INTRODUCTION
0. Le présent ouvrage
s'inscrit parmi les résultats d'une vaste entreprise placée sous les auspices
de l'AUPELF (Association des Universités Partiellement ou Entièrement de
Langue Française) : L'Inventaire des particularités lexicales du Français
en Afrique noire (IFA), entamée en octobre 1974, lors de la Première
Table Ronde des Centres de Linguistique Appliquée d'Afrique noire
francophone. Nous n'insisterons pas ici sur l'historique de ce projet dont
les détails pourront être trouvés dan l'introduction des trois fascicules
publiés à ce jour : A-B (1980) , C-F(1981), G-O (1982), ou dans l'IFA
lui-même (1983, XV-LIII). On trouvera également dans la partie
bibliographique du présent ouvrage la liste des publications issues du projet
IFA. En effet, à côté de l'inventaire collectif provenant de la synthèse des
données engrangées au niveau de chacun des pays participant à la recherche,
c'est-à-dire, dés 1974 : Bénin, Centrafrique, Côte-d'Ivoire, Sénégal, Tchad,
Togo et Zaïre, dès 1975, Rwanda, à partir de 1976, Niger, et à partir de
1977, Cameroun, Haute-Volta et Mali, il a paru préférable de publier un
"inventaire des particularités lexicales du français" propre à
chacun des pays concernés, cet inventaire régional répondant à des critères
de sélection plus larges et mieux adaptés aux conditions locales
particulières d'utilisation de la langue française. 1. La Haute-Volta est un pays
enclavé qui s'étend au cœur de l'Afrique de l'Ouest sur 274 000 km2. Son
relief est assez uniforme : une vaste plaine centrale encadrée au Nord-Ouest
et au Sud-Est par deux, plateaux dont l'altitude moyenne n'excède pas 500 m.
Le climat est tropical avec une saison humide de mi-juin à mi-septembre, mais
les précipitations, irrégulières, sont insuffisantes surtout dans le nord. On
distingue donc, du point de vue de la végétation, trois zones : la première
de type soudano-guinéen à savanes arborées et forêts claires, la seconde, de
type soudanien, essentiellement à savanes arbustives, enfin au nord, la
troisième, de type sahélien ou désertique. La Haute-Volta qui a peu de ressources naturelles actuellement exploitables, vit principalement de l'agriculture et figure dans la classification des Nations Unies parmi les PMA (pays les moins avancés). Le Recensement Général (RGP) de 1975 fait état d'une population résidente d'environ 5,64 millions d'habitants, en majeure partie (91 %) ruraux. L'ensemble urbain se réduit à cinq villes : la capitale, Ouagadougou 172 661 h. (RGP 1975) Bobo6Dioulasso 115 063 h. ( " ) Koudougou 36 838 h.
( " ) Ouahigouya 25 690 h. ( " ) Banfora 12 358 h. ( " ) Cette population est très inégalement répartie : 59 %
sont concentrés sur le plateau mossi où les densités peuvent en certains
endroits atteindre 80 à 120 h./km2, phénomène exceptionnel en Afrique. Par
contre, les régions sahéliennes en raison de l'aridité du sol, et les vallées
des Volta à cause de l'onchocercose sont quasi-vides. Le pays connaît de fortes migrations internes dues à la pression démographique et à l'insuffisance des ressources alimentaires. I1 connaît surtout de très anciennes et très importantes migrations internationales. En 1975, plus d'un million de Voltaïques vivaient à l'étranger. Ces zones d'expatriation sont principalement : - la Côte-d'Ivoire : 726 000 Voltaïques recensés selon le Recensement général de la population ivoirienne de 1975, - le Ghana : 159 000
Voltaïques selon le Recensement ghanéen de 1970, - divers autres pays : 131
000 Voltaïques (World Bank Stoff, Working Paper n°
415, septembre 1980). La Haute-Volta est un pays multilingue. Une soixantaine de langues y sont parlées. Elles relèvent en grande majorité de la famille Niger-Congo, groupes gour et manden. Le groupe ouest-atlantique y est cependant représenté par le foulfouldé (peul). Le sonrhaï (famille nilo-saharienne) n'occupe qu'une place assez marginale dans la communication voltaïque (surtout dans le département du Sahel). Quant au tamasheq qui relève du groupe berbère de la famille des langes afro-asiatiques, il est utilisé par environ dix mille personnes dans le département du Sahel, au nord de l'Oudalan, soit Touareg, soit Bellah (anciens esclaves des Touareg ne parlant plus désormais que la langue de ceux qui furent leurs maîtres). Le tableau 1 ci-dessous présente de façon succincte la liste des principales langues de Haute-Volta, le pourcentage de leurs locuteurs natifs et leur utilisation dans les media : télévision, radio ou presse. (Sources : fascicule
