APPROPRIATION ET CONSCIENCE DE LA NORME
CHEZ LES FRANCOPHONES BURUNDAIS
Jacques Hatungimana
Université catholique de Louvain.
Introduction
Les faits, les descriptions abondent et concordent :
il y a, aujourd’hui, émergence de normes endogènes, propres
à la langue française pratiquée par les populations
d’Afrique. Il serait temps d’aller un peu plus loin et d’essayer de comprendre
l’origine de cette dialectalisation. Il semble, a priori, que l’un
des facteurs déterminants est la transmission du capital linguistique,
étant entendu que l’acquisition du français passe presque
exclusivement par l’école. Avec l’africanisation de l’enseignement,
depuis les indépendances africaines, le jeune francophone d’Afrique
est souvent quelqu’un qui a appris le français d’un Africain qui,
lui-même, l’a reçu d’un autre Africain. Cette situation a
un impact aussi bien sur l’appropriation de la langue française
que sur la conscience de la norme : nous allons le voir à travers
les résultats d’une enquête menée auprès d’élèves
et étudiants burundais.
Ladite enquête a été effectuée
en 1993, dans le cadre d’une recherche doctorale en sociolinguistique.
La thèse elle-même portait sur le parler bilingue des Burundais
francophones, mais le questionnaire comprenait deux tests repris aux travaux
de D. Lafontaine (1986, 1988), en rapport avec la perception des écarts
régionaux (belgicismes) et l’évaluation de variantes stigmatisées
socialement. L’objectif n’était pas de comparer les résultats
de l’une et de l’autre enquête. Il s’agissait plutôt de voir
quels énoncés les apôtres de la norme scolaire considèrent
comme appartenant à la langue française. Par voie de conséquence,
cela permettrait de discerner les critères qui sont mis en avant
lorsqu’il faut attribuer des énoncés soit à la langue
française, soit au kirundi, soit encore au parler bilingue (énoncés
mêlant ou alternant des formes du français et du kirundi).
Nous ne nous intéresserons, dans les lignes qui suivent, qu’à
l’un des deux tests, qui concerne l’attribution des énoncés
à une langue donnée, le français en l’occurrence.
1. La population cible
Le test et les résultats commentés sont
extraits d’un questionnaire soumis à un groupe de 109 élèves
et étudiants. La plupart d’entre eux suivaient la dernière
année de leur cycle et allaient bientôt se retrouver dans
un milieu professionnel où le français est la "langue de
travail". En outre, presque tous avaient pris une orientation qui faisait
d’eux des "professionnels" de la langue française : en tant que
futurs enseignants de français ou futurs secrétaires de direction,
ils auraient à juger de la conformité et de la légitimité
des énoncés, en se basant sur leurs connaissances de la grammaire
française.
La population visée par l’enquête est constituée
comme l’indique le tableau 1 :
|
|
Enseignement Secondaire
|
Faculté des Lettres
|
Institut
supérieur
|
Total
|
Établissement
|
Classe1
|
F
|
M
|
F
|
M
|
F
|
M
|
F+M
|
Lycée
Nyakabiga
|
L.Pédag. II
|
21
|
8
|
-
|
-
|
-
|
-
|
29
|
L.Pédag. IV
|
3
|
21
|
-
|
-
|
-
|
-
|
24
|
IP (Institut
Pédagogique)
|
Agri.-Bio II
|
-
|
-
|
-
|
-
|
5
|
3
|
8
|
Fçs.-Kdi I
|
-
|
-
|
-
|
-
|
6
|
12
|
18
|
L & Littérat.
Françaises
|
Licence I
|
-
|
-
|
3
|
7
|
-
|
-
|
10
|
Licence II
|
-
|
-
|
-
|
13
|
-
|
-
|
13
|
ISCO
|
Secrétariat II
|
-
|
-
|
-
|
-
|
3
|
3
|
6
|
Indéterminé2
|
-
|
-
|
-
|
-
|
1
|
-
|
-
|
1
|
Total
|
|
24
|
29
|
3
|
21
|
14
|
18
|
109
|
Tableau 1: étudiants burundais: renseignements
généraux
Il s’agit là d’une image du système de
reproduction et de transmission du savoir linguistique : les lauréats
des lycées pédagogiques enseignent le français à
l’école primaire, ceux de l’Institut pédagogique s’occupent
préférentiellement du secondaire inférieur et, enfin,
ceux de la Faculté des lettres font de même dans le secondaire
supérieur, y compris dans les lycées pédagogiques3.
Quant aux secrétaires de direction, ils sont constamment confrontés
aux décalages qui peuvent exister entre les compétences acquises
à l’école et les performances qu’exigent les différentes
formes d’expression française en milieu professionnel.
