition en que en tant qu’une partie de son
prédicat).
Dans le cas d’un verbe introducteur au passé,
le maintien d’un présent ou d’un futur correspondrait à la
première interprétation, le transfert au passé ou
au conditionnel à la seconde. En l’absence de transfert, on focalise
l’attention sur le contenu de l’énoncé cité, en transférant
non.
3.2. Validité de l’énoncé
à t1
Si l’on adopte cette perspective, les deux facteurs
suivants entrent en fait en jeu dans la "non-concordance" des temps :
1) la possibilité "matérielle", "objective",
de valider l’énoncé à t1 : "il pleut" "Paul tousse"
ou même "Paul dort" ont une durée de validité inférieure
à "le climat se déterriore" ou "Paul est en vacances". C’est,
à notre sens, la contrainte indiquée par Atlani à
propos du discours hybride : la compatibilité des temps avec le
nouveau repère, contrainte tout aussi valable, si ce n’est plus,
pour le discours indirect non hybridé. En fait, dans le cas du discours
hybride, la non-concordance des temps est une absence de transfert des
repères de S0 dans ceux de S1, la zone entre guillemets indiquant
ce changement de repérage au sein de l’énoncé. Dans
le discours indirect, il s’agit d’un transfert, mais qui passe inaperçu
parce qu’il n’affecte pas la forme prise par le verbe. L’énonciateur
choisit de revalider le contenu de l’énoncé pour t1, alors
que la concordance des temps lui permettrait de passer sous silence la
validation (selon l’expression de Curat, il la présenterait alors
comme "d’aucune nécessité liée au monde actuel").
2) le statut que E1 lui accorde : estime-t-il que
c’est l’information principale ?10
Comment se comportent les énoncés de nos
deux corpus de ce point de vue ? Nous distinguerons les énoncés
maintenus au présent et au futur d’une part, à un temps du
passé de l’autre.
3.2.1. Énoncé maintenu au présent
ou au futur
3.2.1.1. Des exemples convergents
Nous considérerons le présent comme un
temps "à noyau déictique" : il s’ancre dans t0 et peut couvrir
une étendue plus où moins large autour de t0, son extension
maximale étant atteinte dans les énoncés génériques.
En ce qui concerne le premier facteur évoqué ci-dessus, le
contenu de l’énoncé initial peut donc être techniquement
validable à t1, dans la mesure où l’étendue que couvre
le présent autour de t0 peut englober t1.
Quant au futur, dont nous n’envisageons ici que la valeur
temporelle, il présente un procès (p) comme à venir
à t0 ; ce procès peut être toujours à venir
à t1 (t0<t1<p), et le maintien d’un futur reste donc logiquement
possible. Si en revanche l’avenir pour lequel il était prédit
est antérieur à t1 (t0<p<t1), il ne peut plus être
théoriquement maintenu au futur ; si le cas des temps est parallèle
à celui des personnes, seul un discours hybride pourrait en théorie
permettre son maintien au futur, puisque les guillemets ouvrent une zone
énonciativement dépendante de S0. Mais nous n’avons rencontré
cette possibilité dans aucun de nos deux corpus.
Les occurrences de maintien de ces temps dans notre
corpus français et dans une partie du corpus africain correspondent
clairement à ce cas de figure : on peut les analyser non comme une
absence de transfert mais comme un "transfert invisible". Pour le présent,
rien ne semble distinguer (15), (16), (17), exemples français, de
(18), (19), (20) et (21), exemples maliens et ivoiriens :
(15) Le Ministre du buget, Nicolas
Sarkozy, a rappelé que ce projet est indispensable pour "la
transparence des finances communales" (Monde 29-30/5/94).
(16) M. Schwartzenberg, tête
de liste, interrogé par Paul Amar sur A2, a répondu qu’il
faut
cesser de reculer devant la force et la duplicité des serbes (Monde
29-30/5/94).
(17) Dominique Baudis a expliqué
qu’à Toulouse les employés communaux ne travaillent
que 35 heures alors qu’à Conflans Michel Rocard applique
encore les 39 heures (Libé 4051).
