Comment le loup est-il arrivé en France ?

1. Un enjeu important...

Une chose est donc sûre, les loups sauvages sont de retour et font déjà largement parler d'eux. Mais comment sont-ils revenus en France ?
Cette question, qui paraî t somme toute peu importante, est pourtant cruciale pour l'avenir des loups français.
En effet, l'espèce Canis lupus est protégée par la loi dans le cadre de la convention de Berne depuis 1993, date de la signature d'un arrêté qui ajouta le loup à la liste des espèces protégées.
Cet ajout est uniquement valable dans le cas d'un retour naturel du loup.
Par conséquent, prouver que le loup a été réintroduit par l'homme pourrait conduire à la perte du statut d'espèce protégée.
Ce qui, bien évidemment, confère un enjeu non négligeable à cette question.

2. Un sujet médiatisé...

Depuis huit ans et l'apparition des premiers loups en France, les médias ont joué un rôle très important dans la diffusion des informations concernant le retour du loup. Les résultats de l'enquête montrent d'ailleurs qu'ils sont largement impliqués dans la perception du loup par la population :
Les quatre principales sources d'information des personnes interrogées étant :

Il serait donc intéressant de savoir quelles informations ont été véhiculées par les médias et dans quelles mesures elles ont pu influencer les opinions concernant le moyen d'arrivée du loup en France.
Dans ce dossier, nous avons choisi de nous pencher sur la presse écrite qui a consacré de nombreux articles à l'arrivée du loup.
Vous pourrez donc trouver dans cette partie une brève analyse de ces articles présentés chronologiquement :

Nice-Matin

14 Avril 1993, à l'annonce de la présence de deux loups par le parc du Mercantour, Nice-Matin annonce en première page que les loups sont venus de la chaî ne des Apennins, en Italie du Nord.
Le 12 février 1994, on pouvait lire dans ce même journal que les loups venaient " du massif des Abruzzes en Italie "
Le 30 juillet, l'auteur (Pierre Hillion) présente les différentes hypothèses et les opinions de leurs partisans. Il met en évidence la divergence d'opinion entre " spécialistes " et " bergers ".
Le 2 Février 1995, les loups, sont toujours présentés comme " en provenance d'Italie ".

Terre sauvage, Mai 1993

Ce numéro du magazine dédié au loup présente une belle enquête illustrée. Cependant, l'hypothèse d'une introduction n'y est pas évoquée.

Revue Panda du WWF France, été 1993, numéro53

Dans cette revue, l'hypothèse de l'arrivée naturelle est adoptée : " Ces loups sont venus d'Italie où la population compterait 250 individus actuellement en expansion "

Femme actuelle, 21/03/94 au 27/03/94

Dans un article sur la protection des loups, les loups sont décrits comme venant " des Abruzes, en Italie. "

Dans la revue Astrapi, l'auteur répond à la question " D'où viennent les loups du Mercantour " en affirmant qu'ils viennent d'Italie. "La frontière ne les a pas gênés ! "

Le ProvenÁal, dimanche 30 octobre 1994

Cet article sur le retour du loup est objectif : Il présente les faits en énonÁant l'hypothèse du retour naturel sans pour autant la certifier : " est arrivé, pense-t-on, des Abruzzes " puis diffuse une déclaration de Marie-Odile Guth qui explique pourquoi le Parc du Mercantour n'a pas introduit l'espèce Canis lupus.

La Croix L'Evénement, dimanche 5, Lundi 6 Février 1995

Dans un article sur le retour des loups en France, l'auteur présente l'arrivée naturelle des loups franÁais comme une évidence : " Leur origine a été aisément établie. En Italie, 400 de ces carnivores environ subsistent dans les Appenins. Ils sont progressivement remontés vers le Nord, jusqu'à Gênes, et, sans s'encombrer de formalités douanières, ont franchi la frontière pour gagner l'alléchant Mercantour où prolifèrent chamois et bouquetins. " Le contenu de ce récit n'est pourtant pas totalement vérifié.

Femme actuelle, 30/10/95 au 5/11/95

Ce bref article fait part de la " présence d'une douzaine de loups, venus d'Italie " sans présenter d'argument, le thème central n'étant pas son moyen d'arrivée.

