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LES PETITS MINEURS DU CAILLOU

LE FRANÇAIS ET LA MINE EN NOUVELLE-CALÉDONIE

Mireille Darot

Université de Paris III

 

Introduction

À travers la réponse à une devinette que nous aimerions poser au lecteur en guise d’introduction : "Mon premier désigne avec tendresse un pays et mon second réfère au mythe du pionnier qui a fait fortune à force de persévérance", nous voudrions apporter une nouvelle illustration à la classification des changements lexicaux dans le français parlé et écrit en Afrique noire, proposée par Suzanne Lafage en 1985, et une preuve de plus que cette classification est opératoire[1] pour qui s’intéresse à la variation du français en francophonie.

En effet, pour répondre correctement à notre devinette, il faut connaître l’usage d’un français parlé très loin de ce continent africain cher au cœur de notre amie, dans une île du Pacifique située à 3000 km à l’est de l’Australie : la Nouvelle-Calédonie. Dans ce français parlé aux antipodes de l’Hexagone, des lexies bien attestées dans le français standard (caillou, petit, mineur) sont utilisées pour désigner avec tendresse ce pays même, la Nouvelle-Calédonie (Le Caillou) et pour référer aux représentants de grandes fortunes locales (les petits mineurs).

Ces calédonismes dont la signification contraste fortement avec celles des lexies du français standard ("caillou, petit mineur") qui s’incarnent dans le même signifiant, correspondent aux "particularismes sémantiques"[2] de la classification de Suzanne Lafage. Ils illustrent aussi un thème développé par Suzanne Lafage dans son enseignement[3], à savoir que la vie d’une langue passe ce que l’on "fait" au sens propre en la parlant.

1. Travail à la mine et pratique de la langue française

On ne peut, en effet, rendre compte de ces calédonismes sans rappeler que pratique de la langue française et travail à la mine sont étroitement liés dans cette île du Pacifique qui a été le deuxième exportateur mondial de nickel[4] (1975) et le troisième de chrome (1896-1912) et que le français calédonien (un français argotique et populaire à l'origine, soumis à des pidginisations successives) s’est façonné en grande partie au travers des échanges langagiers sur ces mines à ciel ouvert dont l'exploitation fut manuelle jusqu'à la fin de la dernière guerre mondiale, dans ces campements perchés en haut de la chaîne où les hommes, bagnards et travailleurs étrangers, séjournaient la semaine entière[5].

1.1. L’exploitation minière a joué un rôle certain dans l’implantation du français[6] comme langue véhiculaire entre ceux qui travaillèrent parfois "côte à côte à frant"[7] face au gradin d’exploitation, francophones natifs, bagnards, relégués ou libres, et non-francophones, néo-hébridais, japonais, indonésiens, vietnamiens. Ces "recrutés sous contrat", dont les archives de la SLN ne conservent que leur numéro d’immatriculation dans le décompte de leur salaire ou de leur accident mortel[8]. Cette "chair à mine", objet d’évaluation très précise par rapport à son rendement[9], dont les descendants s’identifient aujourd’hui comme Calédoniens lors des recensements effectués par l’Institut Territorial des Statistiques Économiques et Sociales[10] et commémorent leur centenaire de présence sur le Territoire[11]. Le travail à la mine a représenté et continue à représenter[12] une étape dans l’acquisition du français calédonien pour les non-francophones natifs qui se sont établis en Calédonie dans un processus qui conduit à l'adoption du français calédonien comme langue vernaculaire par les enfants de ces locuteurs[13].

1.2. Parce que sa bonne marche impose une rédaction régulière de divers documents qui relèvent d’un "écrit spécialisé" (tableau de bord journalier, rapports au Service des Mines, bilan annuel, compte rendu sur l’avancement des chantiers, comptabilité, etc.) et qui respectent la norme du "bon usage", l'exploitation minière a contribué à donner une assise à la langue française (en renforçant sa fonction de langue officielle) dans cette lointaine colonie où elle eut du mal à s'implanter si l'on en croit les rapports d'administrateurs et les récits de voyageurs de la fin du siècle dernier qui notent (avec amusement ou agacement) que l'on y parle le "bichelamar"[14] (un pidgin anglais du Pacifique) avec les "indigènes" et le plus souvent l'anglais entre colons "libres"[15].

2. Mine et implicite calédonien

L’interprétation de ces calédonismes fait apparaître la place qu’occupe la mine dans la construction d’un implicite calédonien à travers l’intrication de références économiques, politiques et culturelles.

On dit souvent que l’histoire contemporaine de la Calédonie suit le cours du nickel, les historiens établissant un parallèle entre les crises politiques qu’a connues la NC et les fluctuations du marché des minerais.

