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Action Citoyenne pour un Meilleur Environnement - Pays des Paillons
B.P. n° 5
06391 CONTES Cedex
Contes, le 29 mars 2004
Monsieur le Préfet,
Concernant la demande déposée par la cimenterie Lafarge de Contes, demande d'autorisation d'extension de son activité à l'incinération de déchets industriels (y compris des déchets classés « dangereux ») et mise actuellement à l'enquête publique, nous venons porter à votre connaissance que :
le calcul de la hauteur de la cheminée-four donné par l'usine Lafarge dans le dossier appuyant sa demande est totalement faux !
Et lorsque nous disons « totalement faux » nous ne parlons pas d'une (ou deux) petite(s) coquille(s) mais véritablement d'un nombre important d'erreurs fondamentales dont certaines - ridicules - ne seraient pas même commises par un débutant et qu'il est particulièrement choquant de trouver dans un dossier qui a été prétendûment examiné par les services préfectoraux.
Sans entrer dans tous les détails qu'il serait un peu long de développer ici (nous pouvons évidemment, le cas échéant, soutenir la présente position et l'expliciter devant toute assemblée, organisme, juridiction ou Tribunal administratif qui en demanderait les détails), voici les erreurs multiples que présente à lui seul le calcul Lafarge de la hauteur de cheminée :
utilisés ici sont détaillés et définis en annexe à la fin du présent courrier]
1ère erreur.
Dans le tableau fourni pour le calcul du paramètre «
s » pour les divers polluants, Lafarge a, au niveau du Co,
confondu les oxydes d'azote (NOx ) avec les oxydes de
soufre !
La valeur Cm de 0,10 donné dans
le dossier pour les NOx est fausse.
La valeur correcte est 0,09.
2ème erreur.
Toujours dans ce tableau et en ce qui concerne les NOx, le paramètre
« q » donné est également faux car q
doit être le « débit théorique instantané
maximal du polluant considéré » et Lafarge
minimise grandement ses émissions en prenant un futur rejet
maximum autorisé, ce qui est totalement incorrect
et, qui plus est, même largement inférieur
à ce que l'usine émet réellement !
(Selon les propres écrits Lafarge, la dérogation
demandée en p. 162 du dossier est à 1200 mg/Nm3
et la moyenne d'émission NOx mesurée en 2003 est
de 1040 mg/Nm3)
La valeur 96 donnée à
q dans le dossier est fausse.
La valeur correcte est 144.
Conséquence de ces deux
premières erreurs, la valeur 326.400 pour le paramètre
s (= kq /Cm) donnée dans le dossier est fausse.
La valeur correcte est 544.000.
3ème erreur.
Dans le calcul de la hauteur hp le débit R (intervenant
au dénominateur de la formule) à prendre en compte
est le débit réel (en toute rigueur de physicien,
la valeur à prendre en compte serait même la valeur
minimale du débit observé) et Lafarge ne
reculant devant rien prend le débit maximal
!
La valeur 103.680 Nm3/h utilisée
dans le dossier est fausse.
La valeur correcte serait 86.822 Nm3/h (et même en
toute rigueur 72.127 Nm3/h ).
4ème erreur.
Dans la phrase ci-dessus nous avons dit « serait »
car Lafarge commet ici une autre erreur. En effet le texte officiel
précise que R doit être « le débit de
gaz exprimé en mètres cubes par heure et compté
à la température effective d'éjection des
gaz », ce que Lafarge a complètement
oublié !
La valeur utilisée dans le dossier est une valeur en
Nm3 (« Normaux » m3 ) c'est-à-dire correspondant
aux cntp (conditions normales de température et de pression, à savoir to
= 0°C et p = po) alors qu'il fallait évidemment prendre
le volume calculé pour la température effective
d'éjection.
La valeur 103.680 Nm3/h donnée
dans le dossier est donc doublement fausse.
La valeur correcte est 123.395 m3/h.
5ème erreur.
Dans le calcul du gradient DT, différence de température
entre les gaz au débouché de la cheminée
et l'air ambiant (valeur intervenant au dénominateur de
la formule pour la hauteur de cheminée), Lafarge prend
encore une fois ce qui l'arrange et, de manière absolument
illégale, fait la différence entre une valeur
maximale un jour précis observée pour
les gaz et une valeur moyenne annuelle pour l'air ambiant
!
Cela pourrait peut-être s'appeler beaucoup plus clairement
du tripatouillage de données.
Alors qu'il suffit de regarder en p. 184 du dossier pour avoir
la température moyenne des gaz en sortie de cheminée.
La valeur 130°C donnée dans
le dossier est fausse.
La valeur correcte est 115°C.
6ème erreur.