Haute-Volta du CONFEMEN 1980 B. 01 : "Promotion et intégration
des langues nationales dans le système éducatif : bilan et inventaire",
Agence de Coopération Culturcelle et Technique, 1981) . Principales
langues de Haute-Volta (1)
I1 convient cependant de préciser que les pourcentages indiqués supra (et qui datent de 1961, la population voltaïque étant alors estimée à 4 300 000 personnes) ne sont mentionnés, en l'absence de toutes autres informations statistiques récentes, que pour fournir une approximation concernant l'importance relative des groupes en présence. Il apparaît donc que le mooré
(qui ne comporte pas moins de cinq dialectes mutuellement intelligibles) : - le yaadré du Yatenga
(départ. du Nord), - le taolendé (départ. du
Centre-Ouest), - le parler de Ouagadougou, - le saremdé (départ. du
Centre-Est), - le parler du salmatenga
(départ. du Centre-Nord), (TIENDREBEOGO, 1983, 9) (2), est la langue majoritaire
pour son poids démographique et son rôle dans la capitale. Néanmoins, le rôle
de véhiculaire interethnique semble de plus en plus assumé par le jula
(graphie officielle pour dioula), particulièrement dans le
nord-ouest du pays (NIKIEMA, 1981, ms.). Cette fonction se développe
vraisemblablement en raison du fait que ce parler permet la communication
avec les pays voisins ; Mali, Guinée et surtout Côte-d'Ivoire, pôle
d'attraction de la région et nation dans laquelle le jula (dioula) a
également une fonction véhiculaire importante ; par ailleurs, le jula
(dioula) est lié historiquement à l'Islam
et au commerce à travers l'Afrique de l'Ouest. Quant au fulfuldé
(graphie officielle pour "foulfouldé"), il est largement répandu
dans le Sahel, par delà les frontières de la Haute-Volta, du Sénégal au
Cameroun et l'on évalue le nombre de ses locuteurs à plus de cinq millions
(S. SAUVAGEOT, 1978, 30) (3), même si l'étendue de l'aire d'utilisation
entraîne la fragmentation de la langue en un certain nombre de dialectes
assez différenciés. La vitalité, le dynamisme de
ces langues, la quantité de travaux les concernant et favorisant leur
promotion, permettent de comprendre pourquoi, depuis 1979, mooré, jula
(dioula) et fulfuldé (foulfouldé) ont été introduits à titre expérimental, en
tant que matière d'enseignement, dans une trentaine d'établissements
primaires répartis en fonction de leurs aires spécifiques d'utilisation. I1
ne faudrait pas cependant en déduire qu'il s'agit là d'un choix exclusif,
écartant de toute promotion les autres langues de Haute-Volta. En effet,
depuis 1974, tous les parlers dont la description est suffisamment avancée
servent à l'alphabétisation des adultes, non seulement mooré, jula (dioula)
et fulfuldé (foulfouldé) mais encore kasim, san, gulimancema (goulimantyema),
dagara, lobiri ... De méme le tableau supra souligne l'ouverture des media à
toutes les langues, particulièrement en ce qui concerne la radio. En fait, selon la Constitution de la IIIéme République (abrogée en 1983, NDLE), si le français est la langue officielle du pays, toutes les langues utilisées par les populations locales ont statut de langue nationale (Confemen 1981, fascicule Haute-Volta, 175‑179). 2. L'option est donc
nettement en faveur d'un bilinguisme africano-européen dans lequel le
français, hérité de la colonisation, serait en complémentarité avec les
langues locales. Le schéma relationnel actuel serait du type : relations
internationales vs relations intérieures régionales, administration vs vie
sociale quotidienne et famille, commerce extérieur vs petit commerce local,
monde traditionnel vs modernité et technique, communication formelle (enseignement,
droit, sciences, technologie, littérature ...) vs communication informelle
(relations interpersonnelles affectivité, artisanat, tradition orale …) etc.
