Expériences

 

 

Lors de notre rencontre avec Jean-Jacques Garet (hypnotiseur), nous avons pu vérifier que cette technique se base uniquement sur la parole. C'est une science exacte, qui réfléchit grâce à la logique. Tout le monde peut pratiquer ce genre de manipulation, il suffit juste d'avoir un bon sens de la communication, de ne pas s'arrêter de parler et surtout de ne pas bégayer.
Monsieur Garet a pratiqué sur nous (Jonah et moi) une petite séance d'hypnose, avec comme particularité le fait que nous demeurions en état de conscience permanente. Cette expérience s'est révélée pour moi concluante, alors que pour Jonah, il apparaît qu'elle n'a pas fonctionné comme il l'aurait souhaité.
 
 

Expérience effectuée.

Apprentissage sous hypnose.

Communication hypnotique.

Constatation.

Conclusion.



Expérience effectuée.

La première chose qui frappe, c'est la dissymétrie de la situation : c'est en général l'hypnotiseur qui parle longuement, tandis que le sujet se tait et reste relativement immobile. Nous reviendrons sur cet aspect. En ce qui concerne le contenu du discours, de manière typique, le thérapeute dira par exemple au patient :
« Fixez votre regard sur ce point, et tandis que vous écoutez ma voix, vous allez vous détendre toujours davantage, ce point que votre regard fixe commence à devenir plus brillant et plus lumineux, etc. »
C'est là une induction tout à fait classique par fixation du regard.
Si l'on n'y prend pas garde, on ne remarque pas ce qui se déroule alors de très particulier sur le plan communicationnel : très rapidement, l'hypnotiseur parle comme s'il savait aussi bien que le patient, ou même mieux que lui, ce que ce dernier pense, éprouve, ressent vraiment. Et, si tout se passe bien, le patient se mettra effectivement à vivre les situations que l'hypnotiseur lui « suggère » : il sentira par exemple son bras gauche devenir rigide (catalepsie), tandis que le droit se soulèvera apparemment tout seul (lévitation du bras). Un peu comme si la limite, la frontière entre l'hypnotiseur et l'hypnotisé devenait floue, incertaine, comme si elle s'abolissait.
Il y a là, manifestement une rupture flagrante des règles ordinaires de la communication humaine. Dans celle-ci ordinairement, en effet, seule la personne concernée peut légitimement dire ce qu'elle ressent, ce qu'elle éprouve ou ce qu'elle pense. L'interlocuteur peut bien supposer des choses, les imaginer, mais il n'est pas en mesure de pouvoir affirmer ces impressions à la place de la personne concernée. Autrement dit, je n'ai pas le droit d'affirmer catégoriquement que telle personne a mal au pied gauche, ou que telle autre est incommodée par le parfum de sa voisine sous peine de me voir opposer des démentis cinglants de la part des intéressés..

Apprentissage sous hypnose.

Notre entretien avec J.-J. Garet nous a aussi révélé que l'apprentissage sous hypnose d'une langue ou d'une science pouvait se réaliser plus rapidement grâce à l'hypnose. Chacun d'entre nous associe aux mots ses propres valeurs (chacun a sa définition personnelle de l'amour) et l'hypnose peut changer ces valeurs (par exemple sa position vis-à-vis du tabagisme).

M. Garet nous a montré que notre subconscient retient un texte lu et que l'hypnose permet de créer un lien et de retrouver plus facilement ce texte.

Exemple : quand on marche dans la rue, notre regard a tendance à aller vers ce que l'on recherche ou ce que l'on aime (comme une passion pour un sujet). Ce n'est pas par hasard comme on pourrait se le dire ou le croire, mais parce que notre subconcient "voit" tout et repère ce que l'on cherche ou l'on aime ; notre regard sera donc attiré vers l'objet de notre recheche ou de notre passion.

Quand notre cerveau enregistre des formules mathématiques que nous lisons, il nous faut un certain temps pour les apprendre. Il s'agit ensuite de les "ressortir" au bon moment. L'hypnose, grâce à une pensée positive et à différentes méthodes (comme la méthode Couet), permet de retouver ces formules plus rapidement : cela devient un automatisme. Plus on s'entraîne et moins on doit réfléchir.

Exemple concret : le soir, après avoir lu ces formules, il suffit de se mettre en état de relaxation, de se dire "Je suis un excellent mathématicien." et d'avoir confiance en soi pour arriver à ses fins.