Toutes les personnes visées par l’enquête
ont terminé leurs études secondaires ou elles sont sur le
point de le faire. Ce critère de choix repose sur le postulat suivant
: "une conscience linguistique réfléchie devrait normalement
caractériser des individus arrivés au terme des études
secondaires" (Boudreau 1994 : 342). Cela nous amène à neutraliser
les effets du niveau d’instruction ou de la filière suivie dans
le cursus scolaire4.
2. Hypothèses et résultats
bruts
Le test comprenait dix énoncés que les
informateurs étaient appelés à juger en répondant
par oui ou non à la question : Est-ce du français
? Des justifications étaient également attendues, en
réponse à la question : Pourquoi ?
La tâche de chaque informateur était donc
double.
D’un côté, il s’agissait d’attribuer chaque énoncé
à la langue française : la décision incluait une part
d’acceptabilité et une part de grammaticalité. D’un autre
côté, il s’agissait d’expliciter les raisons de son choix
: l’informateur devait donc dépasser l’intuition (de la grammaire
implicite) et l’appuyer par un certain métalangage (la grammaire
explicite). C’est là un exercice que l’enseignant de français
est constamment amené à faire, soit au cours des leçons,
soit au moment de l’évaluation. De manière différente,
les secrétaires de direction sont également conviés
à cet exercice, surtout lorsqu’il faut relire les textes composés
par eux-mêmes ou par les services où ils œuvrent.
Comme le montre le tableau 2, presque tous les informateurs
ont répondu au premier volet de la question :
À votre avis, les phrases suivantes,
est-ce du français ?
PHRASES OBSERVÉES À L'ORAL
|
OUI
(%)
|
NON
(%)
|
1. J'esspaire que vous ne
raisteré patro lon tant a lopitale. |
80
|
20
|
2. Le cercle est carré. |
64
|
36
|
3. Mon frère ne sait
pas qu'est-ce qu'il veut faire dans la vie. |
59
|
41
|
4. Moi manger banane. |
50
|
47
|
5. Do you speak English ? |
6
|
94
|
6. Si j'aurais su, je ne
serais pas venu. |
72
|
27
|
7. Je te lui donne. |
58
|
42
|
8. Ceci n'est pas un bic. |
95
|
5
|
9. X. Je l'emmerde. Elle
est conne comme ses pieds. |
67
|
32
|
10. Je ferai Jean partir. |
70
|
30
|
Tableau 2 : réponses au test, exprimées
en pourcentages
Tous n’ont pas apporté une justification à
leur réponse. Par conséquent, le dépouillement accorde
davantage d’importance au contenu qu’au nombre des explications fournies.
Celles-ci seront analysées selon deux axes. D’une part, nous considérerons
les énoncés que nos informateurs sont nombreux à attribuer
à la langue française. D’autre part, nous opérerons
un regroupement de certains énoncés selon le trait commun
retenu par D. Lafontaine (1986 : 140).
Les résultats obtenus sont révélateurs
de la complexité de la tâche. Par exemple, l’item 5 (Do
you speak English ?) est entièrement anglais. Presque tout le
monde (94 %) tombe d’accord : l’énoncé n’appartient pas à
la langue française. Pourtant, il s’est trouvé des informateurs
pour dire que c’est du français. Sans doute la question Est-ce du
français ? a-t-elle été interprétée
comme synonyme de Est-ce correct ? La majorité des répondants
qui acceptent de commenter leur réponse ajoutent que le vocabulaire
utilisé n’est pas français, que tous les mots sont anglais.
Rares sont ceux qui évoquent la sémantique ou la (morpho)
syntaxe, et personne n’évoque la phonétique.
D’une manière générale, il semble
que les informateurs burundais insistent sur le lexique. Les raisons avancées
par chaque juge ont fini de nous convaincre que chacun se fait une idée
tout à fait singulière de la langue dont il parle (Lafontaine
1986). Et pour les locuteurs bilingues, nous nous sommes rendu compte qu’ils
peuvent difficilement éviter les "ponts interlangues" (Dolitsky
1998) : ils n’arrivent pas toujours à désactiver une langue
lorsqu'ils parlent une autre ou qu’ils parlent de cette dernière.
C'est ainsi, par exemple, que tout en acceptant que l'énoncé
Je
te lui donne ressortit à la langue française, certains
juges trouvent qu'il s'agit de la traduction du kirundi : "ndamúguhâye"
(LLF4, M3025). Et pour d'autres, qu'il y ait eu traduction les pousse à
affirmer que l'énoncé n'appartient pas à la langue
française.
3. Acceptabilité des
énoncés : au-delà du sens commun
Le plus accepté de tous les énoncés
à lexique français est l’item 8 : Ceci n’est pas un bic.
Ce dernier recueille 95 % de oui. Et pourtant, cet énoncé
est, ainsi que l’item 2, classé par D. Lafontaine parmi les phrases
qui énoncent quelque chose de faux ou de paradoxal5.