Bien entendu, la part grandissante de la communication voltaïque ouverte aux langues
du terroir désormais pourvues d'une écriture, ne cesse de modifier les
rapports ci-dessus brièvement
évoqués. Dans les faits, d'ailleurs, le français est loin d'avoir I'importance que le schéma cité supra pourrait le faire croire. Les Francophones de Haute-Volta ne constituent qu'une faible partie de la population, et cela pour diverses raisons. Les premiers contacts franco-voltaiques sont relativement récents : la mission de BINGER allant du Niger au Golfe de Guinée par le pays de Kong et le Mossi remonte à 1887-1889, celle du Dr CROZAT au Mossi à 1890 ... L'implantation coloniale, assez chaotique (cf. SKINNER, 1972, chap. 10) date du début du siècle. La scolarisation s'est certainement plus développée depuis l'Indépendance du pays que durant la colonisation. Et la diffusion du français se fait essentiellement par l'école, ce qui signifie que la langue n'a que peu pénétré dans les masses rurales restées en grande partie analphabètes. De nos jours encore, le français reste d'acquisition scolaire et n'est pleinement possédé qu'au terme de longues études durant lesquelles la sélection est sévère. I1 en résulte que le français constitue localement une sorte de continuum dont le pôle supérieur -l'acrolecte - est la langue à norme académique des universitaires à peine marquée de traces régionales dans sa prononciation et son lexique. Toutefois, si la référence à la norme explicite du français-standard demeure présente chez tous les scolarisés, les écarts attestés dans tous les domaines de la langue s'accroissent en fonction inverse de la durée de la scolarisation. Il serait donc possible, grossièrement, de distinguer des variétés intermédiaires - les mésolectes - caractérisant des étapes de l'interlangue, chaque mésolecte étant révélateur du système approximatif de communication atteint en français au moment de la déscolarisation. Cependant, pour un petit nombre d'analphabètes, particulièrement en
milieu urbain où la connaissance du français - fût‑il des plus
approximatifs - favorise la promotion sociale et l'accès à des emplois mieux
rémunérés, il arrive que l'apprentissage de la langue officielle se fasse, en
dehors de l'école, en situation naturelle, par contact direct, sans aucune
référence à la norme académique. On se trouve alors en face d'un basilecte,
parler très rudimentaire à structure simplifiée et réduite, permettant la
communication dans des situations
sans ambiguïtés entre personnes d'ethnies différentes et sans autre medium commun. Ce
"petit français" de type pseudo-sabir subit, semble-t-il, l'influence
d'une sorte de français pidginisé et vraisemblablement en voie de
créolisation, à rôle de véhiculaire
interethnique des peu ou
des non-"lettrés", utilisé en Côte-d'Ivoire et que nous désignerons
sous le nom de "français populaire
d'Abidjan" (FPA) en
raison de sa très grande diffusion dans
la capitale ivoirienne. En
effet, nombreux sont les ressortissants voltaïques analphabètes qui
s'expatrient en quête d'un emploi, vers les pays côtiers, la Côte-d'Ivoire
principalement. Afin d'atteindre leur but, il leur parait alors plus
profitable d'apprendre la variété de français largement utilisée autour
d'eux, qu'une langue africaine locale, en particulier lorsqu'ils s'installent
en milieu urbain. Pourtant ce FPA que les "pawéto"
(comme on les appelle en pays mossi) importent à leur retour dans leur
patrie, n'est pas perçu en Haute-Volta comme une variété autochtone de
français et ne s'y répand guère, faute de conditions sociolinguistiques
favorables. Selon certains observateurs (BATIANA, 1982, OUEDRAOGO, PRIGNITZ,
1982) si une forme de communication "populaire"
en situation émerge en milieu urbain, elle semble plutôt relever du "métissage linguistique" mêlant