(18) [Ces commissions] ayant trouvé
sans aucune réserve que ce projet de loi tient en compte
et encourage la recherche [...] ont donné un avis favorable (m-
ech220).
(19) Une situation presque prévisible
aux yeux d’un "spécialiste" de l’Algérie qui affirmait, il
n’y a pas longtemps, qu’il y a quatre logiques qui s’affrontent
en Algérie (m-ech137).
(20) Nous avons toujours dit qu’on
ne peut pas tout résoudre en une fois (m-ech221).
(21) Hier soir je disais à mes
patrons que j’ai peur que des gens demain ne se suicident parce
que le monde s’effondre à leurs pieds (ci- pat exp 1-7/9/92).
Il en est de même pour les exemples français
et africains au futur suivants :
(22) Dans un communiqué, le
Fonds [FMI] a indiqué que 389 millions de dollars seront
immédiatement disponibles pour compenser la baisse des recettes
d’exportation (Monde, 29-30/5/94).
(23) Le général Delic
a également déclaré que le territoire de la Fédération
croato-musulmane aura "la taille dessinée sur le champ de
bataille" (Monde, 29-30/5/94).
(24) Jean Paul Huchon, proche conseiller
de Michel Rocard, a déclaré, hier, que le prochain Bureau
national du PS pourra examiner la demande de plusieurs personnalités
socialistes [...] (Dép 27/5/94).
(25) Pour les crimes de sang, le Premier
ministre a rassuré l’AEEM que les assassins seront poursuivis
(m-ech139).
(26) À ce sujet, M. Konaré
a révélé que le gouvernement s’attellera à
trouver avec les partenaires sociaux les solutions qui s’imposent (m-ech220).
(27) Au nom de la Commission nationale
pour l’Unesco, M. Drigba Vincent a annoncé que dans les années
à venir l’alphabétisation sera une des priorités
de l’institution qu’il représente (ci-fm8741).
Dans tous ces exemples, l’énoncé rapporté
constitue l’information principale, le locuteur initial n’apparaissant
généralement que comme une "autorité compétente",
garant du sérieux de l’assertion : ce qui semble primer c’est moins
que le ministre du budget, le maire de Toulouse, les commissions d’enquête,
le FMI, le général Delic, M. Huchon ou le premier ministre
du Mali se soient exprimés, que le contenu de ce qu’ils ont exprimé
et dont ils ne sont que la caution : "ce projet est indispensable", "les
employés communaux ne travaillent que 35 heures", "ce projet de
loi tient en compte et encourage la recherche", "389 millions de dollars
seront disponibles", etc. Dans le cas d’un énoncé au futur,
ce phénomène nous paraît amplifié par le "pari"
que constitue toute assertion d’un énoncé au futur (or, le
FMI a le pouvoir de débloquer la somme, le général
de juger de stratégie, le conseiller de Michel Rocard de peser sur
les actions du PS, le premier ministre de définir la politique du
gouvernement, etc.).
3.2.1.2. Particularités du corpus africain
À côté de ces exemples, notre corpus
africain présente des particularités par rapport au corpus
français : on rencontre des énoncés maintenus au présent
alors qu’ils ne sont plus techniquement validables à t1, ou au futur
alors qu’ils ne sont plus à venir à t1. Ainsi, pour le présent,
on a (28) et (29) :
(28) J’attendais donc à la
gare de trains d’éventuels clients. C’est là-bas qu’une femme
est venue me trouver pour me demander d’aller transporter ses bagages.
J’ai dit qu’il
faut qu’on aille voir avant de juger le prix. Et
nous sommes partis. (ci-5/28804, interview)
(29) Et effectivement quand ces personnes
de bonne foi m’ont expliqué, je me suis dit qu’il y a de
quoi prendre la plume (être leur porte-plume) pour passer le message
(m- ech 139)
(29) pend place au milieu d’un article où le
journaliste expose les raisons qui l’ont initialement poussé à
écrire. Ce maintien d’un présent "périmé" à
t1 peut même aller jusqu’à poser des problèmes de chronologie
avec le maintien d’adverbiaux déictiques, comme en (30), puisque
l’on ne sait pas si le présent est repéré par rapport
à t0 ou à t1 : à partir de quel repère calculer
la référence de "depuis 20 jours" ?