À votre avis, les phrases suivantes,
est-ce du français ?
|
OUI
(%)
|
NON
(%)
|
2. Le cercle est carré. |
64
|
36
|
8. Ceci n'est pas un bic. |
95
|
5
|
L’auteur demande que l’enquêteur lise l’énoncé,
en montrant un bic. C’est cette dimension qu’un informateur a perçue
lorsque, comme s’il connaissait le dispositif expérimental de D.
Lafontaine, il dit : "C’est correct pour autant que l’on ait montré
le bic" (LLF4, M3021). Là où l’auteur belge insiste sur la
dimension pragmatique, des étudiants burundais remarquent davantage
un problème de choix lexical. Le mot bic serait "impropre"
et certains informateurs rejettent l’énoncé pour cette raison-là
: "Bic c’est la firme qui fabrique les stylos. Utilisation pas correcte"
(Secr2, F3057) ; "À la place de bic, il faut dire stylo. Bic est
le nom d’une entreprise" (LLF3, M3036). En d’autres termes, un même
écart6, lorsqu’il est perçu par
un groupe, n’est pas jugé par tout le monde avec la même sévérité.
La rigueur, quant à la propriété des termes, varie
d’un juge à l’autre.
Cette différence de traitement vaut également
pour l’item 2 : Le cercle est carré. L’énoncé
est rejeté par 36 % des juges burundais. La plupart d’entre eux
soulignent le manque de bon sens : "La syntaxe est correcte, mais la logique
n’y est pas" (LLF4, M3021). Les plus surprenants sont ceux qui avancent
des raisons de (morpho) syntaxe : ils ne sont que trois, mais il y a parmi
eux une élève institutrice (LP 2) et un étudiant de
licence (LLF3) qui proposent de corriger la phrase en y ajoutant simplement
un déterminant : "Le cercle est un carré"...
La plupart des raisons qui justifient l’acceptabilité
de l’item 2 reprennent des formules de l’analyse classique. Par exemple
: "C’est du français, car la phrase a un sujet, un verbe et un complément"
(Secr2, F3032) ; "Tous les mots qui constituent cette phrase figurent dans
le dictionnaire français" (LP2, F3103). On invoque tantôt
la syntaxe, tantôt le lexique. Et lorsque les connaissances de l’informateur
sont elles-mêmes incertaines, on aboutit à des explications
telles que celle-ci : "Dans le sens de "le cercle est bloqué"" (LLF4,
M3022). Par ce lapsus, le témoin (étudiant en dernière
année de licence !) indique que chez certains kirundiphones, la
distinction entre [r] et [l] reste toujours problématique : d’où
la confusion entre "carré" et "calé".
Ces considérations nous ramènent à
l’item 1 : J’esspaire que vous ne resteré patro lon tant a lopitale.
D. Lafontaine présentait l’énoncé comme une phrase
mal orthographiée. Certains de nos informateurs remarquent la prononciation
non standard, d’autres un problème d’orthographe, d’autres encore
les deux. Qu’ils aient accepté ou non la phrase comme française,
ils avancent des explications divergentes (non-réponses = 23/109),
si l’on considère le domaine linguistique mis en relief :
|
n = 86
|
%
|
orthographe |
21
|
24
|
prononciation |
34
|
39
|
(morpho)syntaxe |
6
|
7
|
lexique |
11
|
13
|
sémantique |
17
|
20
|
Cependant, deux réponses opposées (oui
ou non) peuvent être assorties d’un commentaire presque identique.
Par exemple, voici certaines des raisons avancées pour rejeter l’énoncé
1 : "Cette phrase est prononcée par une personne qui ne sait pas
son orthographe" (LP2, M3113) ; "À l’oral, la phrase est correcte
; mais à l’écrit, l’orthographe la rend incorrecte" (LLF4,
M3030). Ce sont des commentaires fort proches de ces derniers qu’on reçoit
auprès d’informateurs qui, eux, acceptent la phrase comme française
: "C’est du français avec un sens, mais avec des fautes de prononciation"
(LP4, M3071). Les jugements atteignent parfois des dimensions inattendues
: "C’est du français pratiqué par quelqu’un qui l’a appris
comme seconde langue, par exemple, un Africain (FK1, M3013). Ces commentaires
laissent entendre que les informateurs peuvent établir une distinction
entre ce qui est conforme au système et ce qui est caractéristique
de la variation (topolectale).