langue africaine et français, soit dans des énoncés successifs, soit au sein
d'un même énoncé, plutôt que de la pidginisation ou de la créolisation. Nous
parlerons donc de "français en
Haute-Volta" et non de "français
de Haute-Volta.", voulant dire par là qu'il n'existe pas
localement une variété de français spécifiquement voltaïque comme il en
existe une de spécifiquement ivoirienne. Dans l'ensemble, la langue française
telle qu'elle est utilisée en Haute-Volta, apparaît clairement comme un
français régional présentant certaines caractéristiques, certains
particularismes que nous avons entrepris de collecter et de décrire dans le
domaine lexical. I1 ne s'agit pas d'une variété déjà si différenciée par
l'appropriation qui en est faite qu'elle paraisse susceptible à plus ou moins
long terme d'évoluer en une langue autre, un créole à base lexicale
française. 3. Or, sous l'influence de ce
que W. BAL (cf. IFA, fasc. 1,1980, préface) appelle la "révolution sociolinguistique", la tradition
ethnocentrique et unificatrice qui présidait jusqu'à ces dernières années aux
descriptions de la langue française, a été assez profondément remise en
question. La constatation que la variation est inhérente à tout système
linguistique éclaire d'un jour nouveau et met fortement en doute le mythe du
modèle homogène et fixe en dehors duquel il ne peut exister qu'altération
condamnable. Dans l'hexagone, on accorde enfin un certain intérêt aux
particularismes régionaux du français (cf. Langue française n° 18,
1973). Et il apparaît aux chercheurs que la France n'est pas le seul pays
susceptible d'enrichir la langue et que des locuteurs vivant dans des
contextes géographiquement différents, selon des concepts socio-culturels
différents, peuvent adapter, rénover, élargir le véhicule linguistique qu'ils
utilisent quotidiennement. Certes, parmi les innovations, les glissements sémantiques, en un mot les particularismes lexicaux de toute sorte, tous n'ont pas un égal bonheur. Dans une optique pédagogique, par exemple, un tri serait à effectuer afin de déterminer ce qui devrait être proscrit ou ce qui serait à accepter. Notre collecte se situe en amont de tels jugements de valeur. Notre démarche méthodologique est strictement linguistique et non-normative. Ainsi que l'indique le titre donné à ce volume, nous dressons ici un premier inventaire de ce qui se dit ou s'écrit en français, localement, lorsqu'il y a écart par rapport aux usages de la langue-standard telle qu'elle apparaît dans les dictionnaires français courants. L'ouvrage de référence adopté pour représenter, en quelque sorte, "le français central" (c'est-à-dire le français géographiquement non marqué) est le Petit Robert dans son édition de 1972, édition qui a précédé de peu le début des travaux de l'IFA. Cependant cette norme de référence est fort malaisée à définir et correspond en fait au sentiment linguistique intuitif du descripteur, ainsi que l'ont noté G. N'DIAYE‑CORREARD et J. SCHMIDT (1981), puis A. QUEFFELEC (1982) (4). C'est pourquoi il nous a paru nécessaire d'éclairer la notion de "particularisme lexical" en formalisant une typologie fonctionnelle présentée schématiquement sous l'apparence d'un arbre (cf. tableau 2). Sont donc exclues de la collecte toutes les lexies attestées dans
l'ouvrage de référence lorsqu'elles ne présentent pas, dans l'usage
voltaïque, de modification notable. Toutefois, nous avons cru bon de relever
certains vocables dont la fréquence d'emploi en Haute-Volta se
trouvait fortement accrue, même si
cette fréquence d'emploi était par
ailleurs la seule différence constatée. C'est ainsi que
nous avons collecté, non seulement des termes spécialisés du "français
central" généralement absents des dictionnaires d'usage courant, cf.