Dans les essais qui traitent des "événements" de 1984-87, les conflits violents entre "loyalistes" et "indépendantistes" auxquels les Accords de Matignon de 1988, signés respectivement par Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou, ont (provisoirement ?) mis un terme, la crise économique qui a suivi le "boom" du nickel de 1970-71 est souvent évoquée comme l’une des causes[16] qui ont favorisé l’éclosion d’une prise de conscience des militants kanak[17]. Et actuellement, c’est-à-dire pour la période à laquelle nous écrivons, celle de la veille du référendum d’auto-détermination de 1998 inscrit dans les Accords de Matignon, la maîtrise de l’exploitation minière est revendiquée par le mouvement indépendantiste[18] qui, à la suite de l’application des Accords de Matignon, a déjà pris en main l’exploitation d’une mine de la Province nord qui auparavant appartenait à un petit mineur : Jacques Lafleur.

Pour certains kanak[19] de Lifou, la rémunération du périlleux travail du chargement de minerai qu’effectuaient ces marins expérimentés[20], "de bord à bord" dans la houle du Pacifique, des barges aux minéraliers qui ne pouvaient accoster en raison de la barrière de corail, a représenté un apport monétaire non négligeable qui était intégré dans le système complexe de "dons contre-dons" que représentent les échanges coutumiers à l’occasion des mariages ou des décès[21].

Enfin et surtout, le coup de mine[22] représente "le coup de chance" dans l’imaginaire[23] des familles calédoniennes dont chacune compte au moins un membre qui a travaillé à un moment ou l’autre sur mine[24] à la prospection ou à l’exploitation minière.

3. Le Caillou : hypocoristique de la Nouvelle-Calédonie

3.1. Le Caillou, en français calédonien, c'est la "Grande Terre". Cette île en forme d'allumette comme l'enseignent les manuels de géographie aux enfants calédoniens, posée bizarrement à 1500 km environ à l'est de l'Australie. Son orientation Sud-est, Nord-Ouest épouse celle des vents dominants, les alizés, mais elle ne peut la protéger de la violence, régulièrement imprévisible, des cyclones[25]. Le tiers de sa superficie est couvert par les massifs miniers de la Chaîne centrale, particulièrement importants au sud, plus isolés au centre et au nord. Les gisements de nickel se trouvent sous la couche ferrugineuse qui coiffe les roches péridotites.

3.2. La richesse du sous-sol de l’île de la Grande Terre, explique la motivation sémantique de la métonymie utilisée pour la désigner en français calédonien :sur mine, le caillou, c'est le minerai brut avant que soient effectuées les opérations de criblage qui, dans le tout-venant, séparent le minerai sain du refus (le minerai stérile secondaire), rejeté par le tritout[26].

3.3.Mais, dire Le Caillou, ce n’est pas seulement désigner la partie pour le tout, c’est d’une certaine manière manifester sa tendresse pour ce pays. C’est exprimer son attachement pour cette île où les saignées rouges des mines à ciel ouvert, taillées dans le vert sombre des pentes abruptes de la Chaîne, surplomblent le camaïeu de turquoise du lagon au bleu sombre du Pacifique dont l’écume blanche roule dans un grondement grave sur la barrière de corail. C’est implicitement rappeler sa "calédonitude", comme l’illustrent ces quelques extraits de la presse calédonienne.

Elle (nageuse calédonienne) a décroché le titre de championne d’Europe junior du 100 mètres papillon en 1’03’’04 centièmes. (...) J’étais simplement partie pour faire une finale, explique-t-elle à nos confrères de Radio Rythme Bleu et lorsque j’ai vu le résultat, j’étais surprise et bien sûr très contente. J’ai tout de suite pensé au Caillou, à toutes les personnes qui m’ont fait confiance et qui m’ont soutenue.[27]

"Monsieur T." (Robert Teritehau, champion calédonien de planche à voile) déplore que le Caillou ne soit connu en Métropole que depuis les événements tragiques qu’il a subis il y a dix ans. Mais ce qu’il regrette par-dessus tout c’est que la Nouvelle-Calédonie, au-delà des frontières de l’Hexagone, semble ne pas exister.[28]

Cette jeune Calédonienne quitte le pays après son bac pour intégrer hypokâgne et kâgne, classes préparatoires au concours de l’École Normale Supérieure. Elle échoue au concours mais obtient des équivalences pour s’inscrire en licence d’histoire à la fac d’Aix-en-Provence. Son diplôme en poche, elle rentre sur le Caillou en 1994 afin d’intégrer l’IUFM. "J’avais peur qu’en faisant l’IUFM à Aix, cela m’oblige à enseigner en Métropole" explique-t-elle (...). Elle obtient le concours du CAPES en septembre dernier. (...) J’espère avoir un poste ici en septembre. Dans le meilleur des cas ce sera la brousse, dans le pire des cas, ce sera la Métropole.[29]

3.4. C’est au nom de cette calédonitude partagée que Jean-Marie Tjibaou appelait en 1974, dans son dossier de préparation[30] du festival Mélanésia [31]2000 à la reconnaissance de l’identité des autochtones du Caillou, les Kanak :

La motivation profonde de ce festival est la foi en la possiblité d’instaurer un dialogue plus profond et plus suivi entre la culture européenne et la culture autochtone. En effet, la coloration et la saveur du Caillou ne peuvent être données que par l’acceptation et une certaine assimilation de la culture originelle du pays.