Or, on le sait, certaines variantes sont stigmatisées,
notamment par la grammaire scolaire. C’est le cas de l’item 6 : Si j’aurais
su, je ne serais pas venu. D. Lafontaine classe cet énoncé
parmi les variétés non légitimes. L’auteur fait de
même pour l’item 3 : Mon frère ne sait pas qu’est-ce qu’il
veut faire dans la vie. Cependant, la pédagogue belge réserve
une place singulière à l’item 9 : X. Je l’emmerde, elle
est conne comme ses pieds. Ici, D. Lafontaine parle de l’utilisation
d’un registre vulgaire (phrase familière) : ne s’agit-il pas d’une
variante non légitime7,
comme dans les deux énoncés précédents ? Pour
notre part, nous estimons que la même "sanction" sociale frappe les
trois usages, que nous regroupons dans le même ensemble :
À votre avis, les phrases suivantes,
est-ce du français ?
|
OUI
(%)
|
NON
(%)
|
3. Mon frère ne sait
pas qu'est-ce qu'il veut faire dans la vie. |
59
|
41
|
6. Si j'aurais su, je ne
serais pas venu. |
72
|
27
|
9. X. Je l'emmerde. Elle
est conne comme ses pieds. |
67
|
32
|
Quelques juges burundais refusent la construction [si
+ conditionnel] parce qu’elle "ne respecte pas les règles de la
concordance des temps" (LLF4, M3031). D’autres acceptent la phrase malgré
la non-conformité au schème canonique. D’autres encore l’admettent
sans réserve8
: "Elle est tout à fait française. Les mots sont français"
(FK1, F3008) ; "Parce que la forme des mots qui composent la phrase est
bien française" (FK1, M3003) ; "C’est du français : toutes
les normes françaises y sont" (Secr2, F3032) ; "C’est une structure
grammaticale très correcte" (A-Bio2, F3054). Au bout du compte,
on se demande où est la limite entre "le grammatical" et "l’agrammatical"
: sur quels critères faut-il fonder la discrimination ?
L’interrogation précédente s’applique
aussi à l’item 3 : Mon frère ne sait pas qu’est-ce qu’il
veut faire dans la vie. Cette construction est acceptée comme
française par 59 % de nos informateurs. Les raisons restent fondamentalement
les mêmes : prononciation, lexique français, sens clair. Tout
ce qu’on peut reprocher à l’énoncé, ce serait son
style "familier". La majorité des informateurs qui rejettent la
phrase soulignent la mauvaise "traduction du style direct en style indirect"
(LP4, F3078) et ils sont nombreux à proposer la formule adéquate.
Il reste à expliquer comment certain informateur (LLF4, M3022) peut
y voir "une phrase calquée sur le modèle du
kirundi"9. Il reste également à
expliquer pourquoi la formule interrogative est, dans cet énoncé,
plus sévèrement10
jugée que le [si + conditionnel].
Par ailleurs, l’énoncé 9 : X. Je l’emmerde,
elle est conne comme ses pieds, est jugé plus français
que le précédent. Ici on va au-delà du lexique et
de la sémantique : "Je ne comprends pas le sens mais je crois que
c’est du français" (FK1, M3014). Alors que certains y voient du
français familier ou populaire, vulgaire ou argotique11,
d’autres trouvent que "c’est une autre langue semblable au français"
(FK1, F3018). D’autres encore renchérissent : "Conne n’existe pas"
(FK1, M3009) ; "le verbe emmerder n’existe pas" (LLF3, M3036).
Quoi qu’il en soit, les raisons invoquées par
ceux qui rejettent l’énoncé 9 semblent indiquer qu’il s’agit
d’un registre auquel ils sont peu habitués : "Quelqu’un peut être
conne ?" (LP2, M3108). C’est ainsi que les propositions de correction sont
parfois surprenantes : "Mauvaise utilisation des pronoms : "Je l’emmerde"
au lieu de "Il m’emmerde"" (LLF3, F3043) ; "Cfr emmerde au lieu d’Immelde
et conne" (A-Bio2, M3049). Bref, pour certains élèves/étudiants,
seuls existent les termes qui ont été rencontrés en
classe. Comme l’apprentissage porte sur le français correct,
il existe des mots courants pour un francophone natif, mais inconnus pour
le francophone burundais qui n’a pas fréquenté certains milieux
ou certains écrits où apparaît ce parler débridé12.
4. Grammaticalité : des
règles nécessaires et insuffisantes
Enfin, les trois derniers énoncés ont
été qualifiés par D. Lafontaine de phrases agrammaticales.
Pourtant, ils ne sont pas rejetés en bloc par les juges burundais
:
À votre avis, les phrases suivantes,
est-ce du français ?
|
OUI
(%)
|
NON
(%)
|
4. Moi manger banane. |
50
|
47
|
7. Je te lui donne. |
58
|
42
|
10. Je ferai Jean partir. |
70
|
30
|
L’item 10 obtient même un score plus élevé
que celui de l’item 9 ou de l’item 2, soit 70 % de oui. Et d’un
point de vue purement statistique, on constate que la majorité des
juges attribuent les trois énoncés à la langue française.
Un habitué du monde africain sera tenté de chercher immédiatement
une explication du côté de la sémantaxe (Manessy 1989).