Vie Agricole et coopérative, 14 Mars 1996, Numéro881

En première page et à la une du journal figure le titre : " Les loups ont été introduits ".
Au début de l'article, l'auteur affirme tenir " ces révélations de source bien informée, d'une personne dont la bonne foi ne saurait être mise en cause, qui a reÁu au moment des faits, les confidences d'un responsable du Parc national du parc national du Mercantour ".
Pourtant, on ne trouve dans cet article aucune trace de témoignage de cette personne de bonne foi!
Dès le premier paragraphe, l'auteur donne le ton et écrit qu'en novembre 1992, " des agents du parc national "observent" pour la première fois un couple de loup " sous-entendant ainsi que ces agents ont peut-être fait plus que les observer.
Plus loin, il soulève la question " Quelle est la raison qui a pu amener le parc du Mercantour à ne rendre publique, pendant six mois, la présence de canis lupus " et fait par du fait qu'une " activité très inhabituelle des gardes-moniteurs est observée " pendant cette période.
Immédiatement après, il propose une interprétation qui n'engage que lui sans même fournir de preuve : " en fait, ils [les gardes moniteurs] surveillent de faÁon quasi continue l'acclimatation de ceux qui ont érigés, à l'insu de tous, en hôtes de la montagne. "
A noter au passage que " à l'insu de tous " (mis en apposition) est vraisemblablement de trop : En 1995, un sondage SOFRES représentatif de la population franÁaise ’gée de plus de 15 ans a montré que 79% des franÁais voyaient le retour du loup comme une " bonne nouvelle ".
Sept paragraphes plus tard, H. Raschiotto fait allusion à une lettre du directeur de la nature et des paysages du ministère de l'environnement adressée au préfet des Alpes-Maritimes. Il la décrit comme " on ne peut plus explicite sur la volonté de réintroduire le loup dans d'autres massifs franÁais. " et reprend une partie de cette lettre pour appuyer sa thèse.
Pourtant, il n'est pas une seule fois question de réintroduction dans cette citation de la lettre sensée être explicite.
Peu après, l'auteur affiche en gras " Absence de traces dans le secteur proche italien ". Affirmation fausse, comme nous le verrons dans le paragraphe suivant.
Pour étayer sa thèse, H. Raschiotto utilise ensuite des témoignages portant sur le cas du parc naturel Alta valle Pesio et Tanaro. Parmi ces témoignages, celui de Beppe Audino, qui affirme avoir vu un loup et souligne un cas de prédation de canidés qu'il suppose (sans être certain) être des loups. Cependant, aucune analyse n'a été effectuée et la responsabilité des loups n'a pas été démontrée.
Cette attaque ne certifie ni la présence du loup, ni son absence! Pourtant, après trois autres témoignages, Hervé Raschiotto déclare : " Ces témoignages sont autant d'arguments qui démentent le retour naturel du loup ".
Comment des témoignages peuvent-ils être transformés en arguments ?
D'autant plus que ces témoignages révèlent le manque de rigueur dans les observations avant 1992 : En 1991, les attaques sont toutes imputées aux chiens errants car non analysés scientifiquement.
Et en 1995, c'est gr’ce à l'intervention du parc du Mercantour que la présence de loups est mise en évidence dans la région en question.
Ces éléments ne constituent pas des preuves de l'absence des loups entre les Abruzzes et Mollière mais permettent même de soupÁonner la présence de loups entre Gênes et le Mercantour en 1991.
Dans l'avant-dernier paragraphe de l'article, H. Raschiotto écrit : " Comment expliquer toutes ces invraisemblances, si ce n'est par le fait que les loups, arrivés dans le parc du Mercantour, ont emprunté un moyen de locomotion qui ne leur a pas permis de choisir leur site d'accueil ! "
Comment expliquer que l'on puisse tirer de telles conclusions sans même un seule preuve, si ce n'est par le fait que cet article est volontairement orienté par une modalisation omniprésente.