3.5. Dans cette période incertaine qui suit les accords de Matignon de 1988 et qui précède le référendum d’auto-détermination de 1998, Le Caillou a pris une connotation politique implicite en raison de ses valeurs hypocoristique et identitaire. Son usage exclut toute agressivité à l’égard de quiconque et son référent est construit à partir de ce qui fait la vie du pays depuis plusieurs générations, la mine, et non pas par contraste par rapport à un autre pays, comme la Nouvelle-Calédonie nommée ainsi par le capitaine Cook parce que le vert embrumé de la Chaîne lui rappela son pays natal, l’Écosse (Caledonia en latin) ou encore par une relation de dépendance (le Territoire) à un autre (la Métropole)[32].

Aussi, Le Caillou est-il utilisé par ceux qui, établis dans le pays tout en n’étant pas autochtones comme les Kanak, ne peuvent pas employer Kanaky, même s’ils ne sont pas anti-indépendantistes, parce que Kanaky est vécu comme excluant les non-Kanak. En effet, ce terme de non-Kanak qui, dans la bouche des indépendantistes, réfère à tous ceux qui ne sont pas les mélanésiens de Calédonie, englobe par là-même ceux qui n’ont jamais vécu en Calédonie et ceux qui y ont fait souche depuis plusieurs générations ainsi que les niaoulis[33].

Ce sont ceux-là même qui, parce qu’ils sont établis dans le pays, se sentent radicalement différents des zoreilles (les métropolitains) et qui expliquent combien la lutte des Kanak pendant les "événements" leur a fait prendre conscience de leur identité[34]. Ce sont ceux-là précisément qui, parce qu’ils se sentent profondément calédoniens, ne sont pas assurés que le maintien à tout prix de la "Calédonie dans la République"[35] soit la solution pour continuer à vivre sur Le Caillou.

4. Les petits mineurs : les grandes fortunes calédoniennes.

4.1. Sur le Caillou, parler des petits mineurs, ce n'est pas s'apitoyer sur le sort des pauvres travailleurs. C'est faire implicitement référence à des données de l'économie calédonienne qui ont trait à l'extraction, à la transformation et à l'exportation des minerais, mais aussi à l'élevage extensif et à l'import-export.

C'est savoir que l’on peut comparer les petits mineurs à la Société métallurgique Le Nickel SLN[36] par rapport à leurs taux respectifs de production et d'exportation du minerai :

L'exploitation minière est le fait essentiellement de la SMLN-SLN filiale de la société française ERAMET-SLN et de ce que l'on appelle, en Calédonie les petits mineurs ou mineurs indépendants qui sont, en fait, les quelques grandes familles caldoches. La production totale de ces dernières années fluctue autour de 3 millions de tonnes (3,4 en 1988) dont environ 47 % par la SLN et 53 % par les mineurs indépendants. (...) Les petits mineurs représentent 92 % des exportations de minerai en 1990 face à 8 % pour la SLN.37[37]

Ou bien encore par rapport à la masse d’emplois offerts :

La SLN est le deuxième employeur du territoire après l'administration. Au 31 décembre 1990, sur 859 emplois sur mines, la SLN à elle seule en totalise 408. À cela viennent s'ajouter les 213 emplois de sous-traitants de roulage du minerai, "rouleurs", et les 303 emplois des autres sous-traitants, "contracteurs", soit un total de 1.375 emplois.[38]

C'est savoir aussi, comme l’explique un haussaire[39] dans un ouvrage de la Documentation française[40] que "La mine a (...) permis à quelques grandes familles calédoniennes de constituer ou de conforter des empires diversifiés (élevage-commerce) avec les bénéfices importants et peu imposés pendant les années fastes"

4.2. Parler des petits mineurs sur le Caillou, revient à exalter un "mythe calédonien" selon les termes du haussaire que nous venons de citer[41]. Ainsi est décrit en 1976, sous la plume de l’un des présidents[42] de la Société d’Histoire de Nouvelle-Calédonie (SHNC), un "type de petit mineur" d’entre les deux guerres :

Prospecteur et mineur de la "Belle époque", Georges Baudoux a vécu la rude vie des chercheurs isolés, puis celle des exploitants miniers. Pourtant il n’a pas ramassé la "grosse galette" des retombées minières ! Il a acquis l’aisance, c’est tout. Par monts et par vaux, à pied et à cheval, il a suivi les traces subtiles que les métaux laissent parfois sur le sol. Il a couché à la dure, subi les intempéries, mangé ce qu’il avait, subi la soif (...). Mineur, il a habité des cases en "peau" de niaouli[43], ou des gourbis[44]canaques. Il a creusé des puits, percé des tunnels, (...) installé des va-et-vient. Mais il a surtout (...) accepté l’isolement et la promiscuité ; Il l’a fait par nécessité au début. Puis il a observé, noté dans sa mémoire (...).