(30) en réponse au fleuve
d’éloges qui l’inonda, Houphouët déclara à la
face du monde qu’il
est alité depuis vingt jours (ci-nh143).
De même, un certain nombre d’exemples paraissent
déviants dans la mesure où, à t1, le futur n’est plus
pertinent, le contexte l’atteste, comme ici :
(31) À la Conférence
nationale il a été clairement dit que les crimes de sang
seront
jugés pendant la période de transition (m-ech139).
L’article est daté du 24 janvier, soit deux mois
avant la fin d’une transition qui en a déjà passé
dix ; le futur énoncé lors de la Conférence nationale,
qui a inauguré la transition, était un pur futur ; "pendant
la transition" contient, le 24 janvier, une forte part de passé,
au point que les Maliens doutent de la réalisation de la promesse.
Le maintien du futur est donc un engagement du locuteur, à laquelle
fait écho la suite de l’énoncé : "nous ferons tout
pour qu’ils soient jugés pendant la transition". L’exemple suivant,
lui, a clairement dépassé la limite. Il est tiré d’un
"rappel historique" des faits :
(32) Ainsi, les professeurs ont rassuré
les élèves que s’ils ne font pas des TP, eux, ne dispenseront
aucun cours théorique (m-ech 137).
Daté du 17 janvier 1992, l’article se conclut
par : "Et les cours ont été arrêtés le 2 décembre".
A t1 (17 janvier) un futur pour une menace mise à exécution
le 2 décembre n’a donc plus de justification.11
De fait, tout se passe comme si, dans le corpus africain,
la non- concordance des temps n’était plus seulement un transfert
invisible dans S1 mais bien une absence de transfert, les temps restant
repérés dans S012
On peut émettre l’hypothèse d’une fausse interprétation
des phénomènes en jeu dans le modèle français,
facilitée par les cas de non-transfert que représentent les
occurrences de discours hybridé au moins en ce qui concerne les
personnes.
3.2.2. Énoncé initial au passé
Le cas d’un énoncé initial à un
temps du passé se démarque des précédents en
ce que, si le procès est passé à t0, il l’est a fortiori
à t1 : le maintien du temps ne pose donc pas les problèmes
référentiels évoqués ci-dessus, la seule difficulté
étant que, si le verbe introducteur est au même temps, l’antériorité
des faits évoqués sur l’acte de rapport est gommée.
Seuls se démarquent les énoncés au passé composé.
En effet, ce temps indique que le procès est accompli tout en gardant,
par ses implications ou ses conséquences, un intérêt
pour t0. S’il est maintenu, il indique que le procès garde un intérêt
pour t1, ce qui contribue à souligner que l’information principale
n’est pas l’acte de rapport mais le contenu rapporté. C’est ce qui
se passe aussi bien dans l’exemple français (33) qu’en (34), (35)
et (36) où les deux segments de l’énoncé peuvent être
considérés dans leur incidence sur t1 :
(33) Le commandant en chef de l’armée
bosniaque [...] a affirmé dans un entretien à l’hebdomadaire
Liljan que ses forces ont "créé les conditions réelles
pour libérer plusieurs villes" de Bosnie (Monde 29-30/5/94)13.
(34) En définitive, tous les
trois n’ont pas fait de difficulté pour reconnaître qu’ils
ont bouffé Kalemun Augustin (ci-ivsoir 26/4/94).
(35) On s’est interrogé sur
les raisons pour lesquelles les forces de l’ordre n’ont pas interdit la
marche du 18 février quand elles ont vu que certains manifestants
étaient armés (ci-ivsoir 24/2/92).
(36) S’agissant des prochaines élections
de la C.A.F., notre interlocuteur nous a informé que pour la zone
B, la nôtre, trois candidatures sont parvenues au siège de
la C.A.F. (ci-fm8740).