En effet, l’énoncé 4 rappelle la légendaire13
variété du petit-nègre et du français
tirailleurs. L’énoncé 7 adopte une disposition des pronoms
qui est courante dans certaines langues africaines (le kirundi, par exemple).
Et l’énoncé 10 entrerait dans un paradigme connu des linguistes
: "dans le français de l’Océan Indien, une structure syntaxique
du type "Je fais l’enfant venir" est perçue comme correcte" (de
Robillard, 1993 : 121).
Dans cette perspective, l’énoncé
Moi
manger banane sera toléré, comme "énoncé
d’un apprenant" (LLF3, M3039) ou ayant "un caractère enfantin" (LLF3,
M3045) : "celui qui parle n’a pas encore maîtrisé sa langue"
(FK1, M3011). De même, on pourra admettre que les mots de Je te
lui donne "sont prononcés par un apprenti" (FK1, M3011). Mais,
tout comme l’invocation de la traduction implicite14,
ces explications n’épuisent pas le débat. Il convient, par
conséquent, d’envisager les arguments tirés de la théorie
linguistique, ainsi que le dogmatisme15
qui, parfois, empreint la formulation des justifications.
La première des raisons ressortit à la
phonétique : c’est le français qu’on entend. Il est même
question de phrase "formée d’une alphabétisation [sic] française"
(A-Bio2, F3052). Cependant, cette explication paraît simpliste :
"l’oralisation" d’un item peut être soumise à des variations.
Par exemple, l’énoncé : On va mette toute la nourriture
de nous trois ensemble, comme sa, taura comme tous nous zautes. Seul
un informateur sur dix y voit du français sans mélange de
kirundi, plus d’un témoin sur cinq y trouve un recours au kirundi,
et 66 % d’entre eux ne lui attribuent d’appartenance ni au kirundi ni à
la langue française. On imagine facilement quel dépaysement
ce genre de prononciation provoque chez les Burundais scolarisés
lorsque ces derniers sont mis en contact direct avec des francophones natifs
qui utilisent un tel registre !
Le deuxième type de justifications fait appel
à la syntaxe. Par exemple, l’énoncé Moi manger
banane est accepté parce qu’il respecte le schème [sujet+verbe+complément]
: ce dernier représente la construction canonique d’une phrase déclarative,
en langue française. Néanmoins, le respect de ce principe
ne suffit pas pour convaincre tout le monde : "La syntaxe française
ne s’y reconnaît pas du tout" (LLF3, M3044). Quelques informateurs
reprochent à l’énoncé sa "structure télégraphique"
(FK1, M3012), ainsi que l’absence d’un verbe conjugué : "C’est du
français qui est mal formulé car le verbe n’est pas conjugué"
(LP4, F3080) ; "Il manque un vrai sujet et le complément devrait
être précédé par un article" (A-Bio2, M3051)
; "Une phrase doit avoir un verbe conjugué" (LP4, F3078)...
Manifestement, les informateurs connaissent bien les
règles que les manuels scolaires demandent d’appliquer lorsqu’il
faut construire une phrase déclarative16.
Ils s’appuient sur ces règles pour accepter l’énoncé
Je
te lui donne : "Il y a toutes les parties d’une phrase : sujet - verbe
et compléments" (A-Bio2, M3047). Et c’est cette même règle
de la fonction qu’on retrouve dans une proposition de correction
: Je te le donne (LLF3, M3045). Cependant, ceux qui rejettent l’énoncé
avancent une raison différente, celle de la position : deux
compléments de même nature ne peuvent pas se suivre. Mis à
part la diversité de la terminologie employée, on constate
que les témoins invoquent abusivement cette règle : le pronom
lui
est toujours un complément "indirect" et le pronom
te peut
être un complément "direct" ou "indirect". En effet, il est
possible de comparer l’énoncé 7 à un extrait de l’éditorial
d’un journal étudiant17
: "Pour ceux qui ne me connaissent pas encore, quelques notes d’introduction
: je vous m’offre chaque mercredi pour vous renseigner [...]". On
imagine alors une situation où un individu offre quelqu’un à
un destinataire18.
Le paradoxe n’est pas dans la syntaxe : il est dans la situation de communication.
C’est encore la question des constituants que soulève
l’énoncé Je ferai Jean partir. Même les informateurs
qui l’acceptent remarquent "l’inversion des termes" (LLF3, F3040) ou "l’antéposition
de Jean par rapport au verbe partir" (LLF4, M3023). Parmi
ceux qui refusent l’énoncé, plusieurs proposent ou laissent
entendre la correction19
: Je ferai partir Jean. D’autres ne rejettent pas l’énoncé,
mais proposent une construction nouvelle, avec ou sans le nom qui dérange
: Je le ferai partir (LLF4, M3022) ; Jean, je le ferai partir,
sortir... (LLF4, M3019). En un sens, le problème s’en trouve
déplacé, mais non résolu. Que devient, en effet, la
proportionnalité entre le substantif et le clitique qui remplace
ce dernier ? Quelle place faut-il réserver à des séquences
telles que il faut raison garder, dans lesquelles le substantif
complément est antéposé ? La suite faire partir
constitue-t-elle, comme le laisse entendre un informateur (LLF4, M3024),
une "locution verbale"20
qu’on ne peut pas séparer ? C’est dire que le problème de
la syntaxe se double d’un problème de lexicographie et de sémantique.