L'erreur la plus colossale, et qui montre vraiment le peu de soin
apporté à la réalisation du dossier ou l'incompétence
surprenante des auteurs, est la suivante : dans le dossier, aussi
incroyable que cela paraisse, il est écrit explicitement
DT = 115°C = 388°K, c'est-à-dire une confusion
complète entre une « différence de température
» et une « température » !
Et la valeur utilisée dans le calcul de la hauteur
de cheminée est bien cette même valeur 388 !
N'importe quel débutant saurait faire la différence
entre un DT et un T et, évidemment, lorsque qu'une différence
de deux températures est calculée cela ne change
absolument rien que ces températures soient exprimées
en degrés celsius ou en degrés kelvins puisque ces
deux échelles ont exactement la même hauteur de barreau,
seule change l'origine (il y a un peu plus de 273 degrés
d'écart entre les deux origines).
La valeur 388°K utilisée
pour le calcul dans le dossier est doublement fausse.
La valeur correcte est 100°K.
Conséquence de ces erreurs,
la valeur 30,9 m pour la hauteur de cheminée
hp (= s exp1/2 / (R.DT)exp1/6) donnée dans le dossier
est totalement fausse.
La valeur correcte est 48,5 m soit. près de 18
mètres de plus !
La suite du calcul d'une hauteur de cheminée fait intervenir (cf détails in fine du présent courrier) les corrections à apporter à la hauteur hp en fonction des obstacles naturels ou artificiels qui sont de nature à perturber la dispersion des gaz.
Dans le dossier déposé, l'usine
Lafarge apporte un correctif de hauteur en fonction de la crête
carrière qui les amène à faire passer leur
hauteur cheminée calculée de hp = 30,9 m
à Hp = 35,3 m.
Et ils concluent ainsi que, avec une hauteur réelle
de 51,5 m, leur cheminée est « correctement dimensionnée
».
Dans le cas présent, le seul obstacle significatif - en fonction des données topographiques qui nous sont disponibles à l'heure actuelle, ce qui ne préjuge en rien des conclusions que nous pourrions être amenés à tirer avec des informations complémentaires - à prendre en compte semble effectivement être la ligne de crête carrière.
Si l'on prend les valeurs fournies directement
par le dossier Lafarge pour cette crête carrière
à savoir une côte altimétrique IGN de 270
m pour une distance d'éloignement di de 250 m de la cheminée,
on peut calculer la valeur Hi à prendre en considération
sachant que les textes légaux précisent que la hauteur
de la cheminée de l'installation doit être supérieure
ou égale à la plus grande des deux valeurs trouvées
pour hp et Hp (Hp est la plus grande de toutes les valeurs Hi
calculées pour les différents obstacles).
La distance di étant comprise entre 2 hp + 10 et 10 hp+
50, la formule de l'arrêté à appliquer (dans
laquelle hi est la différence d'altitude entre la base
de la cheminée, ici à 182 m, et l'obstacle) est
la suivante :
Hi = (5/4).(hi +5).(1 - di /(10 hp + 50) )
Ce qui nous donne une hauteur
nécessaire de cheminée de 61,9 m.
Soit 10 mètres de plus que la cheminée existante
!
Nous pensons que vous serez d'accord avec nous, M. Le préfet, pour dire que cette valeur se passe de tout commentaire.
Devant une telle accumulation d'erreurs dans un seul petit chapitre pas vraiment compliqué - celui du calcul d'une hauteur de cheminée - on ne peut que se poser de légitimes questions sur la validité du reste du dossier (pour lequel nous ne disposons ni du temps ni de l'ensemble des paramètres nécessaires à une analyse complète sérieuse).
On ne peut que rester stupéfait qu'un
dossier aussi peu soigné sur un point vraiment crucial
puisse être déposé pour valider une demande
aussi importante pour la santé publique qu'une co-incinération
de déchets et nous vous demandons
par la présente, M. le Préfet, de demander au directeur
de l'usine Lafarge-Contes de revoir sa copie et donc dans l'immédiat,
au vu de ce que nous venons de porter à votre connaissance
sur la hauteur de cheminée-four, de retirer purement
et simplement sa demande.
Docteur ès Sciences
Professeur à l'Université de Nice-Sophia Antipolis
P.S.
En liaison évidemment avec la hauteur
de cheminée-four, les pertes de charge à l'intérieur
d'un conduit, la ventilation mécanique et/ou le gradient
thermique nécessaires à une éjection et (surtout)
une dispersion correctes des gaz et des divers polluants, nous
nous permettons également de faire remarquer que la vitesse
moyenne des gaz en sortie de cheminée de l'usine Lafarge
a la valeur vraiment très faible de 8,1 m/s.