Ces usages s’expliquent par la primauté du contenu
rapporté et par la permanence de l’incidence du fait rapporté
sur t1. Ainsi, en (34) la culpabilité intéresse plus le journaliste
que son aveu ; en (35), la question, qui subsiste, prime sur le fait d’avoir
été posée ; en (36), c’est le nombre de réponses
parvenues à ce jour qui constitue l’information, comme en (33) l’état
des forces sur le terrain.
Le maintien semble néanmoins moins naturel lorsque
dans l’énoncé initial il sert à spécifier la
cause d’un événement présenté comme contemporain
de l’énonciation. En effet, dans l’énoncé rapporté,
les temps sont nivelés donc cause et conséquence se retrouvent
dépouillées de leur antériorité. C’est le cas
dans les exemples français (37) et en (38), où l’événement
au passé composé est présenté comme la cause
du procés dont le jugement vient d’être rendu (37) ou est
en cours (38) :
(37) À Nice, par contre, le
parquet a estimé que Me Vergès est allé trop
loin en accusant de "racisme" un magistrat (Dép 27/5/94).
(38) Je lui est (sic) bien expliqué
pourquoi j’ai dû déposer plainte, et Domingo a reconnu
ses torts en s’excusant (Libé 4041).
Pour (37) on peut avancer l’hypothèse que la
justice ayant été rendue, "jurisprudence fait loi" :
"aller trop loin" n’est pas retenu comme la cause, événementielle,
du procès et de la décision, mais comme une constatation
sur le présent, assertable puisque la justice a statué. De
même, en (38) on peut estimer que ce que le locuteur met en avant,
c’est moins la chronologie de la procédure que son absence de malveillance,
comme si celle-ci le justifiait non seulement à l’époque
mais encore au moment de l’énonciation.
Des exemples vraiment déroutants, dans la mesure
où l’incidence du procès sur t1 semble problématique,
se retrouvent dans les corpus français et africains :
(39) Vendredi matin, une centaine
de personnes ont empoigné le téléphone interne - qui
fonctionne encore - pour s’assurer que parents et amis ont bien rejoint
la
foule déjà massée dans le grand hall (Libé
4051).
Dans cet article d’un envoyé spécial au
Rwanda, non seulement la chronologie disparaît, mais l’assertion
au passé composé est dépassée, ce temps n’est
plus valide à t1, le procès ne semble avoir sur t1 aucune
incidence puisque entre le moment des faits et la rédaction de l’article,
tous les protagonistes ont été évacués dans
un autre site, comme l’indique le début de l’article. De même,
dans les exemples ivoiriens suivants, on voit mal quel est l’intérêt
des faits rapportés pour t1, d’autant qu’en (41), l’idée
ayant été rejetée - et c’est l’information majeure
de l’article - elle n’a plus d’actualité à t1 :
(40) Le chef du village d’Ebilassokro,
dans sa contribution au débat, a rappelé qu’en 1986, le préfet
d’Abengourou est venu avec le sous-préfet dire aux populations
de rester en place (ci-nh143)
(41) Le ministre de la Santé
a rappelé toutefois que le gouvernement a déjà
envisagé le retour au budget général de tous les
EPN non rentables, mais que ce n’est pas le cas des EPN sanitaires (ci-fm8740)
Ici, si des écarts existent, ils semblent donc
autant concerner la presse française que la presse malienne et ivoirienne14.
3.3. Validation et prise en charge
Nous venons de voir que le maintien des temps initiaux
constitue une revalidation de l’énoncé à t1, ce qui
contribue à en faire, énonciativement, la principale.
Il semblerait normal que cette validation s’accompagne de la prise en charge
de son contenu par E1 : si l’énonciateur est en désaccord
ostensible avec le locuteur dont il rapporte les propos, il est probable
que ce qui l’intéresse est moins de redonner et de revalider le
contenu des propos que d’exprimer son désaccord ; le focus devrait
donc moins être sur le propos que sur l’acte de rapport, et le transfert
devrait s’accomplir. Cf. :
(42) Galilée a dit que la
terre tourne autour du soleil.