Notons que le petit mineur Georges Baudoux est l’auteur d’une chanson souvent citée par les calédoniens. Les différents postes de travail sur une mine de cobalt d'un petit mineur indépendant, un cobaleur, y sont décrits dans une langue argotique qui a représenté l'usage du français parlé sur mine, puisque les bagnards pouvaient être affectés aux pénibles travaux de la mine, par contrats, dits de chair à mine[45], passés avec la Pénitentiaire et que les évadés trouvaient souvent refuge auprès des petits mineurs, exploitants indépendants. Comme nous l’avons dit en introduction, ce français argotique est à l’origine du français calédonien. Aussi, trouve-t-on dans le troisième couplet de cette Chanson des cobaleurs (1896) :

Lorsqu'on pique dans le cobalt

Ca va bien 

Mais si g'na que peau de balle

Cré coquin

Il faut fair' du terrass'ment

Et pousser de l'avanc'ment

Oui c'est ça qui est marrant

Sal'turbin

la trace d'un "quantificateur ordinaire" du français calédonien actuel : peau de balle[46].

Il est vraisemblable que pour la jeunesse calédonienne actuelle, le nom de Georges Baudoux[47] évoque davantage un écrivain qu’un petit mineur. Georges Baudoux, en effet, consacra la fin de sa vie à l’écriture après avoir fait paraître dans les journaux locaux ses premières œuvres sous le pseudonyme de Thiosse, (prononciation "indigène" de son prénom).Ce personnage d’écrivain petit mineur calédonien fut d’ailleurs caricaturé dans le roman (anticolonial) de l’un de ses compatriotes[48] : "Un stockman enrichi dans les mines, nommé Baldox, qui se prenait pour Chateaubriand parce qu’il écrivait des histoires canaques".

Dans ce même opuscule de l’historiographie calédonienne[49], les petits mineurs contemporains sont nommés sans que soient explicités leur richesse et leur pouvoir :

Aujourd’hui (en 1975 après le boom du Nickel de 1970) les "petits mineurs" existent toujours, mais leur catégorie est en cours d’évolution. Ils ont pour noms les plus représentatifs : René de Rouvray, Jacques Lafleur, Georges Montagnat.

En revanche, dans un ouvrage[50] destiné à un public métropolitain, l’ambivalence sémantique de petit mineur est clairement exposée :

Si les petits mineurs, exploitants indépendants devenus des hommes d’entreprise et d’habiles financiers, jouent dans l’économie du pays une partie serrée avec la toute puissante SLN, on ne peut oublier la modestie de leur origine et leur ténacité. L’un d’eux, Clément Brunelet avait travaillé dès l’âge de quinze sur les mines. (...). Parmi ces futurs industriels, partis le piolet en main sur les sentes du pays pour y glaner des fortunes, les réussites furent des plus inégales. Henri Lafleur[51] s’y taillera une part de lion (...). Il saura se créer un domaine si puissant qu’il entrera en concurrence avec la redoutable SLN. Sa réussite politique sera grande et son efficacité dans la gestion des affaires du Territoire, certaine, mais sa simplicité, sa gentillesse, il les devra à son passé de prospecteur alors qu’il était le compagnon de ces hommes en tricot de corps et manou (paréo) qui s’affrontaient à la grande Chaîne.

4.3. Expliciter ce particularisme sémantique du français calédonien, revient à tracer à grands traits l’histoire économique du Caillou depuis presque un siècle et demi.

Ce calédonisme évoque, en effet, les rivalités entre les prospecteurs indépendants et l’actuelle SLN et les différentes péripéties des rachats et des fusions qui donneront naissance à cette dernière, accusée à plusieurs reprises de constituer un État dans l’État[52].

Il réfère aux transferts de fonds et de personnel de l’agriculture (ou plutôt de l’élevage extensif de bovins), à la mine en raison du cours des minerais. Dès que ce dernier atteignait un taux élevé, il s’avérait plus rentable d’investir dans l’exploitation d’une mine, que dans celle d’une propriété agricole. Il valait mieux devenir mineur[53] que rester stockman[54].

Il rappelle le fonctionnement de ces stores sur mine qui permettaient d’accroître les bénéfices de l’exploitant[55] et indirectement le réseau de distribution des marchandises indispensables à la vie en brousse (cartouches pour la chasse, petit matériel agricole, vêtements, nourriture, carburant, quincaillerie) dans ces stores qui furent appelés ballandettes du nom de la famille la plus riche de Calédonie (les Ballande descendants d’armateurs de Bordeaux) qui mit en place un système de chalandage permettant d’approvisionner par bateaux, naviguant sur le lagon et sur les fleuves, les localités difficilement accessibles par les pistes avant la dernière guerre mondiale et qui investit également dans les mines et l’élevage[56]

4.4. Manifester sur le Caillou qu’on remet en cause ce mythe calédonien du petit mineur parce qu’on revendique la maîtrise du patrimoine minier, c’est nécessairement affirmer que l’on ne reprend pas à son compte ce particularisme sémantique du français calédonien. C’est, comme dans l’exemple ci-dessous, réfuter la norme endogène du français calédonien, par l’emploi de "soi-disant". Contester ce calédonisme, c’est recourir à la modalisation autonymique[57] :