Précisément, un de nos informateurs avance,
systématiquement, le même argument pour accepter les neuf
énoncés à lexique français : "Tous les mots
qui constituent cette phrase figurent dans le dictionnaire français"
(LP2, F3103). Cet argument est à mettre en rapport avec les réticences
émises à l’endroit de l’énoncé 9. Ce dernier
contient des termes (emmerde, conne) qui sont généralement
absents des dictionnaires "aseptisés". On aura remarqué le
jugement formel qui frappe ces termes : ils
n’existent pas, car
ils ne sont pas répertoriés dans "le dictionnaire" (de la
langue française). Cependant, cette analyse relance le débat
: dans une autre partie du questionnaire, les mêmes juges admettent
comme françaises des phrases dont on trouvera difficilement les
mots dans les dictionnaires usuels21.
Pour une part, c’est parce que son sens est clair que
l’énoncé Moi manger banane n’est pas exclu de la langue
française. On peut en dire autant de l’énoncé
Je
ferai Jean partir : "la phrase est sensée" (FK1, F3010). Ou
encore l’énoncé Je te lui donne : "ce message est
bien compréhensible pour ceux qui parlent français" (Secr2,
M3059). Ces jugements accordent la primauté à la sémantique
et à la pragmatique. Surtout lorsqu’ils rejettent l’énoncé,
les témoins s’appliquent à restituer l’expression et le contenu
jugés conformes au bon sens et aux règles apprises.
Dès lors, l’opération devient un véritable
exercice de style, qui comprend trois mouvements : appréhender ce
que l’énonciateur a dit, évaluer ce que l’énonciateur
a voulu dire, exprimer ce que l’énonciateur aurait dû dire.
Les deux premiers moments relèvent de la compétence et permettent
au témoin d’émettre des jugements du type : "On ne dit jamais
moi
manger banane" (LP2, M3107) ; "C’est du français d’un apprenant
qui ne connaît que du S.V.C"22 (LP2,
M3096) ; "Tous les mots sont en français, mais c’est kirundisé"
(Secr2, M3060). C’est à ce niveau que se
manifeste la différence dans les jugements, les uns étant
plus sévères que les autres.
Le dernier moment est une performance en soi, qui permet
de parler de la langue française et en français. Par exemple,
à propos de l’item 10 : "On ne peut pas faire partir quelqu’un,
plutôt on le fait sortir" (LP2, F3112). Or, il se produit parfois
des décalages entre les règles apprises (ou acquises) et
les règles appliquées par l’informateur. On obtient ainsi
des suggestions qui mériteraient une analyse conséquente.
Voici quelques exemples : "Il aurait dit moi, mange banane (LP2,
F3112) ; "Parce que lui remplace une personne, te et lui
ne peuvent pas se suivre" (LP2, F3097) ; "On dit : Je te le donne, parce
qu’on donne quelque chose à quelqu’un" (FK1, M3017) ; "Faire
quelqu’un n’existe pas (LLF3, M3036). Quel effet ce genre de réflexions
produit-il sur les apprenants en classe de français au Burundi ?
Quels progrès pemet-il de faire à ces derniers ? Autant de
questions qui pourraient en soulever d’autres, et qui mériteraient
une étude singulière.
5. Conclusion
En zigzaguant à travers les réponses des
informateurs burundais, nous aurons constaté divers degrés
d’acceptabilité pour des énoncés pourtant pressentis
comme relevant d’une même catégorie. En même temps,
on se sera rendu compte que, pour un même énoncé, les
juges ne sont pas sensibles aux mêmes "écarts". Davantage
encore, l’enquête révèle que l’agrammaticalité
d’un énoncé n’annule pas forcément son acceptabilité
: ici interviennent des critères linguistiques ou situationnels,
selon un ordre de préférence difficile à prédire.
En un mot, acceptabilité et grammaticalité appartiennent
à deux ordres distincts, que chaque jugement normatif concilie à
sa façon : une réflexion sur l’émergence ou la persistance
de normes endogènes gagnerait à mieux circonscrire ce champ.
Au plan méthodologique, on aura remarqué
que les questions fermées permettent d’obtenir des réponses
(oui ou non) faciles à décompter. Cependant,
les commentaires indiquent qu’il n’existe pas de solution de continuité
entre les deux volets : les mêmes raisons peuvent être invoquées,
soit pour accepter un énoncé, soit pour le rejeter. Au plan
théorique, ces raisons ressortissent à différents
champs linguistiques : phonétique, lexique, syntaxe ou sémantique.