(43) ?? Les anciens ont soutenu
que la terre est plate.
Mais il est difficile de vérifier ce fait dans
notre corpus français : les journalistes évitant les marques
de leur subjectivité préfèrent des verbes introducteurs
neutres15. En revanche,
ce qui est théoriquement paradoxal, dans le corpus africain, on
trouve des cas de maintien du présent et au passé composé
alors que le rapporteur affiche un désaccord avec le locuteur initial
(nous mettons en italiques les indices de non-adhésion du rapporteur
à l’énoncé rapporté) :
(44) ils ont tous claironné
qu’il
n’est pas question pour eux d’assumer une quelconque responsabilité
pénale d’actes qu’ils n’ont pas commis (m-ech220).
(45) Son origine [du virus du zona]
est très mal connue. On a même dit qu’il est apparenté
au virus de la varicelle (m-ech220).
(46) Donc, je tiens à le signaler
et parce que particulièrement un organe ou des organes de presse
ont dit que la partie civile a dit qu’elle n’intervenait plus jusqu’ici
à ce que ses propres témoins arrivent. Ce n’est pas du
tout cela. (m-ech 220, avocat de la partie civile)16.
(47) La semaine dernière, on
s’en souvient,
les choses sont allées trop loin lorsque les
avocats de la défense ont insinué que les morts ne
sont
pas morts (m-ech 220).
(48) Par ailleurs, quand ils nous ont
dit qu’ils
ont mis plus de deux heures pour retrouver le corps,
alors que l’enfant était métis (mulâtre) et habillé
d’un tee-shirt blanc, nous nous sommes demandé pourquoi tant
d’heures. (ci-nh145).
3.4. Hétérogénéité
Enfin, on remarque une pratique frappante : le traitement différent
apporté soit à la principale et aux subordonnées de
l’énoncé initial, soit à diverses subordonnées
de discours rapporté pour lesquelles les prédications ne
semblent pourtant pas présenter des degrés différents
de validité au moment de l’énonciation seconde. Tout se passe
comme si chaque subordonnée faisait l’objet d’un traitement indépendant.
Respectivement, les exemples (49), (50) et (51), (52), (53) l’illustrent.
En (49) et (50), alors que les subordonnées de rang 1 voient leurs
temps transférés, celles de rang 2 et 3, qui dépendent
d’elles, sont validées pour t1 :
(49) Elles m’ont expliqué
{qu’elles étaient en proie à une déprime sans
nom [depuis qu’elles ont appris
(que GMT se porte très
bien et a retrouvé le sourire)]} (m-ech 142).
(50) D’ailleurs, il a fait savoir {qu’il
se présenterait
aux prochaines élections présidentielles
(si cela l’intéresse)}. (ci- nh138).
En (51), (52), (53) et (54), on a une série de
subordonnées de DI qui ne relèvent pas toutes de la même
stratégie :
(51) Tout est parti du jour où
la commission [...] a rendu son rapport. La commission a conclu[qu’elle
n’a
pas eu la preuve qu’il y ait eu des morts] mais par contre [il
y avait eu des cas de "torture" et de "viol"] et [que le responsable
était
le chef d’état major de l’armée] (ci- ivsoir 24/2/92).
(52) La semaine dernière Duakon
est venue chez moi et m’a demandé ce que j’utilisais pour être
attirante. J’ai répondu simplement [que je n’avais pas de
médicament mais c’est parceque je suis belle]. Depuis la
fâcheuse réponse elle ne nous adresse plus la parole [...]
(ci-ivsoir 31/3/92).
(53) On a entendu çà
et là des hauts fonctionnaires, des personnalités politiques
et gouvernementales jurant, la main droite sur le coeur, [que tout était
fin prêt] ; [que rien n’a été laissé au
hasard] ; [que les échéances fixées seront
respectées vaille que vaille] (m-ech143).
(54) En janvier, le 16, il a informé
son collègue de l’administration territoriale [que c’est
le moment* d’une confrontation intellectuelle] et [qu’il fallait
s’interdire la dissolution des associations] (m-ech220) [* l’article est
daté du 16 décembre, soit 11 mois plus tard…].