Sur un plan économique, le plus grand scandale auquel nous puissions assister, c’est l’exploitation de notre patrimoine, l’exploitation de nos mines par la SLN, par les soi-disant "petits mineurs" qui exportent des millions de tonnes de nickel vers le Japon, chaque année. (...) La revendication est naturelle : le peuple indigène ne peut pas bénéficier de cette richesse et il demande la restitution de ce patrimoine, qu’il soit acquis au pays.[58]

Conclusion

Relevant de l’usage courant du français en Nouvelle-Calédonie, à la différence d’autres particularismes liés au travail sur mine comme les noms de minerais, (minerai moutarde, minerai chocolat, minerai bouchon, minerai fausse moutarde) qui ne sont utilisés que dans le parler des mineurs[59], les petitsmineurs du Caillou invitent à mener des comparaisons avec d’autres usages au sein d’une francophonie industrieuse, comme ceux des Français régionaux du nord de la France ou de Saint-Étienne qui, eux aussi, ont inscrit dans leur chair et dans leur sang l’activité de la mine.

Manifestations de la norme endogène au français calédonien, les petits mineurs du Caillou, attestent de la vigueur de ce français régional des antipodes qui sait exprimer avec tendresse l’attachement au sol où il s’est enraciné et travestir la réalité du pouvoir qui s’y exerce.



[1] On en trouvera de nombreux exemples dans la thèse de Christine Pauleau-Delautre Inventaire des particularités lexicales du français calédonien, Thèse de doctorat, Directeur : Suzanne Lafage, Université Paris III, 1992.
[2] Dans sa classification des changements lexicaux en français d’Afrique Noire, présentée dans Français parlé et écrit en pays Ewé, sud Togo, Paris, Selaf (1985), Suzanne Lafage distingue deux grands types de particularismes : particularismes sémantiques (changement s’opérant seulement au niveau du signifié), particularismes léxématiques (changement s’opérant au niveau du signifiant).
[3] Ceci réfère au "vécu" d’un encadrement de séminaire de maîtrise mené conjointement avec Suzy à l’Université Paris III durant ces quatre dernières années.
[4] Actuellement, c’est le troisième exportateur.
[5] Cf. "Nous devons faire mention ici des conditions peu satisfaisantes de leur existence au voisinage des mines (...). Les ouvriers sont (...) amenés à habiter, ou plutôt à camper, puisque le climat permet des installations très sommaires, au voisinage immédiat de la mine, de façon à éviter (...) une ascension trop pénible pour se rendre au travail chaque jour (...) Ces campements, généralement désignés sous le nom de "villages", ne sont que des groupes de huttes, exceptionnellement en bois, quelquefois en tôle ondulée, et plus souvent en paille, dont le confort laisse fort à désirer, et où la vie ne serait guère séduisante pour les ouvriers mariés et pères de famille (...)" GlasserM. E. (1904), Rapport à M. le Ministre des Colonies sur les richesses minérales de la Nouvelle-Calédonie. Paris, Dunod. Cf. pp. 525-527 du chapitre consacré à La main-d’œuvre.
[6] Cf. Darot Mireille (1995), "Le français calédonien : mine et francophonie" dans Linx n° 33, Situations du français, D. Fattier et F. Gadet éd., Université Paris X-Nanterre, décembre 1995.
[7] "Face au front (prononciation calédonienne)". Je reprends l’expression d’un contremaître dit Pipine lors d’un entretien effectué en 1993 au Centre minier SLN de Thio.
[8] Cf. Archives de la Société Le Nickel, Centre SLN de Doniambo, Nouméa, Nouvelle-Calédonie. Je reprends les notes de consultation effectuées en 1993.
[9] Un tableau du Prix de revient à la journée pour les diverses catégories d’ouvriers : Travailleurs blancs libres, Libérés (du bagne), Relégués (anciens bagnards assignés à résider en NC), Japonais régulièrement engagés (sous contrat), Japonais évadés, Tonkinois, Annamites et Javanais engagés, Noirs (Néo-hébridais ou Mélanésiens des Nouvelles-Hébrides ou de Nouvelle-Calédonie) figure à la p. 553 du chapitre consacré à La main-d’œuvre inGlasserM. E. (1904), op. cit.
[10] Cf. Charoy Xavier et al. (1989) Images de la population de Nouvelle-Calédonie. Principaux résultats du recensement 1989, Paris, INSEE, Nouméa, ITSEE.

Pour une analyse sociolinguistique de ce recensement : Cf. Darot Mireille (1993) La Nouvelle-Calédonie : Un exemple de situation du français en francophonie. Nouméa. Centre Territorial de Recherche et Documentation pédagogique, et Darot Mireille, Pauleau-Delautre Christine (1993) "Situation du français en Nouvelle-Calédonie" (pp. 283-301) in Le français dans l'espace francophone sous la direction de De Robillard, Beniamino, Paris, Champion.