onchocercose, bilhariose, kwashiorkor ...,
mais encore certaines lexies peu usitées en France alors qu'elles relèvent
dans notre aire de recherche du vocabulaire commun disponible, voire du noyau
fondamental du lexique français d'un francophone local de culture moyenne :
cf. latérite, pain de singe, mangue ... En effet, ces, lexies
indispensables pour rendre compte des realia, engendrent assez souvent de
nouveaux vocables tant par dérivation que par composition : latérite ‑‑>
latéritique, latérisation ... mangue ‑‑>
mangue-ananas, mangue-demoiselle, mangue-goyave ... excision ‑>
exiseuse, excision générale… Nous avons
également collecté
- les termes décrits comme
vieillis et tombés en désuétude en français central mais toujours vivants en
Haute-Volta (i.e. : différences d'état de langue) cf. amante, honnir,.
puisette …, - les termes subissant un
changement de registre (i.e. : différences de niveau de langue) cf. bouffer,
pétasse…, - les expressions figées qui
se sont modifiées (i.e. : différences de collocation) cf. faire des
mains et des pieds …, Mais il s'agit là de cas
assez marginaux. Bien plus nombreux sont les particularismes sémantiques (i.e.
: formes attestées en français central mais subissant localement des
modifications au niveau de la signification) : - soit par une restriction
de sens cf. lunettes, charbon, préparer, fréquenter …, - soit par une extension
de sens cf. frère, gâter, gagner, affaire, java, …, - soit par une translation
de sens cf. aviation, film, goudron, invitation ..., - soit par un changement
de connotation cf. vieux, tribalisme, charlatan …, - soit par un changement
de dénotation cf. capitaine,
tablier, karaté, pneu de secours, couloir, têter ... Bien plus nombreuses encore
sont les innovations (i.e. : les particularismes lexématiques) dont la
formation peut entrer dans deux grandes catégories : le néologisme et
l'emprunt. Les néologismes peuvent
naître - d'un changememt de
catégorie grammaticale cf. depuis,
jusqu'à (à adverbes) , mayen ( à verbe), façon ( à adjectif) . . . , - d'une abréviation devenant
la forme usuelle cf. à plus, cyno,
palu, pec, aff, soutien ..., ‑ d'un redoublement cf.
chaud-chaud, pousse-pousse, un peu-un
peu ... Mais les processus de formation les plus productifs demeurent : - la dérivation cf. enceinter,
couder, sciencer, javer, raisinier,
circonsciseur, exciseuse, touchement, bouffement, vitement, africainemen.t . . . , - 1a composition cf. tire-éclair, taxi-brousse, rat-voleur,
passe-quai, mimosa pourpre, boeuf à bosse, mouchoir de tête, autogare, grand
quelqu'un, être bien du pantalon, aller prendre jeter ... Les emprunts sont
relativement fréquents. Ils proviennent : - de langues non africaines : portugais cf. tapade,
lougan ..., anglais cf. broad, wax, keep, "kaya‑kaya" ... - de langues africaines non locales : arabe cf. mouloud, iman, hadj, doua, sadaka, baraka ..., wolof cf. khessal, tabaski, kade, cram-cram . . . , divers cf. akassa (êwé
du Togo et du Ghana), koutoukou (baoulé de Côte- d' Ivoire)
, harmattan (fanti du Ghana) . . . - des langues africaines locales jula cf. almamy,
dolo, soumbala, tô, daba, yougou-yougou . . . , mooré cf. dawa, pawéto,
sagbo, puskom, kinkirsi, naba, ram ..., fulfuldé cf. niébé, diaka, amirou, koba ... Apparaissent aussi des calques linguistiques cf. avoir mal aux abeilles, habit gauche, jeter une peau
d'hyène, dire son ventre, demander la route ... Notons que certains
néologismes peuvent être créés par hybridation (i.e. : à partir de
bases relevant de deux langues différentes) cf. boyesse, dolotière, koriste, balaphoniste, antilope-son, karitier,
arbre à néré, dire barika, manger le namtibo … Une précision supplémentaire
nous semble devoir être apportée : nous avons pleinement conscience que
certaines lexies relevées et se rapportant au domaine de la flore (celles
qui, dans notre ouvrage sont accompagnées de l'indication spéc. (vocabulaire spécialisé)) ne relèvent pas de l'usage courant. La plupart des francophones
locaux ne les connaissent pas et utilisent pour désigner ces plantes les
vocables de leurs langues maternelles. Il nous a paru, cependant intéressant
de collecter dans ce premier inventaire voltaïque les quelques appellations
françaises existantes utilisées dans les ouvrages ou articles scientifiques
dépouillés. En effet, parallèlement à la terminologie scientifique en usage
en botanique, un petit nombre de plantes locales ont reçu une dénomination
française ; il semblerait que ce soit en raison de caractéristiques
remarquables : fruits comestibles ou curieux, fleurs magnifiques, graines
utiles ou décoratives, forme particulière, emploi en pharmacopée ... Une
étude de ces créations terminologiques françaises dans le domaine de la flore
inter-tropicale reste à faire : nous avons donc voulu fournir les quelques
éléments à notre disposition à tout chercheur intéressé … 4. L'enquête en Haute-Volta a
débuté, dans le cadre de l'Institut National d'Education (I.N.E.) de
Ouagadougou, en 1977, à la suite d'une mission exploratoire que nous avons
effectuée dans ce pays, à titre de responsable régional du projet IFA pour le
Bénin, la Côte-d'Ivoire et le Togo. Grâce à la compréhension de M.