L'apprentissage d'une liste de mots sera par contre plus rapide en état normal de conscience qu'en état hypnotique car il existe plusieurs méthodes et techniques d'assimilation de listes de mots.

Communication hypnotique.

Dans la communication hypnotique, au contraire d'une communication classique, l'hypnotiseur se met à parler comme s'il lisait dans l'esprit du sujet. Il se met à parler comme s'il se trouvait en quelque sorte à l'intérieur de la tête, du corps de celui-ci.
Tout se passe donc dans l'hypnose, comme si le patient acceptait, dans une certaine mesure, de laisser parler l'hypnotiseur pour lui-même.
En réalité, il est clair que dans ce jeu de langage particulier, le sujet est loin d'être passif : les messages qui lui sont adressés sont souvent susceptibles d'avoir plus d'une signification, et c'est lui qui choisit de les interpréter d'une manière ou d'une autre.
C'est pouquoi il nous semble préférable d'utiliser une formulation qui reconnaisse la part active du sujet dans le processus : nous dirons donc qu'en hypnose, la transe se produit en relation avec un jeu communicationnel particulier, en rupture avec les règles ordinaires de la communication humaine, jeu communicationnel caractérisé par le fait que le sujet accepte de laisser coénoncer ses "états internes" par l'hypnotiseur.
On peut bien sûr penser que ce jeu communicationnel particulier n'a rien à voir avec l'hypnose. Mais on peut aussi explorer l'hypothèse inverse d'un lien important entre le phénomène hypnotique et le type de communication dans lequel il survient.
On avancera alors l'idée que la transe hypnotique se produit - notamment - à la faveur d'une "coénonciation d'un individu" par un autre, en violation d'une des règles ordinaires de la communication humaine.
En bref, on dira qu'il y a hypnose, notamment quand il y a "coénonciation d'un individu" par un autre.
Cette manière d'envisager les choses implique également directement la suggestion : il est clair en effet que si un sujet en laisse un autre prendre une part plus ou moins importante à l'énonciation de ses "états internes", cela revient à dire que ceux-ci lui sont dans une certaine mesure suggérés. Parler de coénonciation ne revient pas pour autant à parler seulement de suggestion. La coénonciation implique aussi une subversion profonde des structures normales de communication, et il est permis de penser que cette subversion n'est pas étrangère à la manière d'être et de se comporter que manifeste globalement l'hypnotisé. Car en abandonnant ce qui appartient en propre à sa position de "je" face à un "tu", en laissant se brouiller la différence et la frontière entre les deux, il passe par un processus qui a sans doute directement à voir avec les fondements de l'identité humaine.
D'ailleurs, si l'une des règles ordinaires de la communication humaine veut que le locuteur ne puisse valablement se référer qu'à ses seuls "états internes" et en aucun cas à ceux d'autrui, cette règle souffre d'une exception tout à fait remarquable.
Dans la relation entre la mère et le petit enfant, la mère sera normalement amenée fréquemment à verbaliser le vécu supposé de son enfant : s'il pleure, elle lui dira par exemple : "Tu as faim, je vais te donner à manger." ou bien "Ce sont tes dents qui poussent et tu as mal.". Faisant ainsi, la mère aide son enfant, c'est du moins ce que nous pouvons imaginer, à mettre de l'ordre dans le relatif chaos de ses vécus internes, elle l'aide à leur donner du sens. Mais pour qu'il puisse constituer son identité personnelle, il faudra qu'un jour, à la différence de certaines mères (ou pères !) de psychotiques, elle puisse supporter de s'entendre dire : "Non, ce n'est pas ça que je veux." ou "Non, ce n'est pas ça que je sens.".
A en juger par la structure communicationnelle formelle qu'elle met en place, l'hypnose semble donc instaurer un mode de communication isomorphe à celui de la mère avec son tout petit, structure caractérisée par la coénonciation d'un des communicants par l'autre.

Constatation.