La Vie Agricole et coopérative, 30 Mai 1996, numéro892

Dans cet article, intervenant environ un mois après la publication de l'enquête du ministère de l'Environnement, Hervé Raschiotto dénonce " une enquête tardive! sans fondement scientifique ".
Bien qu'affirmant le retour naturel du loup, cette enquête s'appuie sur des documents scientifiques et n'est donc pas " sans fondement scientifique ".
Si, à la lecture de ce document, le retour naturel n'est pas prouvé, cela ne suffit pas à écarter cette hypothèse. Une fois de plus, H.Raschiotto conclut sur la certitude de la réintroduction en affirmant que " seule une hypothèse reste plausible "!

L'Union Monragalese, 22 août 1996, Numéro30

Dans cet article, des affirmations de l'assesseur Viglietta sont citées pour étayer l'hypothèse d'une introduction :
" Les loups des Maritimes arrivent de la France "
" Il est évident que le loup est arrivé sur le territoire italien depuis la France, où il a été probablement introduit pour contrôler la faune des ongulés, comme le mouflon dans le parc du Mercantour ".
Matteo Viglietta semble catégorique, et pourtant, quelques années auparavant, dans un livre sur la faune des Alpes piémontaises, il déclarait : " le loup, qui a survécu en Italie dans les forêts des Apennins et surtout dans le Parc des Abruzzes, a démontré récemment un dynamisme notable de population, [!],et a récupéré de vastes territoires desquels il avait disparu depuis longtemps. Ainsi, depuis la fin des années 80, un noyau de loups s'est installé dans les Apennins septentrionaux, entre Ligurie et Piémont et, plus récemment et de manière inattendue, des signalements sont arrivés des alpes Maritimes franÁaises. "

La Vie Agricole, du 18 au 24 Mars 1999 - Numéro1038

Le titre de l'article annonce immédiatement la faÁon dont est abordé le sujet :
" "Retour" du loup
S'ils voulaient savoir
"
Une fois encore, l'affirmation de la réintroduction ne s'appuie pas sur la preuve d'un l’cher ni même avec sur un document scientifique, mais sur un témoignage.
L'auteur n'hésite cependant pas à écrire : " qui, de bonne foi, s'intéresse aux conditions du retour du loup dans le Mercantour s'aperÁoit rapidement que celui-ci ne peut rien avoir de très naturel. "
Ce retour n'est sans doute pas " très naturel " mais il est possible qu'il soit naturel.
D'autre part, tout l'article repose sur la déclaration de Mr Roberto Pavan, dont la bonne foi ne saurait être mise en cause et qui déclare " Les loups présents dans notre province sont issus du Mercantour et de la vallée de la Roya " ; chose tout à fait possible, mais qui ne justifie pas forcément l'hypothèse d'une réintroduction : en admettant que les loups de la province d'Imperia proviennent de France, cela n'implique pas que des loups de passage n'aient pas pu traverser la province en sens inverse.
Pour écarter cette possibilité, H. Raschiotto, après avoir présenté l'action du corps forestier (qui a certifié la présence de Canis lupus à partir du 2 juillet 1996), pose la question " Auparavant, dans les années 90, des indices de présence du loup auraient-ils pu échapper à la vigilance des agents du corps forestier ? ".
Sans mettre en cause la compétence de ce service, il est concevable qu'aucun indice n'ait pu être trouvé vu la rapidité avec laquelle les loups peuvent parcourir de longues distances.
D'autant plus qu'il est écrit dans l'article que le corps forestier a " participé à des actions de recensement des mammifères " et que " Ces observations ont été menées de faÁon encore plus minutieuse lorsque la présence du loup a été annoncée dans la région de Gênes et du Mercantour ". Ce qui veut dire que les observations étaient moins minutieuses avant que la présence des loups ait été annoncée dans le Mercantour (en novembre 1992).
Comment expliquer qu'aucune analyse scientifique n'ait été effectuée lors d'un cas de prédation " de canidés " au nord de Tende en 1991 (fait utilisé pour justifier l'hypothèse d'une introduction par H. Raschiotto en mars 1996 dans ce même hebdomadaire).
Par conséquent, comment certifier qu'aucun loup n'est passé dans cette région avant cette date ?

Les informations diffusées par la presse écrite ne sont pas toujours objectives.