Ce fonctionnement, ainsi que le maintien du temps avec
non-prise en charge de l’énoncé par le rapporteur ou même
en cas de non pertinence du temps à t1, suggère que le maintien
ou non des temps pourrait ne constituer qu’une variante formelle, sans
différence d’interprétation notable. La frontière
entre discours indirect et discours hybride semble ainsi s’estomper, le
traitement des repères personnels étant le point de partage
essentiel, du moins pour cette variété.
4. Conclusion provisoire
Si l’on compare des usages apparentés en français
central et dans les deux pays qui nous intéressent, on s’aperçoit
que la nature des écarts s’infléchit. Certes, le discours
indirect présente des particularités dans notre corpus malien
et ivoirien. Mais, d’une part, il faut distinguer entre personnes et temps
; d’autre part, l’absence de concordance des temps ne constitue qu’un écart
partiel.
En ce qui concerne les personnes, le maintien d’un repérage
dans S0 ne s’effectue en effet que dans le cadre du discours hybride, ce
qui est conforme à la pratique centrale. Nous avons suggéré
comment ce fait peut, selon nous, servir de point de départ à
une comparaison des sociolectes et des pratiques orales et écrites.
En ce qui concerne les temps, ce n’est pas l’absence
de concordance des temps qui constitue en soi un écart, mais les
latitudes d’application qui lui sont données. En français
central, et pour un énoncé maintenu au présent ou
au futur, elle se cantonne aux cas où le contenu de l’énoncé
est toujours assertable à t1 ; elle correspond donc à un
transfert effectif dans S1 mais masqué, " invisible " ; en outre,
cette possibilité ne semble exploitée qu’en l’absence d’indices
de non-adhésion du rapporteur avec le contenu de ce qu’il rapporte.
En revanche, dans notre corpus africain, en dehors de nombreux cas " canoniques
", on rencontre cette possibilité pour des énoncés
qui ne sont plus valides à t1 et qui donc correspondent à
un maintien du repérage dans S0. Les raisons de cet écart
restent à approfondir, mais l’on peut faire l’hypothèse que,
à côté d’éventuels faits d’interférence
avec le substrat, l’ambiguïté des énoncés à
" transfert masqué " sert au moins de catalyseur, et ce d’autant
plus que les énoncés au passé composé, du fait
sans doute de leur double perspective (accompli avec ancrage dans t0),
semblent avoir déjà franchi en français central la
frontière entre les deux stratégies.
Bibliographie
ATLANI Françoise (1981). Approche linguistique
du fonctionnement discursif : un exemple, la presse écrite,
Paris VII, Thèse dirigée par A. Culioli.
CURAT Henri (1991). Morphologie verbale et référence
temporelle en français, Genève : Droz.
DAGNAC Anne (1996). Français d’Afrique,
norme, variation : le cas de la presse écrite en Côte d’Ivoire
et au Mali, Toulouse, Thèse (N.R.) dirigée par X. Ravier.
GREVISSE M., GOOSE A. (1993). Le Bon Usage,
Paris/Louvain : Duculot (13ème édition).
LE GOFFIC Pierre (1993). Grammaire de la phrase
française, Paris : Hachette Université.
PERRET Michèle (1994). L’Énonciation
en grammaire du texte, Paris : Nathan Université.
PRIGNITZ Gisèle (1996). Aspects lexicaux,
morphosyntaxiques et stylistiques du français parlé au Burkina
Faso (période 1980-1996), Paris III, Thèse (N.R.) dirigée
par S. Lafage et M.A. Morel.
VETTERS Carl (1996). Temps, aspect, narration,
Amsterdam : Rodopi.
Journaux du corpus
Outre les journaux africains, ont été
utilisés des articles de Libertitres, un mensuel français
éditant une sélection de la presse africaine, qui a malheureusement
interrompu sa parution.