Ignace SANWIDI, alors directeur de l'I.N.E., ont été organisées diverses démarches
de sensibilisation : conférences, émissions radiodiffusées, rencontres tant
avec les membres des sections de l'I.N.E., qu'avec les enseignants du
département de linguistique de l'Université, les chercheurs du Centre
Voltaïque de la Recherche Scientifique (C.V.R.S.) Diverses personnes de toutes formations : conseillers pédagogiques, enseignants, linguistes, sociologues, scientifiques, étudiants, religieux, ... ont accepté d'apporter leur concours bénévole à la recherche des particularismes lexicaux du français en Haute-Volta. L'équipe a donc été structurée autour de ‑ Jean
CHARLET (conseiller pédagogique de l'I.N.E.) qui s'est chargé de la
centralisation des fiches d'enquête et des relations avec la responsable
régionale chargée de la coordination de la recherche. Ses enquêtes
personnelles ont surtout porté sur le milieu enseignant et scolaire, sur
l'examen des manuels, des mémoires de stages divers ... ‑ Maïette
DELPLANQUE (animatrice pédagogique de l'I.N.E. et professeur de Lettres) :
analyse des publications locales à caractère littéraire et paralittéraire,
enquête sur le français parlé en milieu urbain ... ‑ Henri
MARTIN (conseiller pédagogique de l'I.N.E. puis professeur au Prytanée
Militaire) : dépouillement de la presse locale, écoute de la radio, étude de
documents administratifs et techniques, collecte dans le domaine du sport ... ‑ Joseph
Getwend KOMPAORE (professeur au Séminaire de Pabré) : recherche des calques
et emprunts, observation du français dans le monde rural, vérification des
fréquences, contrôle des fiches ... ‑ Pour
notre part et avec la collaboration de certains étudiants voltaiques de
l'Université d'Abidjan : BATIANA André, BOLY Aliou, BASSOLE Jean, NAKRO
Issiaka ..., nous avons dépouillé les documents les plus anciens â notre
disposition dans les bibliothèques de la place, synthétisé les données et les
fiches d'enquête, souvent nombreuses pour une seule et même lexie. Nous avons
enfin effectué, seule, une double élaboration : . d'une part, la rédaction des fiches de synthèse destinées à la Banque de données de l'IFA, travail qui impliquait évidemment la participation à la rédaction des articles de l'Inventaire Général lui-même, aux divers contrôles précédant la publication des fascicules de l'ouvrage collectif ; . d'autre
part, la rédaction des articles devant aboutir à la publication du présent
volume. Dans l'ensemble, le corpus amassé comprend : - pour l'écrit . des
oeuvres littéraires voltaïques : contes, poèmes, romans, pièces de théâtre
..., . des
ouvrages techniques : histoire locale, géographie régionale, livres portant
sur l'hygiène, la chasse, l'artisanat, la musique, la société ..., . des
monographies diverses d'instituteurs, de séminaristes, d'élèves inspecteurs
..., . des
articles scientifiques, des thèses, des mémoires ..., . des
manuels d'usage courant dans les écoles locales ..., . des
textes de conférences touchant à des domaines précis et spécialisés :
médecine traditionnelle, condition féminine, sport, religion, tourisme ..., . des
lettres administratives ou privées, des circulaires, des rapports, des copies
d'élèves de divers niveaux ... . des
journaux et revues locales ... - pour l'oral . des
enregistrements d'émissions radiodiffusées ou télévisées ..., . des
enregistrements de conversations se déroulant dans des milieux divers ..., . des
enquêtes journalières pratiquées en milieu urbain ou rural ..., . des
exposés d'élèves ayant donné lieu à des enregistrements ou à des prises de
notes ... En mai 1978, une nouvelle mission en Haute-Volta
nous a permis de vérifier certaines données incomplètes ou douteuses,