De plus, selon le type de lecture, les réponses concernant le moyen d'arrivée du loup sont parfois opposées.
Par conséquent, les opinions des personnes qui ont pu lire certains articles se trouvent influencées. Le sujet reste donc flou, voire mystérieux, et les résultats de l'enquête confirment cette incertitude : Si la majorité des personnes interrogées (51%) pensent que le loup est arrivé naturellement, au contraire, 37% d'entre elles penchent pour l'hypothèse d'une réintroduction par l'homme, et 12% n'ont pas donné d'opinion.
Autre fait intéressant, dans le département où sont arrivés les premiers loups (Alpes Maritimes), les opinions sont encore plus partagées : 43% des personnes ayant répondu au questionnaire pensent que le loup a été réintroduit et 42% pensent qu'il est arrivé par ses propres moyens (les 15% restant n'ayant pas d'opinion).
Les opinions sont donc très partagées...
On remarque également que la question n'est pas forcément traitée avec impartialité et que les réponses sont parfois liées à la position des personnes vis-à-vis du loup :
les opposants au loup ont tendance à le traiter comme un intrus : parmi les personnes contre la protection du loup, 64% d'entre elles affirment qu'il a été réintroduit.
Et inversement, 63% des défenseurs du loup (pour sa protection) affirment qu'il est arrivé naturellement.

Voyons donc quels sont les hypothèses et les arguments avancés concernant le moyen d'arrivée des loups dans le Mercantour.

3. Une arrivée naturelle ?

L'hypothèse de l'arrivée naturelle s'appuie sur le retour des loups depuis l'Italie, où les loups n'ont jamais été totalement exterminés et sont protégés par la loi depuis 1976.
Cette hypothèse s'appuie sur l'expansion géographique des populations de loups italiens :
En effet, chez Canis lupus, chaque meute possède un territoire dont les limites sont déterminées en fonction de l'abondance en nourriture. Ce comportement assure une régulation du nombre de loups dans un espace donné et provoque la migration de certains individus en cas d'augmentation de la population. Depuis 1976, le nombre de loups sur le territoire italien a quadruplé (il est passé de moins de 100 à plus de 400).
Les loups ont alors débuté une recolonisation à partir du Parc National des Abruzzes. Cette hypothèse est également étayée par plusieurs arguments :
Tout d'abord, les Apennins constituent un vecteur d'expansion géographique non négligeable gr’ce à sa faible densité humaine et l'abondance en ongulés sauvages qui constituent des proies pour les loups. Ensuite, la capacité des loups à parcourir de très grandes distances (plus de 100 km en quelques jours) peut expliquer une colonisation discontinue.
Enfin, la bonne adaptation des loups franÁais à leurs nouveaux territoires rend peu vraisemblable l'hypothèse d'un l’cher d'animaux auparavant en captivité (qui étaient donc en contact quasi-permanent avec l'homme).

4. Une réintroduction par l'homme ?

L'hypothèse de la réintroduction se base sur le fait que les loups n'ont pas pu arriver naturellement en France et qu'ils s'y sont donc installés avec l'aide de l'homme.
Nous n'avons trouvé aucune enquête officielle visant à démontrer que des l’chés ont eu lieu. Le principal argument de cette thèse est l'absence de preuve du passage du loup entre Gênes et Mollières (lieu où les loups ont été observés en 1992), distants de 150 km.
Cette idée est argumentée par le fait que cette zone est humainement peuplée.
Cependant, la présence humaine dans ces 150 km est un obstacle pour la dispersion du loup, mais elle ne permet pas d'exclure le passage de Canis lupus. En Europe, certains loups se nourrissent de déchets produits par des activités humaines ; dire que les loups ne peuvent pas s'approcher des zones habitées par l'homme n'est donc pas toujours justifié.
Parallèlement à cette hypothèse, des rumeurs circulent sur un possible l’cher clandestin. Ces rumeurs s'appuient sur plusieurs arguments ou idées :
L'intérêt économique de la présence des loups dans le Parc National du Mercantour : Certaines communes des Abruzzes ont développé le tourisme local gr’ce au loup.
Les loups auraient pu être réintroduit pour réguler le nombre d'ongulés sauvages dans le Parc national du Mercantour.

5. L'arrivée naturelle est-elle possible ?

Aucun document avanÁant des indices sur la réalisation d'un l’cher clandestin, cherchons à déterminer si les loups ont pu effectuer un retour naturel.