Côte d’ivoire :
Le Nouvel Horizon : n° 143 (11/06/1993),
n° 144 (18/06/1993), n° 145 (25/06/1993). Fraternité
Matin : n° 5.419 (11/11/1982), n° 8.740 (25/11/1993), n°
8.741 (26/11/1993), n° 8.742 (27-28/11/1993). Ivoire Dimanche
: n° 978 (5/11/1989).
Ainsi que les articles ivoiriens parus dans Libertitres
n° 10 (03/1992), n° 11 (04/1992) , n° 12 (05/1992), n°
15 (09/1992), n° 16 (10/1992), n° 23 (05/1993), n° 24
(06/1993) et tirés de :
Ivoir’Soir (14/2/1992), (31/3/1992), (13
et 28/7/1992), (5/8/1992), (30/8/1992), (3/9/1992), (19/8/1992), (17/8/1992),
(26/8/1992), (2/9/1992), (8/4/1993), (19/4/1993), (23-25/4/1993), (26/4/1993),
(25/5/1993), (18/5/1993) ;
Fraternité Matin (1-2/8/1992), (9/7/1992),
(14/7/1992), (26/8/1992), (4/6/1993) ;
Notre Temps (10/3/1992) ;
La Voie
(18/7/1992) ; Le Patriote Express (7/09/1992) ; La Nouvelle Presse
(13/5/1993).
Mali :
Les Échos : n° 133 (3/01/1992),
n° 137 (17/01/1992), n° 138 (21/01/1992), n° 139 (24/01/1992),
n° 142 (3/02/1992), n° 143 (7/02/1992), n° 144 (10/02/1992),
n° 145 (14/02/1992), n° 219 (14/12/1992), n° 220 (16/12/1992),
n° 221 (18/12/1992). Aurore : n° 209 (03/06/1993). L’Essor
n° 12519 (23/7/93), n° 12517 (21/7/93). Le Nouvel Horizon n°
136 (23/4/93).
Ainsi que les articles maliens parus dans Libertitres
n° 9 (02/1992), n° 11 (04/1992), n° 15 (09/1992) , n° 16
(10/1992), n° 24 (06/1993) et tirés de L’Essor (19/12/1991),
(13/3/1992), (10/9/1992) ; Jamana (12/91-02/1992) ; Cauris Hebdo
(18-24/7/92) ; Les Échos (7/8/92), (14/8/1992), (13/5/1993)
; Le Républicain (12/5/1993).
France :
La Dépêche du Midi : n°
16.679 (27/5/1994), n° 16.966 (10/03/1995), n° 17.113 (6/08/1995).
Libération
:
n° 4051 (28/5/1994), n° 4303 (20/03/1995), n° 4422 (7/08/1995).
Le
Monde : (29-30/5/1994), n° 15.538 (10/01/1995)
1Nous
ne nous intéressons pas ici à ce phénomène.
Sur l’interrogation indirecte, voir Dagnac (1996 : 292-297)
2Pour le détail
des études antérieures, voir Dagnac (96 : 290-291). Les explications
ne vont pas d’ailleurs parfois sans quelque contradiction : pour le Congo,
les analyses de Champion (1974) et de Makouta Mboukou (1973), tout en alléguant
toutes deux l’interférence, y décèlent des faits opposés.
3Il peut d’ailleurs s’agir
de DI proprement dit (Verbe introducteur régissant une subordonnée,
conjonctive ou infinitive) ou d’un procédé intermédiaire
entre discours narrativisé et DI, l’ilôt de DD s’insérant
alors généralement dans un constituant qu’il glose et développe.
4Dans les
exemples, c’est nous qui soulignons. Les références aux journaux
se lisent : titre abrégé, date ou numéro d’édition,
page ; " m- " signifie Mali, " ci - " Côte d’Ivoire.
5Dans
ces deux derniers exemples, la fluidité des procédés
mis en œuvre dans le processus de réécriture apparaît
dans les va-et-vient entre stratégies : pour (6), ouverture au DI
(a estimé que) avec passage du lien causal (relevant de l’énoncé
initial) au DD donc hybridation, puis apparition d’une incise de DD, le
tout s’accompagnant d’un certain flottement typographique. Pour (7), la
coquille suggère que la relative relève de la réécriture
du journaliste à partir de : selon eux " elle vient… ", il s’oriente
alors vers un autre type d’hybridation (" selon eux "), avant de changer
de stratégie pour citer en DD la fin de la phrase.