d'établir des critères de sélection, de procéder à des identifications
scientifiques (faune, flore ...) avec
l'aide de M. BOUGNOUNOU du C.V.R.S., et de réunir un "jury". - ce jury, composé de locuteurs de différentes origines
sociales et géographiques, vivant en Haute-Volta depuis au moins cinq ans, et
tous francophones, a permis de vérifier l'acceptabilité des emprunts aux
langues locales comme partie intégrante du lexique français en Haute-Volta.
I1 a également permis de tester l'extension sociale et géographique des
particularismes collectés (Pour tout détail méthodologique cf.
l'"Introduction" "Côte-d'Ivoire, Togo, Bénin" de l'IFA
(1983, XXIII‑XXVI) ainsi que les lexiques régionaux de ces pays). 5. La rédaction du "Premier
inventaire des particularités lexicales du français en Haute-Volta",
entamée en 1979, a été organisée de façon à fournir un maximum d'informations
de type "dictionnaire de
langue" à ceci prés que l'aspect normatif n'est pas, rappelons-le,
pris en compte et que certaines realia locales exigent parfois quelques
commentaires de type "encyclopédique". Pour chaque article, à
côté de la forme graphique de l'entrée, figurent, le cas échéant, les
diverses variantes orthographiques relevées, classées en fonction du critère
de fréquence d'emploi. La réalisation sonore de la lexie et ses variantes
éventuelles ne sont indiquées que pour certains vocables empruntés à des
langues africaines et dont la lecture pourrait présenter quelques
difficultés. Dans ce cas, la transcription adoptée est celle de l'A.P.I.
(Alphabet Phonétique International). Les caractéristiques grammaticales :
catégorie, genre, nombre, construction, etc. figurent à côté de l'entrée.
L'étymologie est indiquée lorsqu'il s'agit d'un néologisme dont l'origine a
pu être identifiée ou pour lequel une hypothèse sérieuse est formulable. Dans
certains cas, la date de la première attestation (dans les écrits locaux
dépouillés) se trouve mentionnée. Suit ensuite la description de la
signification, éventuellement classée en sous-unités signifiantes. Lorsqu'il
s'agit d'un terme relevant de la faune ou de la flore, la dénomination
scientifique lève toute ambiguïté. Le commentaire encyclopédique, dont nous
avons parlé supra, apporte, si nécessaire, des éclaircissements lorsque
certains référents locaux exigent une description ou une explication en
fonction du milieu physique ou social, de la civilisation ou de la culture
spécifique du groupe. De brèves notations précisent la fréquence d'usage, la
localisation de l'emploi (s'il ne semble pas généralisé), les connotations
particulières, le registre, le milieu sociolinguistique caractéristique de
l'utilisation, l'appartenance préférentielle à la langue écrite ou orale,
etc. Des citations empruntées au corpus oral ou écrit illustrent et, dans la mesure du possible, éclairent la définition. Les références qui les accompagnent, quoique brèves, permettent, dans le cas d'un contexte écrit, de retrouver dans la bibliographie finale de l'ouvrage les informations nécessaires. La date de publication du livre cité peut dans certains cas permettre de saisir par rapport à une autre citation datée l'évolution historique de la signification de la lexie ou celle de sa transcription orthographique. Les synonymes éventuels sont
mentionnés s'ils relèvent également d'un particularisme lexical. Ils ne sont
cependant accompagnés d'un renvoi que lorsqu'ils ont fait l'objet d'un
article. L'indication "partiel" (partielle) signifie
que la synonymie n'est que relative. Figurent également dans
l'article, la liste des dérivés, des composés, des locutions auxquels la
lexie analysée a pu donner naissance. Enfin, une remarque (Rem.)