Nous débouchons ainsi sur une constatation tout à fait remarquable : tout comme l'hypnose, la psychanalyse met en place une structure de communication qui viole une règle importante de la communication humaine ordinaire, celle qui interdit à quiconque de prétendre connaître mieux que la personne concernée ce que celle-ci veut dire, ce qu'elle pense, ce qu'elle perçoit ou ce qu'elle éprouve.
Par la violation de cette règle, l'un des deux communicants, à savoir le patient ou le sujet, se retrouve partiellement dépossédé de son privilège d'être le seul énonciateur légitime possible de ses propres "états internes".
Et l'autre - l'hypnotiseur dans un cas ou le psychanalyste dans l'autre - s'étant approprié une partie de ce privilège, se met à fonctionner comme coénonciateur des vécus du premier.
Comment un tel jeu communicationnel est-il possible? Comment la personne qui se prête à une séance d'hypnose ou qui entre en analyse en vient-elle à accepter jusqu'à un certain point de laisser l'hypnotiseur ou l'analyste accaparer une partie de ses privilèges de locuteur ?

On peut observer que, lorsque les règles ordinaires de la communication humaine sont modifiées, c'est souvent dans des contextes particuliers liés à des systèmes de croyances. Ainsi, le fait de s'adresser à des objets inanimés ou à des phénomènes naturels se rattache à des croyances magico-religieuses qui postulent l'existence d'un ou de plusieurs destinataires divins. Les croyances spirites légitiment le fait de s'adresser à des morts. Le prophétisme considère qu'une entité divine s'exprime par la voix d'un mortel, tandis que la démonologie voit dans le possédé l'instrument d'un intervenant diabolique.
Dans l'hypnose, la croyance qui légitime ce jeu communicationnel est semble-t-il directement liée au mot "hypnose" lui-même. Ce terme désigne tantôt l'état dans lequel est supposé se trouver le sujet, tantôt également l'ensemble de la situation y compris les comportement de l'opérateur. En même temps, il semble fonctionner comme une sorte d'explication des phénomènes ainsi désignés. D'autres croyances sont liées à des idées comme l'"influence", qu'elle soit magnétique ou autre, ou à la suggestion qui est également un avatar de l'idée d'influence.
La pratique communicationnelle analytique repose quant à elle sur un système beaucoup plus sophistiqué de croyances, élaborées par Freud et ses disciples, croyances qui constituent ce qu'il est convenu d'appeler la "théorie analytique".

Ces croyances sont en fait aussi alimentées par les patients. En montrant qu'ils ne comprennent pas ce qui leur arrive et qu'ils n'arrivent pas à empêcher des comportements "qui les dépassent", ils induisent un certain type de jeu communicationnel et les croyances qui vont de pair avec lui.

Dans l' Ego states therapy, technique d'hypnothérapie élaborée par John et Helen Watkins, les différents états du moi du patient sont invités à prendre tour à tour la parole, à décliner leur identité (leur nom, la date de leur apparition, les raisons de leur existence, les buts qu'ils poursuivent,...), et à interagir jusqu'à résolution des conflits qui les divisent et les opposent. Nous sommes là à la limite de ce qui se manifeste avec éclat chez les personnalités (supposément) multiples (Multiple Personnality Disorder ou M.P.D.), mais en Ego states therapy, c'est le thérapeute qui, très nettement, favorise l'émergence des subpersonnalités, en s'adressant au patient d'une manière qui implique l'existence en lui de telles entités lesquelles, autrement, n'apparaîtraient pas spontanément (ou pas à ce point). Pour ce faire, il utilise d'abord une induction hypnotique, et ensuite seulement, une communication qui implique plusieurs destinataires. Mais dans la mesure où elle rompt les rapports ordinaires à soi et aux autres, dans la mesure où elle favorise la dissociation, ce type de communication peut être considéré comme hypnogène .

Conclusion.

Il se manifeste en hypnose une structure communicationnelle caractérisée par ce que nous avons appelé la coénonciation.
On peut formuler l'hypothèse que le phénomène de transe hypnotique est lié à cette structure coénonciative et à la subversion corrélative des règles de la communication fondatrices de l'identité humaine. Simultanément, la coénonciation implique que le sujet accepte de se laisser partiellement envahir par des énonciations qui lui viennent d'un autre. La coénonciation implique donc nécessairement des effets de suggestion.
L'hypnose et la psychanalyse apparaissent donc fort proches sur le plan communicationnel. Il y a donc lieu de mettre sérieusement en doute la rupture proclamée par la psychanalyse d'avec l'hypnose. On comprend que certains aient pu parler de l'analyse comme d'une "suggestion au long cours", comme François Roustang, ou aient pu la considérer comme un "slow motion hypnosis", une hypnose au ralenti.