LES PASSES. | LA FIXATION DU REGARD. | LA SUGGESTION VERBALE. | LA SOLLICITATION DES ZONES HYPNOGeNES. | UNE SYNTHÈSE DE DIVERS PROCÉDÉS. | L'HYPNOSE FRACTIONNÉE. |
MESMER :
Assis en face du patient, les mains posées sur ses épaules,
il pratique des passes le long des bras, retient les pouces, puis
pose une main sur l'endroit supposé de la maladie.
DELEUZE : Méthode identique à celle de Mesmer, avec des passes sur tout le corps.
ESDAILE : Le patient est couché. Injonctions de dormir puis passes sur tout le corps, avec de temps à autre, projection de souffle chaud sur les yeux et le sommet de la tête.
BRAID :
L'état d'hypnose est obtenu par la fixation soutenue d'un
objet. Il suppose qu'il est dû à une sorte de crampe
oculaire. Mais, ayant obtenu les mêmes effets dans l'obscurité
et sur des aveugles, il conclut que cet état particulier
est induit par l'association d'idées et l'imagination.
LIEBEAULT :
Après quelques questions au patient, il le fait asseoir.
Puis il lui dit qu'il dort, et continue de parler, sur un ton
autoritaire. Dès qu'il est certain que le sujet est endormi,
il commence les suggestions.
PITRES :
Il ajoute aux suggestions des passes et des frictions de certaines
zones, déjà décrites par Mesmer : notamment
la base des pouces, le front, le sommet du crâne.
BERILLON :
Il fait une synthèse des différentes méthodes
: endroit calme, détente, attention requise par un métronome,
fixation d'une lueur bleue à 20 centimètres des
yeux, formules d'auto-suggestion et suggestions directes.
GROSSMANN, VOGT :
Le sujet est réveillé et rendormi directement après
la phase d'induction, le principe étant d'atteindre un
endormissement plus rapide et une transe plus profonde.
Il existe plusieurs techniques d'induction
qui varient avec l'opérateur et s'adaptent à la
personnalité du sujet. Toutefois, certaines conditions
sont généralement requises, en totalité ou
en partie :
- la diminution ou l'exclusion des stimulations extérieures, de manière à créer une ambiance favorable à la détente et au sommeil du sujet placé en position assise ou allongée.
- la fixation de l'attention, soit par un objet, soit par une association d'idées. La fixation par le regard ou la fascination, bien connue des pseudo-hypnotiseurs de music-hall, relève du folklore et n'est pas utilisée par les chercheurs.
- les stimulations auditives. L'opérateur répète les suggestions d'une voix monotone. Le ton autoritaire employé autrefois a fait place à une approche plus souple adaptée aux différents cas.
- l'établissement d'un "rapport",
c'est-à-dire d'une relation de confiance entre le médecin
et le malade, surtout si l'hypnose doit être utilisée
dans un but thérapeutique.
L'hypnose à vocation thérapeutique s'opère généralement par voie verbale, mais elle peut également s'exercer par voie non verbale. On pratique ainsi des séances d'hypnose prolongée agissant comme une "cure de sommeil ". Le mode d'action de cette technique sera interprété par les tenants de l'explication physiologique (école pavlovienne) comme un effet physique bienfaisant produit par une "inhibition restauratrice" des fonctions cérébrales. Les défenseurs de la psychologie subjective parleront d'un état de régression psychologique particulière. Quelles que soient les théories, dans la pratique, l'action thérapeutique s'opère généralement par la communication verbale, par des suggestions directes visant à la disparition des symptômes. Cette communication verbale peut inclure également, surtout chez les intervenants russes, un caractère persuasif et éducatif ayant pour but le reconditionnement du malade vers des comportements plus sains. Dans ce cas de figure, le patient reste passif. Un autre mode d'application de l'hypnose, qui suppose une certaine participation du sujet, est la méthode cathartique (c'est elle qui a ouvert la voie à la psychanalyse). Grâce à elle, on fait revivre au patient des émois refoulés, liés à des traumatismes, cette reviviscence pouvant provoquer la disparition des symptômes. Signalons enfin l'hypno-analyse, qui combine les procédés hypnotiques et analytiques (association libre et interprétation). Cette technique n'est pas encore codifiée dans les détails, mais elle apparaît prometteuse avec les derniers développements de la théorie psychanalytique précisés plus avant.
Les théories sur l'hypnose se répartissent
en trois tendances, inspirées respectivement par la physiologie,
la psychologie expérimentale et la psychanalyse.