[11] Cf. Amicale vietnamienne de Nouvelle-Caledonie (1986). Les Vietnamiens en Nouvelle-Calédonie, Nouméa, Imprimerie des Éditions Nouvelles, Nouvelle-Calédonie et Kobayashi Tadao (1992) Les Japonais en Nouvelle-Calédonie. Histoire des émigrés sous contrat. Publications de la société d'études historiques de la Nouvelle-Calédonie n° 48. Nouméa.
[12] C’est le cas actuellement pour les Wallisiens et les Kanak de la Grande-Terre. Cf. Darot M. (1995), "Le français calédonien : mine et francophonie" op. cit.
[13] Je reprends le contenu d’entretiens effectués au Centre minier SLN de Thio en 1993-94.
[14] Le bichelamar se constitua au cours du XIXe siècle dans les échanges des baleiniers, des santaliers et des écumeurs de mer avec les populations du Pacifique. Devenu langue véhiculaire en milieu urbain dans l’ancien condominium franco-britannique des Nouvelles-Hébrides, et langue officielle aux côtés de l’anglais et du français depuis l’indépendance en 1980 de l’actuel Vanuatu, le "bislama" fait désormais l’objet d’une codification et d’une standardisation.
[15] Les colons d’origine australienne, éleveurs de bétail sur la côte ouest de la Grande Terre. La majorité de francophones natifs était alors composée de bagnards, de libérés, et de relégués astreints à séjourner en NC après avoir purgé leur peine.
[16] Cf. l’extrait de Kanaké, mélanésien de NC (Nouméa, 1975) figurant page 36 dans TjibaouJean-Marie (1996), La présence Kanak, édition établie et présentée par Alban Bensa et Eric Wittensheim, Éditions Odile Jacob, Paris. Cf. Raluy Antonio (1990), La Nouvelle-Calédonie, Paris, Éditions Karthala. (pp. 126-127)
[17] Dans cet article, nous appliquons la norme orthographique du mouvement indépendantiste ("kanak, invariable en genre et nombre", Gouvernement provisoire de Kanaky, 9 janvier 1985) qui a été officialisée par l’application des accords de Matignon, notamment à travers l’inscription au Journal Officiel de la Nouvelle-Calédonie de la création d’une Agence de développement de la culture Kanak (1990). Cf. Darot Mireille, (1997), "Calédonie, Kanaky, ou Caillou ? Implicites identitaires dans la désignation de la Nouvelle-Calédonie" dans Mots n° 53, "La Nouvelle-Calédonie après les accords de Matignon", pp. 8 à 25, Presses de Sciences Po, Paris, décembre 1997.
[18] Cf. Tjibaou J. M. (1996) op. cit.Cf. ici même, citation en 4.4.
[19] Cf. L’extrait de Kanaké, mélanésien de NC, Nouméa, 1975, figurant page 53 dans Jean-Marie Tjibaou, (1996) op. cit.
[20] "C’est presque toujours à eux (les Loyaltiens : Lifou est l’une des îles Loyauté) que l’on confie les opérations de chalandage pour lesquelles ils excellent" (Glasser (1904), p. 531).
[21] Nous résumons l’entretien que nous a accordé à Kanuméra (Île de Lifou) en août 1994, un Kanak, descendant d’un baleinier adopté coutumièrement à Lifou au siècle dernier, qui participa régulièrement au sazeman bateau (chargement bateau) pour le compte du petit mineur Montagnat. Qu’Édouard Forest soit ici remercié.
[22] Le français calédonien connaît une extension des expressions en coup de ... coup de pêche, coup de chasse, coup de fête, etc. qui font l’objet d’une grande créativité verbale de la part des locuteurs calédoniens. Nos étudiants calédoniens de l’Université française du Pacifique avaient dressé, en 1993, une liste de plus de 60 occurrences.
[23] Nous résumons les propos tenus par un professeur calédonien agrégé de Sciences économiques, détaché au Vice-Rectorat de Nouvelle-Calédonie au cours d’un entretien en juillet 1994. Que Claude Constans soit ici remercié.
[24] Et non à la mine. Traitant de l’usage du français calédonien, nous nous conformons à la norme des mineurs que nous avons pu observer au Centre SLN de Thio en 1993-94, lorsque nous avons enquêté sur le français parlé sur mine.
[25] L'histoire de la mine en garde le souvenir à travers la destruction des minéraliers et des installations portuaires de chargement de minerai ; Cf. Malheurs et tragédies de la Marine dans l'histoire de Thio, (p. 9) Musée de la mine de Thio(1994).
[26] Le tritout est une machine qui sépare le stérile ou tout venant du minerai à forte teneur en nickel. Cf. Société métallurgique Le Nickel SLN (1990) Le nickel en Nouvelle-Calédonie. De la prospection à la mine, (pp. 24-25), Nouméa. Publications SLN.
[27] Extrait de l’article figurant page 25 et intitulé "Diane Bui-Duyet La petite sirène d’Istambul", Les Nouvelles-hebdo n° 280, 16-21-07-1993, Supplément aux Nouvelles Calédoniennes, 41-43 rue de Sébastopol, B.P. 179 Nouméa.