D'après l'hypothèse du retour naturel (considérée comme officielle par le Ministère de l'Environnement), les loups italiens auraient donc progressivement migré vers le Nord via la dorsale apennine et traversé la frontière franco-italienne pour s'installer dans le Parc National du Mercantour (1992).
Bien évidemment, de telles affirmations n'ont de sens que si les loups observés dans le Mercantour sont bien originaires d'Italie. C'est pour cette raison qu'une enquête génétique a été demandée. L'Université Joseph Fourrier à Grenoble a effectué des analyses des séquences de l'ADN mitochondrial prélevé sur divers cadavres de loups : Les résultats préliminaires du 13/09/96 (" L'info Loups ", novembre 1996) ont confirmé la parenté proche entre loups franÁais et italiens :

  • Aucune mutation détectée entre 2 loups du Mercantour
  • 2 points de mutations détectés entre 9 loups italiens (différence de moins de 1%)
  • 2 points de mutations entre les 2 loups franÁais et certains loups italiens (différence de moins de 1%).
  • La parenté entre loups rend impossible l'hypothèse d'un l’cher de loups dont l'origine n'est pas italienne et implique donc une capture clandestine en cas de réintroduction par l'homme.

    Si, sur le plan génétique, le retour naturel est donc plausible, seules des preuves fiables de présence dans toutes les zones séparant les Abruzzes du Mercantour peuvent certifier de l'arrivée naturelle.
    De telles preuves sont très difficiles à recueillir, du fait de l'extrême discrétion des loups. L'observation directe de ceux-ci étant rare, les seuls indices de présence sur lesquelles les enquêtes peuvent s'appuyer sont les traces (notamment dans la neige), les fèces, les cadavres de loups et les carcasses d'ongulés trouvés sur les lieux.
    De nombreux rapports et communications scientifiques rendent compte de la remontée vers le nord de Canis lupus à partir de ces indices.
    Les premières preuves de présence en Ligurie datent de 1983 (A.MERIGGI, 1995). Par la suite, cette présence a été régulièrement confirmée :
    En 1984, un individu a été trouvé mort dans la Province d'Alessandria, au nord de Gênes (A.MERIGGI, 1995).
    Durant l'hiver 1985-86, deux loups ont été trouvés morts en Ligurie (S.SPANO, 1994).
    En 1985, quatre loups ont été tués dans la province d'Alessandria (N.VILLANI, 1992).
    Dans une communication de l'Université de Gênes, le Docteur Andrea Marsan écrit en 1994 que deux couples ont été trouvés piégés dans des collets respectivement en 1990 (Rezzoaglio, province de Gênes) et 1991. Cette même communication fait également mention de 6 carcasses de loups trouvées dans le Bas Piémont dans les années 80.
    Une autre communication scientifique (F.FRANCISCI, L.BOITANI, V.GUBERTI, P.CIUCCI, G.ANDREOLI, 1991) dresse une carte de répartition des cadavres de loups retrouvés en Italie et met en évidence la présence de loups du sud de l'Italie jusqu'à l'est de Gênes tout en soulignant le rôle des Apennins dans la dispersion de l'espèce.
    La colonisation de la Ligurie est donc certaine et officiellement reconnue, mais le point d'interrogation demeure sur le territoire séparant Gênes du Parc National du Mercantour (environ 150 km). En effet, au cours de l'élaboration du dossier, aucun document scientifique assurant officiellement la présence de Canis lupus dans cette zone n'a pu être exploité.
    Seuls des témoignages de présence et des attaques attribuables aux loups permettent de soupÁonner la présence des loups entre Gênes et Mollières avant 1992.
    Cependant, aucun argument plus convaincant ne permet d'exclure le passage des loups, la plupart des revendications s'appuyant sur des déclarations et non sur des documents de nature scientifique.
    La présence des loups à l'ouest de Gênes n'a donc pas été démontrée avant 1992, mais elle a été ensuite prouvée, notamment en 1995, lorsqu'une attaque sur un troupeau d'ovins a été attribuée au loup dans la province de Savona (reconnue officiellement par les services vétérinaires de cette province).
    Cette recolonisation est d'ailleurs acceptée et utilisée par les partisans du retour naturel et de la réintroduction.
    Pour le retour naturel, cette colonisation prouve que les loups peuvent traverser cette zone et qu'ils ont pu le faire avant 1992 mais sans avoir été observés. Pour les partisans de la réintroduction, les loups actuellement à l'ouest de Gênes proviennent du Mercantour!
    Actuellement, la poursuite de l'expansion géographique du loup en France incite également à penser que les Alpes Maritimes ont été une étape dans la dispersion actuelle du loup en Europe. En France, des attaques de troupeaux ont déjà été attribuées au loup en Isère. Des dég’ts sur le plateau de Canjuers (Var) semblent également impliquer les loups (La Gazette de la meute, Numéro18, février 1999).