Les théories physiologiques sont centrées sur les rapports entre le sommeil et l'hypnose considérée par les pavloviens comme un sommeil partiel. Cet état de sommeil particulier, intermédiaire entre le sommeil et la veille, comporte des phases hypnoïdes, ou phases de suggestion, pendant lesquelles diverses modifications physiologiques, impossibles à obtenir dans l'état de veille, peuvent se produire.
L'absence de signes physiques dans l'hypnose a conduit à l'abandon de la théorie somatique de Charcot au profit de celle de Bernheim, selon laquelle tout est suggestion. Partant de ce point de vue, les psychologues se sont attachés à étudier la suggestibilité qui, pour l'essentiel, serait une forme d'"apprentissage" ; l'hypnose perdait ainsi en quelque sorte sa spécificité.
L'aptitude d'un patient à être hypnotisé est un point intéressant. On distingue grosso modo trois stades dans la transe hypnotique : la transe légère, moyenne et profonde. Il existe relativement peu de sujets (environ 1% de la population) qui sont capables d'entrer en transe profonde ou "somnambulique", dans laquelle l'hypnotisé peut garder les yeux ouverts, se mouvoir et se comporter apparemment comme dans son état habituel, tout en répondant docilement aux suggestions qui lui sont soumises. Parmi ces derniers sujets, il en est qui sont capables de subir des interventions chirurgicales sans l'aide d'aucun agent chimique, d'autres chez lesquels on peut produire des brûlures au deuxième degré par suggestion .
Cette technique d'autohypnose, qui prend
aussi en compte la méthode d'autosuggestion d'Emile Coué,
vise à provoquer une déconnexion générale
de l'organisme.
Le Training Autogène de Schultz
(TAS) est une technique d'autohypnose.
Training autogène signifie "entraînement
par soi-même". Il a été mis au point
au début du siècle, par le médecin psychothérapeute
allemand Johannes-Heinrich Schultz.
Ce dernier, qui pratiquait l'hypnose, s'inspira
également de la méthode d'Emile Coué, une
autosuggestion à base de formules répétées.
Le TAS est considéré comme une autohypnose au cours
de laquelle le niveau de vigilance est moins abaissé que
lors de l'hypnose proprement dite. Cette technique est très
utilisée en Allemagne, au Japon et dans les pays scandinaves.
En France, elle est pratiquée, en cabinet et en hôpital,
par des psychothérapeutes et par certains naturopathes.
À l'hôpital, elle est surtout répandue en
psychiatrie (à l'hôpital de la Pitié, à
Paris, dans le service du Pr Allilaire notamment), mais aussi
par exemple dans le service d'alcoologie à Beaujon (92,
Clichy), dans les centres antidouleur et en anesthésie.
Le training autogène se déroule
par étapes. Il se compose de six exercices qui visent "à
produire une déconnexion générale de l'organisme,
par une modification volontaire de l'état tonique",
précise André Passebecq, naturothérapeute.
Ces six exercices concernent successivement les muscles, le système
vasculaire, le coeur, la respiration, les organes abdominaux,
la tête. Le patient effectue un exercice différent
à chaque séance. Six séances sont donc nécessaires
pour réaliser l'ensemble du training autogène.La
personne peut s'installer, soit en position assise, soit en "cocher
de fiacre" (c'est-à-dire assise, la tête penchée
en avant), ou mieux, allongée, les pieds bien au chaud.
Le TAS invite à se concentrer sur des formules précises
qui induisent à porter son attention sur ce que l'on ressent.
Le premier exercice débute par le rituel : "Je suis
tout à fait calme.", phrase prononcée par le
praticien ou le thérapeute, qui poursuit : "Mon bras
gauche (droit) est lourd.", "Mon corps est lourd.".
Le patient imagine, sent que son esprit est calme et que son corps
est lourd. Il se détend. Chaque exercice dure de vingt
à trente minutes. Effectué avec un thérapeute
une fois par semaine environ, il est souhaitable de le refaire
quotidiennement chez soi. Cette méthode demande que l'on
fixe son attention sur la respiration, qui doit être naturelle.