apporte, si nécessaire, des éclaircissements sur les emplois préférentiels,
l'orthographe la plus usuelle, les spécificités de la prononciation, les
divergences entre l'emploi local et les informations contenues dans l'article
correspondant (s'il existe) des dictionnaires français d'usage courant. 6. Les problèmes rencontrés lors de la collecte et de la rédaction ont été nombreux et variés : afflux continu de nouvelles fiches d'enquête manuscrites dont la lecture n'était pas toujours aisée et dont les données semblaient parfois contradictoires, nouveaux classements effectués et remises en question d'articles de l'inventaire déjà rédigés, citations dont les références étaient incomplètes ou difficiles à déchiffrer, entraînant des demandes d'information ... En effet, le fait que la rédactrice ne résidait pas en Haute-Volta et par conséquent connaissait insuffisamment le terrain, ont imposé tout au long de cette recherche de longs et fastidieux échanges de correspondance qui provoquaient une certaine lassitude chez les informateurs. Par ailleurs, le travail s'est ressenti du départ de collaborateurs importants de la première heure, remplacés par de nouveaux auxiliaires qu'il était indispensable d'initier aux contraintes de la collecte, alors que, faute de moyens financiers, il n'était plus possible d'envisager de nouvelles missions en Haute-Volta qui auraient facilité l'information et la concertation. La collecte ici présentée doit être considérée comme une première approche du problème, un choix de matériaux non exhaustif et provisoire dans la mesure où, quel que soit le travail. accompli, celui-ci n'a pas bénéficié de garanties de connaissance du terrain, de réflexion collective et de vérifications suffisantes, par rapport à ce qui a été fait dans d'autres pays comme la Côte-d'Ivoire et le Sénégal où prés de dix années d'observation minutieuse ont pu mettre en évidence les modes langagières éphémères, l'usure ou la disparition de certains vocables, les enrichissements du lexique, les tendances de la néologie, le dynamisme de la variation sociolinguistique. I1 nous reste à espérer que les matériaux ainsi rassemblés constituent le point de départ d'une étude diachronique plus complète, et qu'ainsi ils puissent être de quelque utilité pour les linguistes, les lexicographes, les africanistes en général. Nous espérons également qu'il nous a été possible de laisser transparaître dans notre texte tout l'attachement et l'intérêt que nous ont inspirés la Haute-Volta et ses populations. Abidjan, octobre 1983 Suzanne LAFAGE NOTES
(1) Nous transcrivons dans ce tableau les glossonymes pour qu'ils se conforment à l'orthographe usuelle du français et soient donc aisément lisibles. Cependant, la graphie utilisée en Haute-Volta est généralement plus proche de la transcription phonétique du glossonyme employé par des locuteurs natifs. Ainsi la graphie officielle jula se lit "dioula", gulimantyema se lit "goulimantchéma", fulfuldé "foulfouldé". Pour l'ensemble du texte de l'introduction et de l'inventaire, nous nous en tiendrons à l'orthographe en usage en Haute-Volta. (2) TIENDREBEOGO (Gérard), 1983. Langues
et groupes ethniques de Haute-Volta. Projet Atlas et études
sociolinguistiques des Etats du Conseil de l'Entente. ACCT, ILA de
l'Université d'Abidjan, 63 p. (3) SAUVAGEOT (Serge), 1978. "Les
langues ouest-atlantiques" dans Inventaire des études linguistiques
sur les pays d'Afrique noire d'expression française et sur Madagascar.
Paris, Conseil International de la Langue Française, pp. 29‑39. (4) Pour
tous les autres ouvrages cités, on se reportera à la bibliographie in fine. SIGNES ET ABREVIATIONS
|