6Nous ne
nous pencherons pas ici sur ce phénomène de double subordination,
qui n’est pas isolé.
7Le
seul cas apparemment déviant trouvé dans notre corpus émane
d’un collaborateur occasionnel au journal, qui ressortit de toute évidence
d’un sociolecte différent :
Ces erreurs, ajoute-t-il, si elles étaient décelées
(...), nous nous ferons le devoir et la bonne foi d’attirer l’attention
de nos dirigeants sur leurs conséquences. Et d’ajouter que nous
avons foi à la nouvelle formule de démocratie même
si des balbutiements et des velléités actuelles font qu’elle
tarde cette démocratie à être totale et parfaite. (m-aur
230)
Le discours est celui d’un responsable de la jeunesse CNID,
et le "nous" employé ailleurs dans l’article, au DD, peut se gloser
pas " nous, membres du CNID". Il n’est pas exclu que le rapporteur, bien
qu’il ne se présente absolument pas comme tel, soit membre de cette
organisation et s’approprie le "nous" : le "nous = je0 + vous0" de l’orateur
deviendrait sous sa plume un "nous = je1 + eux", auquel cas il y aurait
bien transfert, quoiqu’il passe inaperçu. L’hypothèse qu’il
soit un "nous, maliens", en revanche, est rendue très peu probable
par le contexte, relativement obscur, il est vrai. L’exemple est discutable,
et trop isolé pour permettre autre chose qu’une hypothèse,
mais il y a peut-être là une piste à creuser.
8Les remarques
de Prignitz (1996 : 291 et 342-344) sur que (+ pause) pourraient aller
dans ce sens, mais ne sont pas suffisamment centrées sur ce qui
nous intéresse pour que nous puissions en tirer des conclusions.
9Un verbe
introducteur au présent ne pose pas de problème de transfert,
puisqu’il feint une coïncidence de t0 et de t1. Dans la presse, un
verbe introducteur au futur est une sorte d’énallage ; nous n’étudierons
pas ici ce cas particulier d’ailleurs très peu représenté
dans nos corpus.
10La
neutralité des verbes introducteurs, l’écrasante majorité
des passés composés, et l’alternance quasi-systématique
de ces structures avec des propos rapportés en DD semblent aller
dans ce sens.
11Il
n’est peut-être pas accidentel que cet exemple, particulièrement
frappant, ait pour verbe introducteur "rassurer que" : nous avons mis en
doute ailleurs (Dagnac 1996 : 270-289) la nature syntaxique de la subordination
en que dans ce type de constructions. Ce point mériterait une étude
plus approfondie.
12Si ce
phénomène dépassait le cadre des deux pays que nous
étudions, on en aurait un indice net avec cet exemple burkinabè,
dans un journal daté du 16 juin :
Le camarade Adama Drabo a fait comprendre qu’aujourd’hui
5 juin est un grand jour pour les militants du Passoré (Sidwaya
30848, 2)
13L’exclusion
de l’auxiliaire des guillemets nous paraît d’ailleurs paradoxale
: l’énoncé initial nous paraît difficile au présent
et seul le passé composé semble probable ; elle se comprendrait
donc, justement, en cas de transfert au plus-que-parfait. Cela pourrait
être un signe que le journaliste est conscient du transfert qu’il
effectue malgré l’apparente similarité des temps.
14En
se situant dans une perspective différente de la nôtre, celle
de Vetters (1996 : 57-75), on pourrait dire que dans le corpus français,
présent et futur ont des emplois exclusivement absolus-relatifs
alors que dans le corpus africain ils ont des emplois relatifs (sens étroit)
; le passé composé, lui, aurait des emplois relatifs (sens
étroit) dans les deux corpus.
15D’autant
que le discours hybride leur permet de laisser la responsabilité
de la validation à t0 au locuteur initial.
16Sans
compter ici l’effacement de la chronologie des débats…
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