Pour le second exercice, le praticien prononce à nouveau
ces mots : "Je suis tout à fait calme.", "Mon
bras gauche (droit) est lourd et chaud.", "Mon corps
est lourd et chaud.". Et il ajoute : "Mon coeur bat
calmement.". Lors de la séance suivante, il ajoutera
: "Ma respiration est tout à fait calme." puis
: "Ça respire.", puis : "Mon plexus solaire
rayonne d'une douce chaleur." et enfin : "Mon front
est frais.". À la fin des six exercices, un temps
de reprise de l'activité est ménagé, des
étirements sont effectués. "Les réactions,
au moins dans un premier temps, doivent être contrôlées
par un praticien, souligne André Passebecq, car cette déconnexion
favorise les états de régression. La personne peut
ressentir des angoisses, des sensations de membres morts. Elle
peut à ce moment-là se rappeler des cauchemars.
Le praticien, qui a dû lui-même s'initier au TAS,
est alors là pour rassurer."
La méthode de Schultz reprend logiquement ses hypothèses théoriques. Elle constitue un apprentissage progressif amenant le sujet vers une "concentration intériorisante."
Les principaux points sont une relative isolation sensorielle, l'obtention d'un calme psychique, puis l'apparition d'une sensation de pesanteur (d'abord limitée à un bras), et enfin l'apparition d'une sensation de chaleur.
L'isolation sensorielle nécessite un lieu calme, silencieux, une température de la pièce ni trop élevée ni trop basse, la fermeture volontaire des yeux et une position confortable du corps, diminuant dans la mesure du possible les tensions musculaires.
Pour l'induction au calme, le sujet répète intérieurement la formule "Je suis tout à fait calme.". Puis il travaillera sur l'apparition de la pesanteur, en commençant par un bras, pour la laisser ensuite se généraliser à l'ensemble de son corps. Il se répétera intérieurement : "Le bras est tout lourd.".
Il existe toute une gradation des exercices permettant d'obtenir dans le cycle supérieur des phénomènes de visualisation et d'autres phénomènes psychologiques complexes.
Le training autogène de Schultz
nous paraît reproduire l'erreur classique qui suppose l'existence
de phénomènes hypnotiques spécifiques. Cette
méthode démontre la possibilité pour un sujet
de développer seul une gamme de réponses hypnotiques.
Ce résultat est important et il confirme la nécessité
de tenir compte des modifications subjectives pour comprendre
l'hypnose.
Seulement Schultz insiste sur deux phénomènes
: la chaleur et la pesanteur. Il est très facile de démontrer
par des contre-exemples que ces deux éléments n'ont
pas un caractère obligatoire et nécessaire dans
les états hypnotiques ou autohypnotiques. Contrairement
à ce que Schultz affirme, sa méthode demeure une
technique d'autosuggestion et elle intègre comme obligatoires
des paramètres qui ne sont que facultatifs.
Dans le récit de la transe de Bleuler, Schultz retient la description du calme, la concentration sur soi et l'apparition d'une sensation de chaleur traversant le corps de la tête aux pieds. Il pense avoir ainsi isolé le noyau constant des phénomènes hypnotiques. Les arguments physiologiques comme sa comparaison du sommeil physiologique et de l'hypnose ne sont pas suffisamment fiables. Par contre, il existe d'authentiques transes hypnotiques, avec des sensations d'angoisse, des contractions musculaires et des bras rigides et froids.
Nous n'en savons pas grand chose. Nous ne sommes même
pas certains qu'il s'agisse à proprement parler d'un état.
Et nous ne savons pas exactement si nous ne serions pas en droit
de considérer des états comme ceux qui se produisent
lors de danses rituelles, au son des tambours, dans un village
africain, ou comme ce qui se passe lorsqu'un tibétain fait
tourner son moulin à prières, ou encore l'expérience
vécue dans un caisson d'isolation sensorielle, comme semblables
aux phénomènes auxquels nous assistons lors d'une
séance d'hypnose.
Ce que l'on peut toutefois signaler, c'est que dans toutes ces
situations, on observe une certaine rupture des relations ordinaires
de l'individu avec l'environnement. Il s'agit de contextes fournissant
des stimuli monotones ou répétitifs, des contextes,
donc, fort pauvres en informations. Et en hypnose, manifestement,
la répétition et la monotonie constituent un ingrédient
important de la technique, qu'il s'agisse de la répétition
des gestes - je pense aux passes magnétiques - ou de la
répétition des paroles, flagrante dans l'hypnose
classique, plus subtile dans l'hypnose éricksonienne.
Mais il semble y avoir une différence importante entre
la transe proprement hypnotique, et d'autres contextes inducteurs
de transes comme le caisson d'isolation : c'est que l'hypnose
telle que nous la pratiquons s'inscrit dans un contexte communicationnel.