[28] Extrait de l’article intitulé : "Robert Teritehau : un pied cassé mais un moral d’acier" figurant page 2 dans la rubrique "Funboard", Le quotidien calédonien, n° 9, 27-12-1995. 4, route du Vélodrome, BP 2080 Nouméa.
[29] Extrait de l’article intitulé, "Isabelle Amiot : Je veux enseigner sur le Territoire" figurant page 6, Le quotidien calédonien, n° 9, 27-12-1995.
[30] Dossier de préparation du Festival Mélanésia 2000, intitulé "Mélanésia 2000, festival d’expression mélanésienne", figurant p. 31 dans Jean-Marie Tjibaou (1996), op. cit.
[31] Le festival Mélanésia 2000 qui se tint à Nouméa en 1975 est considéré comme une première étape dans la lutte qu’allaient mener les indépendantistes.
[32] Dans "Calédonie, Kanaky" ou "Caillou ? Implicites identitaires dans la désignation de la Nouvelle-Calédonie", Mots 53, décembre 1997, Presses de Sciences Po, Paris, nous evoquons les malentendus auxquels peut exposer la désignation de Nouvelle-Calédonie dans ce pays même selon les interlocuteurs en présence dans cette période de transition pendant laquelle les dénominations de ce qui n’est pas encore une "nation" indépendante, la Kanaky, s’inscrivent dans une relation, privilégiée et conflictuelle, avec celles d’une autre nation : la France.
[33] Équivalent du terme deuxième génération dans le français hexagonal, niaouli, dans le français calédonien, désigne ceux qui ont fait racine dans le pays malgré des conditions de vie souvent très difficiles, à l’image du niaouli, cet eucalyptus endémique à la Calédonie qui résiste au feu de brousse.
[34] Nous reprenons les propos tenus par un historien calédonien, Louis-José Barbançon, dans une émission de France Culture (Productrice Danielle Casanova, Réalisatrice Dany Toubiana, "Le parler calédonien", Tire ta langue, 3 juillet 1996), et dans les réunions du conseil scientifique de l’Agence de Développement de la Culture Kanak (ADCK) dans les années 1991-93. Descendant de bagnard, auteur de La colonisation pénale en Nouvelle-Calédonie, Catalogue de l’exposition Terres de Bagne, Aix-en-Provence, Centre des Archives d’Outre-Mer, 1990, connu pour ses positions en faveur des indépendantistes au moment des "événements", Louis-José Barbançon, explique dans Le pays du Non-dit. Regards sur la Nouvelle-Calédonie. Nouméa, 1992, que dans ce pays il ne faut parler ni du bagne, ni de l’appropriation des terres kanak.
[35] Le "Rassemblement pour la Calédonie dans la Paix", parti loyaliste de Jacques Lafleur, co-signataire des Accords de Matignon, milite pour le maintien de la Calédonie (le terme utilisé par les Calédoniens pour parler de la Nouvelle-Calédonie quand il s’agit de l’essence même du pays) dans la République. Cf. Darot (1997).
[36] "La SLN exploite deux grands centres miniers à Thio et à Kouaoua (côte est de la Grande Terre) et l'usine métallurgique de Doniambo, importante fonderie dont la capacité de production est d'environ 48.000 t. La totalité des activités de la SLN se situe donc dans la province Sud", cf. Leblic Isabelle (1993), Les Kanak face au développement. La voie étroite. Nouméa, Grenoble, ADCK, Presses Universitaires de Grenoble, p. 42.
[37]Leblic(1993). op. cit., p. 42.
[38] Leblic(1993). op. cit., p. 41.
[39] Haussaire : calédonisme pour le Haut-Commissaire de la République. Chef de l’exécutif, il représente l’État sur le Territoire. Ses attributions sont comparables à celle d’un préfet en Métropole. Alain Christnachtfut haussaire de 1992 à 1995.
[40] ChristnachtAlain (1990), La Nouvelle-Calédonie. Coll. Notes et études documentaires. Paris, La Documentation française, p. 90.
[41]ChristnachtAlain (1990), Ibidem, "Les petits mineurs incarnent le mythe calédonien", p. 90.
[42]Brou Bernard (1977), Richesses minières en Nouvelle-Calédonie. Nouvelles éditions latines, Paris, non daté (vers 1976 d'après les références données), p. 22.
[43] Les murs de ces cases sont des plaques d’écorce (la peau en français calédonien) d’une variété d’eucalyptus, le niaouli, endémique à la Nouvelle-Calédonie.
[44] Exemple des transferts des particularités lexicales d’une colonie à l’autre (gourbi est un emprunt à l’arabe dialectal algérien) en raison de la rotation des fonctionnaires et militaires.
[45]Miret Georges (1994), Chronologie de la Mine. (ronéoté). Musée de la mine, Thio, Nouvelle-Calédonie.
[46] Cf. Pauleau (1992).