    L'arrivée naturelle est donc possible mais n'est pas prouvée.
    Le problème du mode d'arrivée du loup reste donc entier et aucune hypothèse ne peut être écartée.

    Source : Gruppo luppo italia

    6. La perception du problème par la population

    L'étude réalisée par l'intermédiaire du questionnaire a montré que la plupart des personnes interrogées donnaient une réponse à cette question sans pour autant posséder d'argument. Seuls 39% d'entre elles ont su avancer des éléments en faveur de l'une ou l'autre des hypothèses.
    Parmi les arguments répertoriés dans les statistiques du questionnaire, certains méritent d'être cités :

    En faveur d'une arrivée naturelle :

    La plupart des arguments cités pour l'arrivée naturelle sont ceux développés dans la partie précédente : " loups venus d'Italie ", " analyses génétiques ", " expansion géographique "!

    D'autre sont parfois erronés ou inexacts :

    En faveur d'une réintroduction par l'homme :

  • " disparition naturelle, apparition artificielle "
    Si la réapparition du loup est peut-être artificielle, sa disparition s'est faite avec l'aide de l'homme qui l'a éliminé en France dans les années 1940.

  • " distances et montagnes entre Italie et France "
    Cet argument est celui qui revient le plus souvent pour justifier l'hypothèse de la réintroduction. Rappelons donc que cette distance est d'environ 150 km et que les chaines de montagne jouent souvent un rôle de couloir de dispersion.

  • " Arrivée naturelle pas démontrée "
    En effet, l'arrivée naturelle n'est pas prouvée, mais la réintroduction l'est encore moins.

  • " Il aurait fallu qu'il vole "
    Après 1992, des attaques sur des troupeaux à l'Ouest de Gênes ont été attribuées aux loups du Mercantour. Pourquoi auraient-ils eu besoin d'ailes pour venir d'Italie alors que leurs pattes leur ont suffit pour faire le trajet inverse ?

  • " impossible de venir seuls du jour au lendemain "
    L'arrivée des loups dans le Mercantour a été effectivement inattendue. Mais leur dispersion du centre de l'Italie vers la Ligurie a été régulière et en 1983, il a été prouvé que les loups étaient déjà présents à l'est de Gênes.

  • " Comment auraient-ils traversé l'Italie sans se faire abattre ? "
    Malgré le braconnage, le loup est une espèce protégée en Italie et c'est gr’ce à ce statut que l'expansion géographique de l'espèce a commencé.

  • " Pourquoi serait-il venu d'Italie alors qu'il y prospère en toute quiétude ? "
    C'est justement gr’ce à cette prospérité que le loup a pu se développer en Italie où il a atteint un nombre important, l'obligeant à coloniser de nouveaux territoires.

  • " Réintroduction en Italie "
    Nous ignorons s'il a été introduit en France, mais une chose est certaine : Le loup a toujours été présent en Italie et n'y a pas été réintroduit.

  • " Pourquoi serait-il venu maintenant et pas avant ? "
    Le loup a été décimé en Italie jusque dans les années 1970, il a connu depuis cette date une augmentation de son nombre, ce qui a provoqué sa migration vers la France.

  • " Efforts des autorités pour minimiser les premières prises de loup "
    Il est difficile d'affirmer que le fait d'avoir caché la présence du loup pendant environ 6 mois constitue un argument en faveur de la réintroduction. En tout cas, les premiers indices de présence du loup dans le Mercantour ne sont pas des " prises " mais des observations.
  • Conclusion