Elles reproduisent souvent le métalangage scolaire et, ce faisant,
elles rendent compte des limites de ce discours lorsqu’il s’agit d’attribuer
une énonciation particulière à la langue française.
La restitution de ce "jargon" indique également que, pour un informateur,
connaître les règles de la grammaire ne signifie pas toujours
qu’il en maîtrise l’emploi. Ce décalage entre la norme pédagogique
et la performance des locuteurs semble alimenter l’émergence et
l’entretien des normes endogènes en Afrique (Queffélec 1994).
Naturellement, il reste à approfondir l’analyse de ce phénomène,
ainsi que le poids du lexique et de la sémantique dans la transgression
de règles que, pourtant, on récite à volonté.
Bibliographie
BLANCHE-BENVÉNISTE, Claire
et alii,
(1991). Le français parlé : études grammaticales,
Paris, éditions
du CNRS.
BOUDREAU, Annette, (1994). "La perception des écarts
linguistiques par rapport à la norme en milieu
diglossique",
in Martel P. et Maurais J. (éds), Langues et sociétés
en contact. Mélanges offerts à
Jean-Claude
Corbeil, Tübingen, Max Niemeyer Verlag (Canadiana Romanica, volume
8), pp. 341-350).
DOLITSKY, Marlene, (1998). "Les ponts interlangues",
LINX
n°
38, Nanterre, Paris X, pp. 59-64.
LAFONTAINE, Dominique, (1986). Le parti pris
des mots, Bruxelles, Mardaga.
LAFONTAINE, Dominique, (1988). "Normes linguistiques
et enseignants : une insoupçonnable diversité", in
Schöni, G. Bronckart J.
P., et Perrenoud Ph. (éds), La langue
française est-elle gouvernable ?Neuchâtel / Paris, Delachaux
et
Niestle, pp. 243-263.
MANESSY, Gabriel, (1989). "De la subversion des
langues importées : le français en Afrique noire", in
Chaudenson R. et De Robillard D. (éds), Langues, économie
et développement,tome 1, Université de
Provence, Didier Érudition, pp. 133-145.
QUEFFÉLEC, Ambroise, (1994). "Appropriation,
normes et sentiments de la norme chez des enseignants de
français en Afrique centrale ", dans Langue française,
n° 104, décembre 1994, Paris, Larousse, pp.
100-114
ROBILLARD, Didier de, 1(993). " Le concept de particularité
lexicale : éléments de réflexion ", in Latin, D.
Queffélec A et Tabi-Manga J. (éds), Inventaire des usages
de la francophonie : nomenclatures et
méthodologies, Paris / Londres, AUPELF-UREF / John Libbey Eurotext,
pp. 113-133.
1Les abréviations
signifient : Lycée pédagogique (deuxième ou quatrième
année) ; Agriculture-Biologie (deuxième année) ; Français-Kirundi
(première année) ; licence en Langue et littérature
françaises (première ou deuxième année) ; Secrétariat
de direction (deuxième année). Pour les étudiants
de l’IP et de l’ISCO, ils ont l’équivalent d’un niveau “Bac + un”
ou “Bac + deux” ; ceux de LLF ont le “Bac + trois” ou le “Bac + quatre”.
2C'est
l'informateur 3061, le seul non-étudiant de ce volet de l'enquête.
Il enseigne à l'ISCO (Institut Supérieur de Commerce), section
Secrétariat de direction. Comme il est jeune licencié en
langue et littérature françaises (soit l’équivalent
de la maîtrise, dans le système français), nous nous
sommes permis de le ranger, par la suite, parmi les informateurs de deuxième
licence L. & L. françaises.
3On ne
saurait trop insister sur la solidarité qui existe entre la base
et le sommet de la pyramide scolaire, parfois de manière négative
: de mauvais instituteurs envoient de mauvais élèves dans
le secondaire où de mauvais professeurs forment de mauvais instituteurs
et de futurs mauvais étudiants qui deviendront de mauvais professeurs...
4Néanmoins,
une analyse différentielle assortie mériterait d’être
conduite.
5Encore
que l’on puisse relativiser l’ampleur du paradoxe, pour quelqu’un qui a
une certaine culture générale ! La quadrature du cercle hante
le langage courant, probablement plus souvent que la géométrie
ne le prévoit. Et, au pays de Magritte, il n’est pas rare d’entendre
dire : Ceci n’est pas une pipe...
6On aura remarqué
l’effet d’une censure scolaire qui, en dépit de l’usage, s’est longtemps
alignée derrière le purisme de certains instruments de normalisation.
Par exemple, l’édition 1991 du Petit Robert considère encore
comme abusif l’emploi du terme bic pour désigner n’importe quel
stylo à bille !