[47] Georges Baudoux (1870-1949), prospecteur puis écrivain, arrive en 1874 en NC. Légendes canaques, Nouvelles Éditions Latines, 1952. Les blancs sont venus. Société d’études historiques de la Nouvelle-Calédonie, 1972. Il fut un temps… Souvenirs du bagne. Société d’études historiques de la Nouvelle-Calédonie, 1974.
[48]LaubreauxAlin (1930), Le rocher à la voile, Albin Michel. Cf. la présentation de cet auteur et les extraits figurant pp. 136-147, dans Bogliolo François (1994). op. cit.
[49]Brou Bernard (1977). op. cit., p. 22.
[50]SénèsJacqueline (1985) La vie quotidienne en NC de 1850 à nos jours, Hachette, Paris, pp. 222 à 224 "Les petits mineurs". L’extrait figure p. 223.
[51] Le père de Jacques Lafleur, co-signataire des Accords de Matignon.
[52] Pour les bénéfices qu'elle retirait de la population pénale et pour son fonctionnement en autarcie, la Société Le Nickel subit de violentes attaques de la part de la presse notamment en 1890 et 1899. Cf. Miret Georges (1994) Chronologie de Thio. Musée de la Mine (Ronéoté). Thio. Nouvelle-Calédonie.
[53] Tous ceux qui travaillent sur mine se désignent par le terme de mineur, selon les réponses à notre enquète effectuée en 1993-94 au centre SLN de Thio sur le français parlé à la mine.
[54] Les stockmen sont l’équivalent calédonien des cow-boys. Sur la Côte ouest de la Grande Terre est pratiqué un élevage extensif de bovins sur le modèle australien dont les termes techniques, intégrés dans le français calédonien, sont des emprunts à l’anglo-australien. Cf. Glasgow Jeannette (1968), Le vocabulaire de l'élevage en Nouvelle-Calédonie : Étude de français régional Thèse de Doctorat d'Université, Université de Paris et Pauleau (1992). op. cit.
[55] "Ces campements doivent se suffire à eux-mêmes (...) à l’aide d’approvisionnements reçus de la capitale ; aussi existe-t-il dans chacun d’eux un magasin universellement désigné sous le nom anglais de "store" assurant la fourniture aux ouvriers des aliments, boissons, vêtements et objets d’un usage journalier. (...) Les ouvriers de la mine en sont les clients obligés, et y apportent des sommes importantes que l’exploitant de la mine n’a garde de laisser aller à d’autres mains que les siennes". GlasserM. E, (1904), Rapport à M. le Ministre des colonies sur les richesses minérales de la Nouvelle-Calédonie. Paris, Dunod, cf. pp. 525-527 du chapitre consacré à La main-d’œuvre
[56] Le roman d’Alin Laubraux (1930), Le rocher à la voile, décrit la toute-puissance de la maison "Ballourde" qui "étouffe la colonie" par la voix d’un petit mineur, ruiné après avoir découvert un filon de nickel, parce que la maison "Ballourde", qui lui a prêté "l’argent nécessaire pour mettre la mine en exploitation", a imposé "un contrat qui stipule qu’il doit s’approvisionner en toutes matières depuis les stocks de vivre jusqu’au matériel, chez son prêteur". L’extrait figure pp. 138-139 dans Bogliolo (1994), op. cit.
[57]Cf. Authier-Revuz Jacqueline (1993), Ces mots qui ne vont pas de soi. Boucles réflexives et non-coïncidence du dire. Institut Pierre Larousse. Tome 1, pp. 27-47.
[58] TjibaouJ.M., (1996) op. cit., p. 94. Extrait d’un texte adressé le 11 septembre 1979 à Gabriel Marc, responsable de "Justice et paix" (mouvement d’inspiration catholique).
[59]Darot Mireille (1996), "Les noms de minerai : Particularités du français calédonien et histoire industrielle" dans Du caillou au Nickel ; Contribution à l’archéologie industrielle de la Province Sud, Frédéric Angleviel éd., Université Française du Pacifique-Centre de Documentation Pédagogique, Nouméa, Nouvelle-Calédonie. Particularités léxématiques mettant en œuvre des procédés de composition caractéristiques de la néologie francophonie pour tout ce qui est description des realia de la faune et de la flore, comme crabe carton et pomme liane en Nouvelle-Calédonie, ces noms de minerais s’organisent en une taxinomie populaire qui, schématiquement, associe aspect et teneur de minerai et nourriture : minerai moutarde, minerai chocolat, minerai bouchon, minerai fausse moutarde. Appelé à disparaître avec le départ à la retraite de leurs utilisateurs, l’usage de ces noms de minerais est désormais remplacé par celui des termes scientifiques du français standard, auxquels s’appliquent les procédés de dérivation des mots savants serpentine, saprolite, péridotite, garniérite, adoptés dorénavant, dans la prononciation calédonienne, par les jeunes, calédoniens ou kanak, travaillant sur mine.