Alors que cette vitesse devrait être, toujours selon les
textes en vigueur (arrêté du 20 septembre 2002, art.
16c) « au moins égale à 12 m/s »
dans le cadre de cette demande de co-incinération.
Il s'en faut de 50% que cette valeur soit atteinte !
Dans le cadre d'une activité de co-incinération de déchets industriels, toute valeur de vitesse inférieure aux 12 m/s légaux que pourrait fixer un arrêté préfectoral d'autorisation reviendrait donc à faire peser sur la population locale un risque sanitaire injustifié.
Annexe
Le calcul de la hauteur de cheminée se fait conformément à l'arrêté du 2 février 1998 (+ arrêté du 15 février 2000) de la manière qui suit.
----------- A)
Une quantité « s »
(cf. ci-dessous) doit être calculée pour chacun des
principaux polluants (et l'on prend ensuite le s qui est égal
à la plus grande valeur des différents s calculés
pour chacun des principaux polluants ; nous n'avons développé
ci-dessus que le cas des oxydes d'azote car il correspond, avec
plus d'un ordre de grandeur, au s le plus grand).
s = kq /Cm
- k est un coefficient qui vaut 340 pour les polluants gazeux (et 680 pour les poussières).
- q est le « débit théorique instantané maximal du polluant considéré émis par la cheminée exprimé en kilogrammes par heure ».
- Cm est la concentration maximale du polluant considérée comme admissible. Cm = Cr - Co ; où Cr est une valeur de référence donnée dans l'arrêté du 2 février 1998 et, en l'absence de mesures de la pollution, Co est une valeur également donnée dans cet arrêté.
----------- B)
Puis on calcule ensuite une hauteur
hp qui est la hauteur (exprimée en mètres) minimale
que doit avoir, à ce stade du calcul, la cheminée
hp = (s exp1/2 )/ (R.DT)exp1/6
- R est le débit de gaz exprimé
en mètres cubes par heure et compté à la
température effective d'éjection des gaz.
[N.B. : on peut noter ici qu'en toute rigueur l'arrêté
précisant le calcul des hauteurs de cheminée aurait
dû également, puisque les c.n.t.p. correspondent
évidemment à une pression po à l'altitude
zéro, demander - même si la variation est souvent
faible - la prise en compte de la variation de pression de l'air
par la formule hypsométrique de Laplace p = po.e exp(-Mgh/RT
); ce que, curieusement, l'arrêté du 2 février
1998 ne fait pas]
- DT est la différence exprimée en kelvins entre la température au débouché de la cheminée et la température moyenne annuelle de l'air ambiant.
(S'il existe d'autres cheminées, on détermine l'ensemble des cheminées "dépendantes" - pour le polluant considéré - de la cheminée principale dont on recalcule hp ; les trois conditions simultanément nécessaires pour une dépendance sont définies à l'art. 55, arrêté du 2 février 1998)
----------- C)
A partir de cette hauteur hp, on calcule
alors les corrections à apporter à cette hauteur
en fonction des obstacles naturels ou artificiels qui sont de
nature à perturber la dispersion des gaz (avec diverses
conditions précisées dans l'arrêté
pour que ces obstacles soient pris en compte).
Pour de tels obstacles qui seraient à une distance di (distance horizontale entre l'axe de la cheminée et l'obstacle) et à une hauteur hi (différence d'altitude entre la base de la cheminée et l'obstacle), on calcule alors Hi qui vaut :
Hi = hi + 5 si di < 2 hp + 10
Hi = (5/4).(hi +5).(1 - di /(10 hp + 50) ) si 2 hp + 10 < di < 10 hp+ 50
On calcule ainsi les Hi pour l'ensemble des obstacles répondant aux conditions et l'on prend ensuite Hp la plus grande des valeurs Hi.
----------- D)
La hauteur de la cheminée de
l'installation doit être supérieure ou égale
à la plus grande des deux valeurs trouvées pour
Hp et hp.
Nous tenons in fine à préciser que nous avions signalé directement au Directeur de l'usine Lafarge-Contes et à son Ingénieur développement que leur calcul de hauteur de cheminée était totalement faux et qu'ils avaient largement le temps avant la publication de la présente lettre de (tenter de) justifier leurs valeurs (nous rappelons que les valeurs données dans le dossier déposé par Lafarge-Contes hp = 30,9 m et Hp = 35,3 m sont fort loin du compte !) ou alors, plus correctement, de déterminer puis annoncer publiquement la cause de leurs multiples erreurs et retirer d'eux-mêmes la demande de co-incinération.
Henri BROCH
Docteur ès Sciences
Professeur à l'Université de Nice-Sophia Antipolis
(Action Citoyenne pour un Meilleur Environnement)
B.P. n° 5
06391 CONTES Cedex
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