7Peut-être
l’auteur a-t-elle voulu signifier que la sanction s’exerce différemment
sur un énoncé selon que le reproche porte sur le lexique
(item 9) ou sur la syntaxe (items 3 et 6).
8Cette attitude
invite à réfléchir sur l’impact de l’analyse grammaticale
en classe. Beaucoup de séances sont consacrées au chapitre
de la concordance des temps, mais les apprenants en retiennent ce qu’ils
peuvent !
9Il peut s’agir
d’un conditionnement : dans les situations de bilinguisme, beaucoup d’analyses
cherchent spontanément une explication du côté des
interférences alors même que la source de l’écart réside
dans ce qu’on appelle, conventionnellement, le système de la langue
cible.
10Peut-être
est-ce parce qu’une hiérarchie est établie entre la maîtrise
de la syntaxe (à laquelle est associée la concordance des
temps) et la recherche de l’expressivité (au jeu de laquelle sont
liés les changements de style).
11L’aspect
sémantique n’est pas toujours déterminant. En effet, le questionnaire
comportait un énoncé d’origine argotique : Quand j’ai eu
la filoche, nous nous la sommes donnée. Il est certain que personne
n’en comprenait vraiment la signification : “quand j’ai eu la bourse, nous
nous sommes enfuis adroitement”. Et pourtant, près de 80 % des informateurs
ont attribué cette phrase à la langue française.
12Il est
difficile de ne pas invoquer trois phénomènes vraisemblablement
à l’œuvre dans le commentaire de M3049. D’abord, le refus ou la
méconnaissance de mots jugés triviaux par la censure scolaire
conduit le témoin à prendre ses distances (envers le je de
l’énoncé) et à chercher une formule plus acceptable.
Ensuite, cette euphémisation se conjugue à la confusion entre
[r] et [l] pour substituer un prénom féminin (Immelde) au
terme provocateur (emmerde). Enfin, le résultat serait un énoncé
non réalisé, qui annulerait la parataxe et qui paraîtrait
plus proche des phrases des manuels : Immelde est conne comme ses pieds.
L’orthodoxie de l’accord (au féminin) permet de fermer les yeux
sur le lexique litigieux...
13On pense
notamment à la publicité bien connue de Y a bon banania...
14Par exemple,
un informateur (FK1, M3013) dit de l’énoncé 10 que c’est
la traduction littérale d’une phrase en langue maternelle. Il nous
semble impossible de reconstituer cet énoncé originel...
en kirundi.
15Le dogmatisme
n’élimine pas toujours la naïveté. On le voit dans les
deux motifs avancés pour accepter respectivement les énoncés
7 et 10 : “C’est du français parce que, à l’oral, on entend
parler le français” (FK1, F3018) ; “Morphologiquement et phonologiquement,
la phrase est française” (FK1, M3003).
16Mais
on pourrait leur répliquer que, dans la communication orale, ces
règles ne sont pas toujours suivies intégralement. Quelques
exemples nous sont fournis par C. Blanche-Benveniste :
- une histoire / se souvenir
- le téléphone / gratuit
- la chambre / les rideaux sont bleus |
L’auteur parle d’un jeu d’associations, qui détermine le lien sémantique
: “ce n’est pas la syntaxe qui, directement, est façonnée
pour l’exprimer” (Blanche-Benveniste, 1991: 83).
17Extrait
de La Savate, n° 57, du 22 septembre 1993, Louvain-la-Neuve,
Assemblée générale des étudiants, p. 1.
C’est nous qui soulignons.
18C’est
ce cap que franchit l’un des témoins, même s’il va chercher
l’explication dans le bilinguisme français/kirundi : “Il semble
que c’est la traduction du kirundi “Ndamúguhâye” (M3025).
19Voici
certaines des explications avancées :
- “Mauvais placement du complément d’objet second Jean” (LLF3,
F3043)
- “Phrase agrammaticale à cause de la mauvaise localisation
de Jean” (LLF3, M3044)
- “Problème de syntaxe: permutation entre Jean et partir” (LLF4,
M3021)
- “Parce que Jean vient avant le verbe (LLF4, M3061)
- “Il y a intermittence des mots. Il faut commencer par partir” (Secr2,
F3058)
- “Parce que on dit je ferai partir Jean (A-Bio2, F3048).
20Il est
étonnant de remarquer que personne n’invoque le rôle d’auxiliaire
que remplirait le verbe faire dans le tour qu’on étudie ici.
21Les informateurs
ont eu l’énoncé suivant : Le fourgue s’est fait cornancher
par une michetonneuse. La signification (“Le receleur s’est fait agresser
par une prostituée”) ne leur avait pas été fournie.
Et pourtant, au moins 80 % des réponses attribuent l’énoncé
à la langue française. On peut imaginer le score si
les répondants avaient eu accès au sens de l’énoncé
!
22Sujet, verbe
et complément.
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